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Si la rentrée est source de stress pour la communauté éducative face au contexte sanitaire, pour les nouveaux titulaires c’est l’heure de prendre leurs fonctions. Après des années d’étude, de stage, ils vont enfin exercer leur métier.
Ces derniers mois ont été délicats pour eux aussi. Ayant décroché leur concours en 2019, ils étaient l’an dernier en stage et en formation. Malheureusement, cette année sur le terrain, propice à se former face aux élèves et à échanger avec les collègues expérimentés, a été amputée de plusieurs mois…

Un concours et une année de stage compliqués

Margaux 23 ans, prof de physique-chimie, fait sa rentrée dans un collège du Vaucluse. Elle a obtenu son concours en 2019 en étant inscrite en master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation). Une année qu’elle qualifie d’ « épuisante et stressante » entre le haut niveau disciplinaire requis pour les écrits et le stress des oraux qui ont eu lieu en pleine canicule. Son année de stage a été perturbée par la crise sanitaire : plus de cours en présentiel à l’Inspe et pas d’inspection puisqu’elle était prévue la semaine où le confinement a débuté. « Je n’ai pu enseigner en présentiel que 6 mois et demi. A peine le temps de prendre de bonnes habitudes qu’il a fallu s’adapter à l’enseignement à distance, qui était aussi nouveau pour moi que pour les formateurs de l’Inspe », déclare Margaux. Elle a dû adapter le sujet de son mémoire qui ne pouvait plus se baser sur les observations en classe. Et la soutenance de son mémoire s’est faite en visio-conférence.
Pour Megan, enseignante d’anglais dans un lycée polyvalent de l’Essonne, le mémoire et les autres dossiers ont été rendus en ligne et les soutenances ont été annulées.
Louise, également professeur d’anglais, était stagiaire dans un collège REP de l’académie de Versailles l’an dernier. Ses deux visites, par sa formatrice et la chargée de mission d’inspection, ont eu lieu avant le confinement. Seuls ses cours à l’Inspe ont été perturbés par la crise sanitaire, sans que cela n’ait d’incidence notable pour elle.

La titularisation : des affectations parfois tardives

Margaux a su dès la mi-juin où elle serait mutée. « J’étais à la fois soulagée de ne pas être dans un établissement difficile et à la fois triste de devoir quitter mon conjoint pour une année au moins (lui travaille en Isère). De plus, je n’ai jamais enseigné en collège, donc cette année va être une découverte pour moi ». L’été a été rythmé par sa recherche d’appartement, son déménagement et la préparation de cours pour les premières semaines. Elle a pris contact avec les collègues de SVT et techno et l’ancien titulaire du poste qui l’ont tous bien aidée.
Louise a également pris connaissance de son établissement d’affectation à la mi-juin. C’est son deuxième choix qui a été retenu. « J’ai fait le choix de changer d’académie (Versailles vers Créteil) pour obtenir plus facilement un poste fixe pas trop loin de Paris. Le département de la Seine-Saint-Denis est idéal pour cela car peu de personnes y vont volontairement », explique-t-elle. Son expérience positive auprès d’un public REP l’an dernier l’a rassurée. Louise a également rapidement trouvé un logement à proximité de son collège ce qui lui permet de « gagner largement en qualité de vie » alors que l’an dernier elle avait rencontré des difficultés avec les transports.  La jeune femme a su quels niveaux allaient lui être confiés et a donc pu préparer ses cours pendant les vacances.
Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. D’autres néo titulaires TZR (titulaires sur zone de remplacement), comme Megan, n’ont su qu’au dernier moment leur établissement d’affectation. Megan a ainsi appris la nouvelle vendredi 28 août. « J’ai eu un peu peur au début car je n’ai pas pu connaître mes classes avant la pré-rentrée », glisse-t-elle. Elle a donc passé le week-end à regarder les formations proposées par ce lycée général et professionnel et les modalités d’évaluation en anglais pour celles-ci.

La pré-rentrée : équipes accueillantes… et missions surprises !

Megan est donc arrivée lundi sans trop savoir à quoi s’attendre. Mais ses collègues, notamment ceux en langue, l’ont tout de suite mise à l’aise. « J’ai eu un accueil très agréable et rassurant. Nous sommes beaucoup de nouveaux profs et nous pouvons donc nous épauler ».
Pour Margaux aussi, la pré-rentrée a été l’occasion de discuter avec les collègues, « tous très sympas » et d’être accompagnée par ceux du pôle science. Pour autant, cette journée n’a pas été un long fleuve tranquille pour la jeune femme. « La masse d’informations que l’on reçoit est assommante, et le protocole sanitaire n’arrange rien ! De plus, j’avais donné mon accord pour être prof principale de ma classe de 5ème, et j’ai eu la surprise de découvrir qu’on m’avait attribué finalement une classe de 6ème ! Dur-dur de faire découvrir un collège à des 6èmes quand soi-même on ne le connaît que très peu… », déplore la jeune enseignante. Par ailleurs, étant la seule titulaire d’un temps complet en physique-chimie, « je suis catapultée comme responsable du labo et coordinatrice de discipline… ». Des responsabilités et une charge de travail plus importantes l’attendent donc dès ses débuts.

La rentrée : les mesures sanitaires ajoutent du travail

La rentrée s’est bien passée pour Megan qui enseignera finalement l’anglais à des étudiants de BTS « une classe uniquement masculine et à première vue sympathique », à des 2ndes et à des 1ères. Elle est plutôt sereine pour cette année mais sa plus grosse angoisse reste la découverte de l’enseignement en BTS. Concernant le Covid-19, la professeure se dit rassurée de voir que des mesures ont été prises. Mais celles-ci lui semblent encore insuffisantes. « Des masques ont été distribués, du gel est à disposition dans chaque classe… Cependant, les tables ne sont pas suffisamment désinfectées à mon goût. Il faudrait presque que les enseignants investissement eux-mêmes dans des lingettes pour les désinfecter entre chaque classe. Ce qui n’est malheureusement pas réalisable », regrette-t-elle.
Dans son collège en Rep, le premier contact avec les équipes et les élèves a été bon pour Louise aussi. « J’ai accueilli mes élèves de 6ème dont je suis professeure principale et je n’ai eu aucun incident à signaler. Ce sont des élèves qui, comme tous les autres, ne sont pas toujours heureux d’être de retour sur les bancs de l’école, mais qui sont globalement respectueux ». Toutefois, pour elle, les mesures liées au covid-19 sont anxiogènes. « Le protocole fourni est très vague et n’aborde pas les points les plus problématiques (stages de 3ème, ateliers pour les Segpa, utilisation du matériel informatique) ce qui ne permet pas d’établir un cadre assez strict. Et les masques sont très difficiles à imposer et à bien faire porter. Ca rajoute à la charge de gestion de classe déjà énorme », souligne-t-elle.

Depuis le confinement, Margaux, la professeure de physique-chimie, n’avait pas revu d’élèves. Avec six mois d’expérience et six autres sans faire cours en présentiel, elle appréhendait un peu la rentrée. Finalement, elle a retrouvé le plaisir d’être devant des élèves. Le port du masque a toutefois là encore été difficile à supporter toute la journée pour elle comme pour les collégiens à qui elle a souvent dû répéter de bien le mettre. « Je n’ose pas imaginer si ça dure tout l’année ». Elle redoute aussi de devoir alterner les périodes de cours en présentiel et à distance. « Je sais que cette année va être un défi, entre la crise sanitaire et les différents postes que je dois tenir. Je la vois un peu comme un baptême du feu : si j’y arrive, je pourrai (presque) tout faire ! Je ne veux pas trop me mettre la pression, je ferai de mon mieux comme à mon habitude. Et s’il y a des loupés… tant pis ! ».