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Les élèves et professeurs ont repris le chemin de l’école depuis un peu plus d’un mois. Pour les enseignants débutant en collège Rep et Rep +, cette rentrée a le goût des premières fois. Qui plus est lorsqu’il a fallu changer d’académie et s’éloigner de ses proches pour enseigner.  C’est le cas d’Anthony, 25 ans, professeur d’EPS dans un collège Rep situé dans une zone rurale de l’académie de Lille. L’an dernier, après son CAPEPS, il a effectué son stage dans un collège paisible de Montpellier, à proximité de chez lui. Son année de formation terminée, faute de points, il a été contraint d’émettre des vœux dans des académies éloignées de sa région natale. Pour optimiser ses chances d’avoir un poste fixe, il a demandé des établissements classés en Rep. « Je voulais éviter d’être TZR et changer d’établissement au gré des remplacements. J’avais envie de m’investir sur la durée et de prendre part à des projets. Je sais que cette notion est pas mal développée en Rep et Rep+ », argumente le jeune homme. Un choix partagé par Arielle, 24 ans, professeure d’histoire-géographie dans un collège Rep + en Seine-Saint-Denis. « Les jeunes sans attache vont dans les académies les moins demandées. J’ai formulé 15 vœux, tous en Rep+, dans les académies auxquelles je pouvais prétendre. L’an dernier, j’étais TZR et j’ai fait trois établissements différents dont un en Rep+. Mon expérience m’a démontré que l’on pouvait passer des heures plus difficiles dans des établissements non classés. Dans le 93, entre un collège classé ou non, ce n’est pas beaucoup plus dur. Mais en Rep+, on a moins d’élèves par classe, plus de moyens financiers, plus de points pour la mutation et un meilleur salaire », confie Arielle. Elle aussi se dit soulagée d’avoir obtenu un poste fixe pour s’intégrer à la vie d’un établissement.

La rentrée, source d’appréhension

Pour l’un et l’autre, la rencontre avec les collègues quelques jours avant la reprise officielle des cours s’est bien passée. Ils ont découvert des équipes éducatives soudées. « J’ai été bien accueillie. L’équipe est jeune et pleine de projets, c’est motivant. Il y a une grande cohésion entre les collègues car les conditions de travail restent difficiles, on a besoin de soutien », souligne Arielle. Dans l’établissement d’Anthony, cette année, il y a 20 nouveaux professeurs sur 60, témoignant ainsi du brassage qui a lieu chaque année dans l’équipe enseignante. Le professeur de sport a cinq classes : deux 6èmes et trois 4èmes. La veille de la rentrée, l’appréhension est montée d’un cran. « J’étais assez stressé face à ma première classe de 6ème. Je suis leur professeur principal alors que je n’ai aucun bagage. Mais ça s’est très bien déroulé car ils faisaient, eux aussi, leurs premiers pas au collège. La présentation des lieux était tout de même assez compliquée car je ne les connaissais pas moi-même. Je n’avais vu que les infrastructures sportives or le collège est vaste. Il compte 800 élèves… », raconte Anthony. Ses classes de 4èmes, en revanche se sont rapidement montrées « très dynamiques » et réticentes aux règles. Lancer de cailloux sur le terrain de sport, intimidation dans les vestiaires entre élèves… « Je ne savais pas comment les gérer. J’étais désabusé. Ces élèves n’ont plus rien à perdre. On ne m’a pas donné de tuyaux car personne ne sait quoi faire avec certains d’entre eux. On m’a dit que ce serait déjà très bien s’ils finissaient leur année », avoue Anthony. Avertissements, heures de colle, rien n’y fait. « Je ne veux pas les exclure. Je reste ouvert au dialogue mais il y a un fort taux d’alcoolémie chez les parents et il y a beaucoup d’enfants livrés à eux-mêmes », ajoute le professeur. Pour Arielle, la rentrée s’est bien passée et ses élèves se sont montrés « assez sages », sans problème de comportement notable. Elle apprécie les deux heures de concertation hebdomadaire avec l’équipe éducative pour discuter des élèves, de la problématique du décrochage scolaire. « Ca devrait se faire dans tous les établissements », lance-t-elle. Elle reconnait que son collège a plutôt bonne réputation. « Les élèves sont assez réceptifs et on travaille en cohésion avec les parents. Depuis un ou deux ans, les 6èmes ont un conseil de classe participatif. Tous les parents et élèves y viennent. Je n’y ai pas encore assisté mais même si c’est un peu compliqué en terme d’organisation c’est apparemment bien accueilli », ajoute-t-elle.

Entre espoir et désillusion

Du côté de Valenciennes, Anthony avoue réussir à faire participer ses élèves un cours sur deux. Parfois, le jeune homme reconnait avoir la tête sous l’eau et parfois il constate des progrès. « J’essaye d’être encore plus strict et de trouver des solutions. On se teste, eux comme moi. Il y a deux ou trois perturbateurs par classe et beaucoup de violence dans l’établissement. Je m’y attendais un peu mais pas à ce point-là. C’est très différent de ce que j’ai connu l’an dernier dans un collège huppé de Montpellier. Mais même les professeurs plus expérimentés n’ont pas de solution. J’essaye de rester positif et de relativiser », confie-t-il. Il s’accroche ainsi au dynamisme de l’équipe enseignante et aux projets proposés en guise de fil rouge sur l’année. Des élèves de 4ème préparent ainsi un clip de rap mobilisant les cours de chant, d’histoire pour observer l’évolution des styles musicaux et l’EPS pour la mise en scène faite d’acrobatie à la manière des Yamakasi. « Les élèves sont intéressés par ce projet concret. Ca les motive. J’ai même réussi à faire évoluer positivement le comportement d’un élève qui veut participer à ce clip », se félicite Anthony.

En ce premier mois d’école, l’appréhension d’Arielle ne vient pas des élèves mais plutôt des annonces faites par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, concernant notamment la suppression de 1800 postes en 2019 et une deuxième heure supplémentaire obligatoire pour les enseignants…  « On est là pour gommer les inégalité sociales. Ce sont les enfants des parents défavorisés que l’on peut vraiment aider en tant que professeur. Mais ça va se compliquer si nous avons moins de moyens. Les avantages ne sont pas suffisants pour rester enseigner 15-20 ans en Rep », craint la jeune femme. En attendant, Arielle et Anthony poursuivent leurs efforts et se rôdent à leurs nouvelles fonctions.