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La SEGPA, c’est quoi ?

Ces sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) sont des classes spécialisées qui accueillent des élèves « présentant des difficultés scolaires graves et persistantes », de la 6e à la 3e.

A la rentrée 2016, on recensait 87 612 élèves scolarisés dans 1 833 SEGPA collège. Des sections de 16 jeunes maximum, encadrés par des enseignants, professeurs des écoles, de collège ou de lycée général et professionnel, et qui peuvent intervenir en co-intervention.

La formation, c’est l’une des inquiétudes pointées du doigt par le SNUIpp qui dénonce la manière de « faire des lois, mais de ne pas former les enseignants pourtant motivés et volontaires pour mettre en mouvement leur pédagogie au profit de ces élèves ». D’après le rapport remis au ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, à l’été 2018, et piloté par Bénédicte Abraham et Jean-Marc Desprez, inspecteurs généraux de l’Education Nationale (IGEN), certains enseignants regrettent « l’absence d’une véritable formation initiale et continue dédiée à la prise en charge de ces élèves en grande difficulté scolaire ». Plusieurs besoins sont mis en exergue dans le document, comme la différenciation et l’adaptation des supports pédagogiques, les modalités et les stratégies d’intervention et l’instauration d’un temps de concertation entre les différents intervenants. « Pour les équipes enseignantes et de direction, c’est une condition nécessaire à l’évolution qualitative des pratiques, des adaptations et des inclusions », poursuivent les IGEN.

Quels enseignements en SEGPA ?

Les activités s’organisent en classe entière ou en ateliers, réduits alors à huit élèves. Les jeunes suivent les programmes classiques qui sont adaptés et aménagés. Au programme également : des enseignements de découverte professionnelle. Deux stages sont prévus dans leur scolarité, en 4e puis en 3e. L’ambition de ces classes, c’est notamment la poursuite d’étude et l’obtention d’une qualification diplômante. Aujourd’hui, près de 15 000 élèves de SEGPA poursuivent leurs études en CAP.

Quel rôle à jouer ?

C’est une section qui a toute sa place dans le traitement de la grande difficulté scolaire et qui permet la mise en place de nouvelles formes pédagogiques. L’étude d’un texte ne se fait ainsi pas de la même manière en 6e SEGPA ou ordinaire. Pas question ici de laisser les élèves face à leur feuille pendant de longues heures. Les enseignants redoublent d’imagination pour mettre en place de nouveaux modules qui permettent aux élèves d’entrer dans ces apprentissages.

Depuis 2013, c’est autour de l’inclusion que s’illustrent tous les enjeux de la SEGPA. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République reconnaît en effet que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » et que le service public de l’éducation veille à « l’inclusion scolaire de tous les élèves sans distinction ».

Quelles inquiétudes ?

C’est à ce niveau que les syndicats haussent le ton en vue de la rentrée 2019. Dans un communiqué commun diffusé début février, le SNUEP-FSU, le SNPI-FSU, le SNES-FSU, le SNEP-FSU et le SNUIpp-FSU, dénoncent la diminution des dotations contraignant ainsi, d’après eux et dans certaines académies, les enfants qui relèveraient de la SEGPA à rejoindre une classe de 6e ordinaire. « Pour certains élèves, l’école ordinaire est un lieu violent, exigeant et qui dépasse leurs possibilités. Avec l’inclusion totale, on créé de la souffrance », alerte Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU. Du côté du ministère, on argue aujourd’hui que « les enveloppes globales sont allouées aux recteurs et, qu’à ce jour, les informations concernant les SEGPA ne sont pas encore connues ». Pourtant à Dijon, Paris ou Limoges, les chiffres sont déjà bien publics, d’après les syndicalistes. « Sur certains territoires, il y a une volonté affichée de récupérer des moyens par deux biais : en réduisant le volume horaire accordé aux enseignements pré-professionnels ou en éliminant les ateliers de demi-groupe ; et en supprimant des classes de 6e SEGPA », se tourmente Serge Bontoux, responsable du secteur ASH au SNUipp et directeur de SEGPA dans le 19e arrondissement de Paris. « Nous avons eu le retour d’expérience menée dans l’académie de Lille sur l’inclusion en classe ordinaire et le résultat est catastrophique pour les élèves : ils sont perdus, noyés, paumés. Les jeunes en difficulté se planquent au milieu de la classe et les autres profitent de la co-intervention ! », poursuit-il.

Du côté des académies en question, on se veut rassurant. « A la rentrée 2019, sept classes Ulis seront ouvertes pour les élèves qui relèveront d’une affectation spéciale. Quant au nombre de places en SEGPA il restera suffisant pour accueillir l’ensemble des élèves qui en relèveront », affirme-t-on au rectorat de Dijon. A Limoges, où on rappelle que « l’inclusion des élèves, notamment des élèves de SEGPA fait partie des priorités académiques », on précise que « le dossier » a fait l’objet d’une « réunion de cadrage » en février dernier. A cette occasion, une réorganisation pédagogique des heures de découverte professionnelle a été évoquée. « Elle doit en effet s’effectuer à travers des ateliers, sur plateaux certes, mais également par des visites en entreprise, des partenariats avec les lycées professionnels, l’utilisation d’outils numériques… Certaines de ces heures de découverte professionnelle peuvent donc s’effectuer en classe entière. Il est essentiel que les élèves puissent connaître les différentes formations professionnelles qui s’offrent à eux à l’issue de la troisième », explique-t-on en précisant qu’une enquête, menée par une conseillère technique ASH et deux inspecteurs, doit être lancée, tout comme un comité de pilotage SEGPA. Objectif : « assurer la réussite et l’ambition professionnelle tout en accompagnant les professeurs dans cette réorganisation pédagogique. »

Quelle solution pour une meilleure inclusion ?

« Si la mise en œuvre de l’inclusion au niveau sixième s’est heurtée au début à des réserves, voire à des résistances de la part des équipes pédagogiques, les enseignants ont toutefois vite compris que certaines disciplines étaient de nature à la favoriser », peut-on lire dans le rapport de juillet 2018. D’après les syndicats, « favorables à l’inclusion », il faut faire « dans la dentelle » et « s’adapter aux besoins de chaque enfant » en continuant de proposer des projets qui mêlent les publics, mais pas exclusivement. « Il faut faire des ponts entre les classes. Un élève de 6e SEGPA doit pouvoir présenter un exposé dans la classe dite ordinaire, participer à un cours d’arts plastiques ou partager une séance d’EPS. Il pourra vivre des moments intenses avec tous ces camarades. Mais ce n’est pas en faisant du tout inclusif pour des raisons strictement comptables qu’on y arrivera. Au contraire, cela entraînera du rejet », soutient Francette Popineau. « Lorsque les enfants sont noyés dans un collectif et intégrés à un enseignement où la pédagogie n’est pas modifiée, ils sont très vite largués, car même s’ils n’ont pas les compétences attendues, la classe doit avancer », complète Serge Bontoux, qui mène au sein de son établissement un projet scientifique auquel tous les élèves de 6e prennent part, et qui mobilise des professeurs des écoles, des enseignants de physique et des sciences de la vie et de la terre. « L’inclusion ne peut être qu’une phrase sur un papier. C’est une ambition à laquelle il faut donner les moyens. Elle doit être pensée en termes qualitatifs, et non quantitatifs, pour être réussie », reprend la porte-parole.

Vers la disparition des classes SEGPA ?

Non. Les syndicalistes interrogés craignent plutôt un « démantèlement progressif ». Pour eux, l’inclusion ne doit pas être une histoire de lieu. « Tout l’enjeu aujourd’hui, c’est de rassembler les conditions nécessaires à la réussite de ces enfants. Il faut qu’ils soient là où ce qui leur sera donné sera le plus profitable », conclut Francette Popineau.

Dans l’académie de Limoges, on rappelle que des horaires complémentaires sont alloués aux SEGPA, en plus des réglementaires. « Si ce volume va être en légère diminution, compte tenu des nouvelles orientations pédagogiques, il reste encore bien au-delà des horaires réglementaires… », soutient-on.