Voilà déjà plus d’une semaine que petits et grands ont repris le chemin de l’école. Un moment emprunt d’émotions et qui a été vécu diversement par les enseignants interrogés. Pour Édouard, professeur des écoles dans l’académie d’Orléans-Tours depuis 2008, chaque année se ressemble un peu. Il faut dire qu’il enseigne depuis près de dix ans au niveau CM2. « Même si on a l’habitude, on espère toujours que ça va bien se passer. On se demande si les élèves vont être sympas, bosseurs… », confie-t-il. De son propre aveux, ce premier jour de rentrée n’est « pas le plus sympa de l’année ». Il s’agit pour lui de distribuer le matériel dont les enfants auront besoin en cours, d’expliquer les règles à suivre… « On essaye d’y mettre du ludique avec des jeux en classe pour apprendre à se connaître, des temps de récré plus souples », explique-t-il. De quoi aider les enfants à reprendre le rythme et se dégourdir les jambes après deux mois de vacances. Les évaluations nationales reviennent en CM2 et le manque de consignes l’a un peu désarçonné. « On se demande un peu comment ça va s’organiser et on aurait préféré que les APC (Activités Pédagogiques Complémentaires, Ndlr) soient maintenues pour passer du temps avec nos élèves. Mais on prend ça avec du recul car ça change souvent dans l’Éducation nationale », constate l’enseignant. Cette année, les élèves d’Édouard vont arrêter de travailler sur Harry Potter pour explorer la mythologie. Ce nouveau projet l’enthousiasme déjà tout comme la préparation de la classe de mer. « C’est le fil rouge de notre année. Ce n’est que pour juin mais on en parle déjà car c’est beaucoup de responsabilités… et de plaisir », glisse-t-il. Le professeur est ravi de ses premiers jours d’école. « La rentrée s’est très bien passée et c’est très sympa après une semaine d’avoir des retours de parents qui nous disent que leur enfant est content de sa classe et d’aller à l’école », se réjouit-il. Un constat malheureusement pas partagé par l’ensemble des professeurs.
Déjà des problèmes en interne…
Magalie* est enseignante depuis plus de vingt ans en lycée professionnel (PLP) dans le Sud-Est de la France. Son expérience pourrait lui donner une certaine sérénité mais elle le dit sans détour : « c’est la pire rentrée que j’ai vécue en termes d’organisation ». En cause : des emplois du temps mal faits avec parfois des journées entières sans cours pour les élèves, des documents pas prêts pour le jour J, des absences de professeurs non communiquées aux élèves, un manque d’argent pour les missions optionnelles en dehors du Pacte… « La nouvelle direction n’a pas compris qu’en lycée professionnel, on ne fonctionne ni comme un collège ni comme un lycée général et compte y appliquer des recettes qui vont compliquer notre enseignement », regrette déjà Magalie. Autre surprise de cette rentrée dans son établissement : des « classes mélangées en dépit du bon sens » rassemblant des 2nde bac pro avec des Terminales CAP. « Un contractuel a trois classes de bac pro dans son emploi du temps, sauf qu’il n’est pas là donc les élèves n’ont pas cours en année d’examen ! Le b-a ba du proviseur adjoint est de ne pas mettre trop de classes à examen sur l’emploi du temps d’un inconnu pas forcément compétent », ajoute-t-elle. Son lycée professionnel étant en zone frontalière, Magalie ne comprend pas non plus que la direction ait décidé de ne pas offrir cette langue étrangère (l’espagnol Ndlr) à une section, alors que la décision ne lui revient pas. « J’espère que les parents vont monter au créneau », lance-t-elle. De son côté, la rentrée a été tout sauf un long fleuve tranquille.
Des profs sans élèves
D’autres attendent toujours de faire leur rentrée. C’est le cas de Floriane* qui s’apprêtait à faire sa sixième rentrée en tant que professeure d’économie-gestion contractuelle. Habituellement, elle reçoit sans problème son affectation en juillet ce qui lui laisse le temps de préparer ses cours. Cette année, elle attend encore son affectation. Son contrat a été prolongé de quelques semaines mais elle n’a pas de classe d’attribuée et reste chez elle. « Je me lève. L’école a repris depuis une semaine et moi je suis là à ne rien faire alors qu’il y a peut-être des classes sans profs (d’après une enquête du SNES FSU, il manque au moins un professeur dans 56 % des collèges et lycées, Ndlr) », déplore-t-elle. Difficile de profiter de ce temps libre pour anticiper ses cours sans savoir quelle matière et quel niveau elle aura. « Être professeure d’éco-gestion, c’est être professeure de plein de matières différentes : de droit-économie ou bien de management, de sciences de gestion et numérique, de marketing, de ressources humaines… Je ne sais pas quelle matière j’enseignerai ni s’il y aura un poste dans mon secteur ni si ce sera un plein temps », ajoute-t-elle. Tant qu’elle ignore si elle sera affectée ou non, elle ne peut pas non plus anticiper et chercher un autre emploi. Cette affectation revêt plus d’un enjeu car pour être CDIsée dans l’Éducation nationale, il faut faire six ans de CDD de 1 an sans interruption. « Si je ne suis pas reprise cette année, les compteurs retournent à zéro », précise-t-elle. De quoi accroître la pression.
*Le prénom a été changé
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