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L’idée de ce podcast, Christine Masson l’a eue dans le cadre d’une rencontre avec un commissaire de police invité pour l’émission “On aura tout vu” qu’elle coproduit. En discutant du film La nuit du 12 (2023), qui suit un policier enquêtant sur un féminicide, son invité lui confie s’être vu à l’écran, “comme s’il était dans la pellicule.”

« Quelques semaines après, ça m’a frappée, je me suis dit : ‘mais oui bien sûr, comment les professions se voient au cinéma ?’ » Le projet s’appellera : « J’étais dans le film ». Entre deux extraits sonores qui replongent l’auditeur dans des oeuvres cinématographiques bien connues du grand public, la productrice sonde ses interviewés : sur leur vision de leur métier, sur celle qui est représentée à l’écran, sur celle qu’ils voudraient y voir.

“Un portrait de la France au travail”

Elle commence avec les policiers. Puis les profs, les médecins, les ouvriers… Des métiers essentiels, beaucoup représentés au cinéma.

“Il s’agissait de faire un portrait de la France au travail. Ce n’était pas forcément voulu, mais à l’arrivée je me suis rendue compte que c’était un podcast sociétal.”

Christine Masson

La productrice explique que le cinéma est “un très bon vecteur” pour faire parler les gens de problématiques liées à leur métier, qu’on n’imagine pas toujours. Elle donne l’exemple de l’un des enseignants qui intervient dans le podcast, et qui évoque la solitude qui marque ses journées.

Pour réaliser chaque épisode, la productrice revoit des dizaines de films et rencontre les intervenants, souvent sur leur lieu de travail. “C’était quelque chose, parce que je ne connaissais pas ces milieux-là” confie-t-elle.

Pour le second épisode, celui sur les enseignants, Christine Masson s’entretient avec trois personnes de la profession. “Des gens très passionnés, impliqués. J’étais très impressionnée.” Samuel Mahé est maître d’école à Villejuif, Juliette Carré et Nathalie Broux enseignent toutes deux le français dans le même lycée de Seine-Saint-Denis. L’une est cinéphile et l’autre moins, ce qui n’est pas pour gêner Christine Masson, pour qui le podcast n’est “pas un concours de cinéphilie.”

Des films “sur l’école”

Chacun et chacune doit alors penser à des films qui l’ont marqué, et qui mettent en scène leur profession. Pour les enseignants, le choix ne manque pas : du méchant prof de Ducobu à l’enseignante salvatrice d’Ecrire pour exister, la figure a été largement exploitée, et s’est souvent incarnée dans la démesure.

Finalement, les films retenus comptent Le maître d’école, Primaire, Entre les murs, mais aussi P.R.O.F.S et Les beaux gosses. Le corpus est tourné vers des films au ton comique d’un côté, à valeur documentaire de l’autre. Un choix que les deux collègues intervenantes expliquent par le fait que les films “sur l’école” sont parfois plus représentatifs du métier que ceux centrés sur la seule figure d’un enseignant. “Christine Masson était surprise qu’on préfère parler des élèves” racontent-elles. “Bien sûr qu’on espère marquer la scolarité de nos élèves positivement, mais à travers une incarnation plus globale qu’individuelle” ajoute Nathalie Broux, qui évoque aussi l’autocritique que permettent ces films.

“Si on a choisi plus de films à valeur documentaire et de comédies, c’est parce qu’à travers les relations entre personnages, les figures de profs attachants, débordés, ridicules, ou l’humour des jeunes, ils nous mettent en réflexion. On est forcé d’avoir un recul, une certaine auto-dérision sur nous-mêmes, sur notre place dans le système éducatif.”

Aucune des deux enseignantes, par ailleurs, n’a envie de parler du drame américain Le Cercle des poètes disparus – dont Juliette Carré n’est pas sûre qu’il soit “un si grand film.”

Caricatures et figures héroïques

Cette dernière développe l’idée dans le podcast : elle trouve bien plus intéressant d’explorer les personnages de professeurs un peu caricaturaux qu’on trouve au cinéma. “Disons que c’est au prix de la caricature qu’on est télégéniques” explique-t-elle. Un avis partagé par Christine Masson : “Je trouve ça très intéressant. Ces images-là peuvent être un peu déformées, mais on s’en souvient. Moi, Le Cercle des poètes disparus, ça m’ennuie. Le film P.R.O.F.S est une comédie potache, mais il a le mérite de soulever des questions essentielles.”

En parallèle, Juliette Carré met en garde contre les rôles de profs héroïques, qu’elle trouve dangereux : “On voit souvent ces figures de professeurs très populaires, qui ont du pouvoir sur les autres, avec un risque d’emprise sur les élèves. Ce n’est pas ma conception de l’enseignement : pour moi, on fait un métier qui est collectif.”

En définitive, le podcast a permis aux intervenants de porter un regard bienveillant sur leur profession, que les deux collègues trouvent déjà “très valorisante.”

“Ce podcast donne une image joyeuse de notre métier. C’est ça qui est le plus émouvant.”

Juliette Carré

En revenant sur la confection du projet, Christine Masson évoque un regret : n’avoir pas pu traiter du film Un métier sérieux de Thomas Lilti, sorti en 2023 : “Voilà un film qui raconte vraiment la vie des profs. J’aurais aimé entendre ce que les intervenants ont à en dire.” Peut-être l’objet d’un prochain épisode ?