François Martin

Comment se porte aujourd’hui le latin ?

Les problèmes que nous soulevons depuis la réforme du collège perdurent : malgré les paroles du ministre, les horaires de latin au collège sont rarement à 7h dans les établissements et restent laminés par la réforme Vallaud-Belkacem (5h sur l’ensemble du collège contre 8h avant). L’arrêté de juin 2017 a pourtant été modifié (faisant passer l’horaire de 5h à 7h) mais les chefs d’établissement font valoir que les horaires sont « dans la limite de 7h », ce qui peut être moins selon eux. On refuse toujours le latin à des élèves qui le demandent. Ce refus ne vient pas des professeurs mais des directions d’établissement, sous des prétextes souvent très discutables. La situation pour le grec n’est guère meilleure. De nombreux collègues essaient d’ouvrir des sections mais ne sont pas soutenus par la hiérarchie, faute de moyen ou de volonté. Au lycée, nous connaissons souvent les mêmes difficultés car les horaires dépendent de la marge de fonctionnement de l’établissement et sont tous les ans mis en concurrence avec les heures dédoublées ou avec les autres options et dispositifs. Si les horaires étaient vraiment fléchés dans les dotations, nous n’aurions pas autant de problèmes.

Le ministre a annoncé un nouveau dispositif français-culture antique en classe de 6e, mais sans moyens supplémentaires dans la dotation horaire et aucune information précise n’a été envoyée dans les établissements (qui pourtant préparent déjà la rentrée 2021). C’est une fois de plus de la poudre aux yeux. Le ministre devrait se soucier des enseignements qui existent déjà et devrait mettre tout en œuvre pour leur permettre d’exister dans des conditions dignes pour les élèves et les professeurs.

Quel impact la réforme du lycée a-t-elle eu sur le latin ?

La réforme a des répercussions mortifères sur les LCA au lycée. Les nouvelles options accessibles uniquement en Terminale générale (mathématiques expertes, maths complémentaires, droits et grands enjeux du monde contemporain) et les emplois du temps très complexes à monter en raison de la multiplicité des choix de spécialités entraînent des abandons contraints et forcés. On dit aux élèves qu’il n’est plus possible de suivre plusieurs options, on confond souvent option et section européenne dans les établissements, on méprise régulièrement les textes officiels. Chaque élève doit savoir qu’il peut présenter une section euro et deux options au bac, cela n’est pas négociable. Mais certaines directions refusent ce droit aux élèves. Les décisions ont des effets néfastes sur les inscriptions en seconde aussi.

Comment est évalué le latin au bac ? Accorde-t-il encore des points bonus ?

Latin inscription in Rome
Latin inscription BlackMac/fotolia.com

La CNARELA s’est battue pour que le latin comme le grec ne soient pas simplement pris en compte dans le contrôle continu (coef. 10 au total pour l’ensemble des disciplines présentes sur les moyennes des bulletins de 1re et Terminale). Elle a obtenu qu’un coefficient 3 soit attribué en fin de Terminale pour l’ensemble des notes de 1re et terminale au-dessus de 10. Par exemple, pour un élève qui a 20 en latin, en plus des points de contrôle continu, un bonus de 30 points s’ajoute donc au bac. En cumulant latin et grec en option facultative, ce sont 60 points qui peuvent s’ajouter aux résultats, en plus du contrôle continu. Désormais, il n’y a plus d’examen oral en fin d’année, seules les évaluations faites en classes entrent dans le calcul de la note. Enfin, pour des élèves qui suivent trois options (par ex. Maths expertes, latin et grec), même si les trois options ne peuvent pas être prises en compte dans les résultats (seules les deux meilleures moyennes sont comptées), le latin comme le grec voient leur bonus comptabilisé malgré tout.

Et qu’en est-il de la spécialité « Langues, littératures et cultures étrangères » aujourd’hui ? Est-elle suffisamment suivie ?

Malheureusement, le ministère a fait le choix de rendre cette spécialité « rare » avant même de lui laisser la chance d’exister partout. La CNARELA demande que cette spécialité soit proposée dans tous les établissements qui offrent une option de LCA. C’est loin d’être le cas : les élèves qui n’ont pas cette spécialité dans leur établissement ne peuvent évidemment pas la demander et ils ne vont pas la suivre ailleurs. Cela est réellement dommage car cette spécialité associe les littératures françaises, étrangères et les textes antiques ; elle conduit à reconsidérer les textes, renouveler leur approche et elle approfondit la connaissance de la langue ancienne étudiée. Cette spécialité ne peut être que bénéfique pour les élèves qui la suivent. Elle leur donne de solides acquis pour l’enseignement supérieur, tant au niveau de la langue que de la culture.

Enfin, la crise sanitaire actuelle a-t-elle eu des impacts sur l’enseignement du latin ?

La fin d’année et la rentrée ont souvent été difficiles. De nombreux collègues n’ont pas pu passer auprès des élèves pour présenter les options ou spécialités. En outre, les dotations de fonctionnement, qui se réduisent chaque année, n’ont pas permis d’ouvrir les options partout et la crise sanitaire a été un prétexte utilisé par certaines directions pour ne pas ouvrir plusieurs groupes alors que la demande des élèves était réelle, surtout en collège. Les regroupements de classes qui sont légion pour les cours de langues anciennes (parfois le regroupement est fait à partir de 6 classes sur un même niveau) créent des difficultés dans la situation actuelle lorsque les demi-classes sont mises en place dans les établissements. Mais les élèves sont volontaires et courageux dans cette période difficile pour tous et nous finissons par trouver des moyens de maintenir le cap.