
Pourquoi cette tribune et l’appel à la signer ?
Notre tribune s’inscrit dans le contexte de la réforme du recrutement, de la formation des enseignants pour le secondaire et du Capes dont les textes ont été publiés en avril 2025. Les enseignants, et notamment les professeurs-documentalistes, risquent d’être recrutés et formés dans des conditions complexes. On s’inquiète de leur capacité à acquérir les connaissances et compétences indispensables à l’exercice du métier qui comporte à la fois une partie enseignement, une autre pour la gestion de l’espace de ressources qu’est le CDI, et enfin l’ouverture de l’établissement scolaire sur son environnement éducatif, culturel et professionnel.
La place des sciences de l’information et de la communication dans les épreuves au concours est vraiment réduite à peau de chagrin par rapport à ce qui existait avant. C’est surprenant dans le contexte actuel qui nécessite plus que jamais d’éduquer les élèves à s’informer et communiquer dans un environnement informationnel complexe. C’est pourquoi nous avons fait cette tribune conjointe avec les chercheurs de la discipline.
Quels problèmes le nouveau concours risque-t-il de poser ?
Les épreuves du nouveau Capes sont moins liées à ce qui fait la spécificité des professeurs-documentalistes, mais davantage axées sur le système éducatif en général. Et pour les épreuves d’oral, il n’y a aucune référence aux compétences spécifiques des professeurs-documentalistes. Ça tient sans doute au fait que le recrutement se fait en licence désormais, et non plus en Master mais on aurait pu trouver d’autres solutions.
Et ce qui nous inquiète également, c’est le cadrage du Master pour les lauréats du concours. Il y aura des stages d’observation puis des stages pratiques en M2, c’est-à-dire en responsabilité. Cela laisse peu de temps aux étudiants pour assimiler un savoir académique en sciences de l’information et de la communication, des techniques pédagogiques et didactiques en plus de la rédaction du mémoire de recherche. Ils ne seront peut-être pas assez armés pour faire face aux besoins des élèves une fois sur le terrain.
Cette formation très concrète est un inconvénient selon vous ?
On parle d’inconvénient dans le sens où il faut les deux : la pratique et la théorie. C’est important d’avoir une expérience sur le terrain, de faire des stages d’observation et de mise en pratique. Mais le métier de professeur-documentaliste peut être très différent d’un établissement à un autre. Si on fait un stage dans un petit collège de REP, ou un gros en centre-ville ou un en milieu rural ou dans un lycée professionnel, les besoins ne seront pas les mêmes, les savoir-faire à mettre en œuvre seront différents. Or avec la réforme, on va directement dans quelque chose de très concret alors que la formation initiale doit préparer les candidats à de multiples situations professionnelles en leur donnant les clés théoriques. Observer des collègues en exercice, pratiquer, c’est très formateur mais quand on voit le volume horaire que ça représentera, ça interroge. On a l’impression qu’il faut trouver des enseignants à mettre au plus vite devant les élèves sans prendre le temps de les former à un métier complexe et exigeant à la hauteur des réalités du terrain et des enjeux de société.
D’ailleurs est-il vraiment nécessaire de relancer l’attractivité du concours pour les futurs professeurs-documentalistes ? Autant certains Capes manquent de candidats, autant celui-ci semble avoir un nombre de candidats suffisant…
C’est vrai. Actuellement, en comparaison avec les autres concours d’enseignement, on pourrait considérer qu’il y a assez de candidats quand on voit le taux de personnes qui se présentent et le taux de réussite par rapport au nombre de postes ouverts. Cependant, dans certaines académies, les CDI ne sont ouverts que la moitié de la semaine car le reste de la semaine le professeur-documentaliste exerce dans un autre établissement. Le plus souvent, il y a un seul professeur-documentaliste par établissement, que celui-ci accueille 300 ou 900 élèves. Comment former convenablement tous les élèves dans ces conditions ? Comment mener correctement toutes les missions ? Cela prend du temps d’éduquer à l’information, de monter des projets, de faire venir des auteurs etc. Il faudrait donc créer plus de postes, même si c’est dur à envisager dans le contexte de restriction budgétaire actuel.
Qu’espérez-vous de la pétition lancée ?
Elle permet déjà de rendre visible ce problème. Cette question du rapport à l’information, des craintes que l’on peut avoir pour les jeunes, est très présente dans le débat public alors qu’il y a une profession qui existe et qui œuvre tous les jours pour apporter ces enseignements aux élèves. On parle de l’arrivée de l’IA auprès du grand public ; nos élèves l’expérimentent avec curiosité mais parfois aussi avec crainte. Les choses bougent. Si on se donnait les moyens, on pourrait construire un enseignement qui permette aux élèves de se bâtir une expertise pour bien comprendre les caractéristiques de cet environnement informationnel. Ce n’est pas en faisant un projet une fois par an avec une classe que ça va suffire.
La tribune témoigne de cette incompréhension et montre les interrogations des professeurs-documentalistes et des chercheurs qui produisent ce savoir qui permet de comprendre cet environnement. Dans 20 ans, on aura certainement d’autres problématiques liées aux évolutions sociétales et technologiques. Si les professeurs-documentalistes ne reçoivent pas une formation scientifique solide, un savoir-faire pédagogique et une bonne connaissance des pratiques informationnelles des élèves, comment transmettre à tous et toutes une culture informationnelle avec une dimension critique ? Comment préparer au mieux chacun et chacune au monde de demain ?
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