Quelle place pour le latin et le grec aujourd’hui au lycée ? Le point avec le président de la CNARELA. Image : Getty

Qu’est-ce que la réforme du lycée a eu comme effets sur les options latin et grec ?

Le maintien des options est toujours aussi compliqué qu’avant, voire a été renforcé par la création de nouvelles options en Terminale : Maths complémentaires, Maths expertes et Droit et grands enjeux du monde contemporain. Avant, on nous disait souvent que les options coûtaient cher et l’on n’avait donc pas les moyens de nous donner les trois heures officielles. Mais quand les mathématiques sont arrivées en Terminale, là on a trouvé sans problème trois heures pour elles. C’est un peu deux poids deux mesures entre certaines matières et on hiérarchise complètement les disciplines. Ça nous semble fortement discutable.

Les options latin et grec ne rapportent plus de points bonus au bac, c’est un autre bémol ?

Effectivement, dans l’une des nombreuses versions de la réforme, parce que ça a changé constamment depuis la mise en place, ce bonus qui existait depuis des années a été supprimé. Avant, les élèves qui présentaient l’option de latin ou de grec bénéficiaient d’un bonus au bac de coefficient 3. C’étaient les seules options à avoir cet avantage. Concrètement, les points au-dessus de 10 sur 20 dans la matière étaient multipliés par 3 et si on avait un bac sur 100 points un élève pouvait avoir 130 points au bac. Ce bonus s’ajoutait aux 100 points. Là le bac est considéré comme étant noté sur 130. L’élève gagne encore des points mais moins qu’avant.

Le coefficient des options a également été revu…

Oui, aujourd’hui, toutes les options sont alignées. Le coefficient a été légèrement augmenté puisque l’on est passé d’un coefficient 3 à un coefficient 4 (coefficient 2 en 1ère et 2 en Terminale, Ndlr). Le problème c’est que ces options ne sont pas intégrées en bonus mais en plus dans le baccalauréat. C’est donc moins avantageux. C’est dommage de ne pas valoriser les élèves qui continuent à suivre des options exigeantes en latin et en grec tout au long de leur parcours au lycée et qui les ont parfois même commencées au collège. 

Comment percevez-vous le fait que les options soient dans le contrôle continu et non plus évaluées par un oral ?

C’est une bonne chose car ça génère moins d’angoisse chez les élèves. Ce sont uniquement les résultats des devoirs sur toute l’année, à l’écrit et à l’oral, qui comptent, c’est mieux qu’un oral qui détermine tout. Ça les soulage d’un poids.

La réforme du lycée a également permis la création des spécialités « Littérature, langues et cultures de l’Antiquité » (LLCA) en latin et en grec. C’est un point positif, non ?

Oui et le programme de ces spécialités est intéressant. Il prévoit notamment d’étudier une œuvre moderne de littérature française ou étrangère et de la mettre en regard avec une œuvre de l’Antiquité un peu à la manière de la littérature comparée. La LLCA n’est pas enfermée dans l’Antiquité, elle permet d’aborder des notions philosophiques, historiques, l’influence sur le présent, c’est une confrontation riche de sens. Le programme des spécialités LLCA est exigeant comme pour les autres disciplines. Pour la spécialité au bac, on a de bons résultats avec une moyenne de 14,15 en grec et de 12,9 en latin lors de la session 2022.

Vous regrettez que cette spécialité soit peu représentée…

Bien sûr, c’est un vrai problème. Deux mois après sa création, dans une note publiée au BO, le ministère mentionnait qu’il y en aurait peu sur le territoire et en a fait une spécialité rare. Elle n’est pas offerte dans tous les établissements qui font du latin et du grec. Si elle n’y est pas proposée, il est évident que les élèves ne vont pas la demander ! Dans l’esprit de la réforme, on peut demander une spécialité qui n’est pas dans son établissement mais presque aucun élève ne le fait. Ils ne vont pas aller dans un établissement à 15 km juste pour faire la spécialité. A la CNARELA, on a toujours demandé qu’il puisse y avoir l’ouverture de la spécialité dans les établissements proposant déjà du latin et/ou du grec pour que les élèves puissent au moins faire ce vœu.

Vous constatez également un problème avec les emplois du temps. De quoi s’agit-il exactement ?

Outre le fait que les élèves se retrouvent affectés dans des établissements qui ne proposent pas nécessairement les deux langues anciennes, il y a aussi des problèmes d’organisation. Les emplois du temps sont complexes à faire avec le mélange d’élèves dans les spécialités et les groupes. La réforme du lycée a amplifié les difficultés pour les élèves qui aimeraient suivre les deux options grec et latin ou même une seule. Dans certains établissements, les options grec et latin se déroulent aux mêmes horaires. Et c’est encore plus difficile lorsqu’il s’agit d’ étudier la spécialité.

Lors de votre assemblée générale du 25 octobre 2022, vous dénonciez les «  difficultés de plus en plus graves que rencontrent les enseignements de LCA au lycée. Textes officiels bafoués, luttes permanentes lors des DHG, manipulations… ». Vous pouvez nous en dire plus ?

Dans les lycées où la spécialité ouvre, il y a parfois une pression du chef d’établissement pour que les élèves ne cumulent pas les options. D’autres, sous prétexte qu’il y a moins d’élèves dans la spécialité LLCA, ne donnent pas aux lycéens les horaires officiels d’enseignement c’est-à-dire 4 heures en 1ère et 6h en Terminale. On a déjà dû intervenir sur ces problèmes dans les académies de Grenoble et de Montpellier. Les élèves qui suivent la spécialité ont parfois cinq heures spécifiques  et la dernière est une heure commune avec un mélange d’élèves qui suivent l’option. C’est un bricolage qui n’est pas souhaitable. Et parfois c’est fait dans une espèce de télé-enseignement à distance via une plateforme qui ne contient rien. On l’a déjà dénoncé auprès du ministère.

Et qu’en dit le ministre ?

Depuis la nomination de Pap Ndiaye, la CNARELA n’a pas été reçue, ce qui est une première dans notre histoire puisque tous les ministres nous ont reçu avant lui. Ça nous interroge et c’est représentatif de ce qui se passe : on ne prend pas du tout en compte la réalité du terrain. Pourtant, à la session 2022 du baccalauréat, l’an dernier, l’inspection générale a recensé 225 candidats dans la spécialité LLCA grec et 507 en latin. C’est donc faux de dire que personne ne suit ces enseignements ! Il faut encourager les élèves à garder ces options jusqu’en Terminale même si l’emploi du temps n’est pas toujours favorable et qu’il y a beaucoup de pression pour qu’ils ne cumulent pas les options. La réforme a été faite pour que les élèves puissent justement avoir des parcours originaux et construire le leur à leur image. Mais ça va prendre du temps de faire changer les mentalités et sortir du schéma classique math-physique-SVT.