Pascale Guy  © Alban Teurlai 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis professeur d’anglais au lycée Turgot depuis huit ans, et j’ai rejoint l’équipe de la section hip hop deux ans après mon arrivée. A l’époque, peu d’enseignants d’anglais au lycée souhaitaient prendre les classes avec les danseurs, car ce sont des élèves avec lesquels il faut travailler différemment.

Le documentaire suit le quotidien des élèves et enseignants de cette section hip hop particulière à Turgot. En quoi consiste ce dispositif ?

C’est David Bérillon, professeur de sport, qui se bat depuis 2008 pour que cette section existe et qu’elle ait les moyens de survivre. Elle cherche à attirer des élèves qui ne sont pas forcément performants à l’école, n’ont pas de très bons résultats scolaires, mais aiment la danse, et le hip hop en particulier. On essaye de réconcilier ces élèves avec une scolarité apaisée et remplie de réussite.

© Alban Teurlai 

Les étudiants intéressés par la section hip hop déposent un dossier de candidature, et nous faisons ensuite passer des auditions en danse, français et anglais. L’idée est de trouver des critères autres que les critères scolaires pour déterminer si ces élèves ont la volonté de réussir. Ils sont ensuite insérés dans des classes « classiques ».

Ce qui est atypique dans cette section, c’est que nous ne sommes pas dans une classe CHAD, c’est à dire une classe à horaires aménagés pour la danse. Nous sommes une classe tout à fait « normale », et les élèves dansent en plus. Ils ont généralement jusqu’à 5 heures dans la semaine au lycée, auxquelles se rajoutent tous les évènements auxquels David Bérillon fait participer les élèves. Ils sont appelés à donner beaucoup de réprésentations, il y a aussi des battles…. Ils dansent donc entre 5 et 10h, parfois 15 selon les semaines.

C’est un rythme très intensif, c’est pour cela que dans notre accompagnement nous faisons très attention à la fatigue et au moral des élèves.

Pour quelles raisons certains de vos collègues ne souhaitaient pas prendre ces classes ?

Ces élèves sont atypiques, car en tant que danseurs, ils sont souvent amenés au départ à former un groupe. Ils sont très proches les uns des autres, et il existe une grande entraide dans la section. Mais ils ont tendance à être dans leur monde, et lorsqu’ils se retrouvent en enseignement « classique », vertical, à vouloir rester dans l’univers de la danse. Par exemple, des élèves arrivent parfois dans les couloirs en dansant. Il faut donc leur apprendre à « tenir » leur corps quand ils ne sont pas en train de danser, et cela peut désorienter certains collègues. Pour ma part je pense que cela fait partie de mon travail de les amener à réfléchir à leur posture scolaire, et à les mettre dans une démarche d’étudiant et non seulement de danseur.

Y a-t-il des répercussions, positives ou négatives, sur les résultats scolaires de ces élèves ?

© Alban Teurlai 

C’est très variable. Nous avons des danseurs qui arrivent avec un niveau scolaire tout à fait correct. Il leur arrive bien sûr d’avoir des coups de mou, car ils sont fatigués. Physiquement, le corps a parfois du mal à suivre, et c’est là qu’on essaye de les rebooster. Nous en parlons beaucoup avec David Bérillon, et pouvons décider, en cas de besoin, que l’élève n’ira pas au prochain entraînement, ou qu’il pourra partir une heure plus tôt. Nous essayons de nous adapter pour qu’il puisse récupérer un peu.

Ceux pour lesquels c’est plus compliqué sont ceux qui arrivent avec une difficulté avec l’école classique. Cela dit, au final, nous arrivons à les mener au bac, avec parfois un peu plus de temps, car il faut vraiment reconstruire leur confiance en l’école. Globalement, quel que soit leur niveau d’arrivée, nous arrivons à les mener un peu plus haut.

Comment s’est déroulé le tournage ?

Les caméras ont tourné pendant un an, mais sincèrement, nous les avons très vite oubliées. Les enfants sont habitués à l’image, ils sont tout le temps en train de se filmer. Donc ça ne les a pas du tout stressés, je pense que ça a surtout déstabilisé les enseignants au départ, car nous ne sommes pas habitués à avoir un observateur extérieur en classe.

© Alban Teurlai 

Le film a-t-il réussi à retranscrire la réalité ?

Le film est très fidèle à la réalité. J’avais peur d’une distorsion du réel, mais ce n’est pas le cas.

Cependant, après avoir entendu Léa Salamé décrire l’établissement comme « le très chic lycée parisien Turgot », je tiens à préciser que ce n’est pas la réalité ! Nous ne sommes pas un établissement chic. Nous sommes seulement un établissement dans un quartier chic. Notre lycée pratique la mixité sociale, ce n’est pas nouveau. Avec ce dispositif, nous essayons de faire revenir, par la danse, des élèves à l’école. Et ces élèves proviennent d’un peu partout.

Allons enfants, un film réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, en salles ce 13 avril.