Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Cette année, j’effectue ma troisième rentrée en tant que proviseur de la Cité scolaire Berlioz de Vincennes (collège et lycée). J’ai aussi un historique syndical relativement long : après être passé, entre autres, de secrétaire académique à secrétaire national, je suis aujourd’hui secrétaire général du SNPDEN-UNSA (syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale). J’ai été élu en mai dernier lors du Congrès national du SNPDEN pour les trois années à venir.
Cette deuxième rentrée scolaire sous Covid a-t-elle été difficile à préparer ?
« Difficile », ce n’est pas le mot. Elle a plutôt été complexe parce qu’elle s’est ajoutée à une rentrée classique. En plus de la gestion des classes ou des emplois du temps, nous avons eu tout le côté sanitaire à gérer. Notre travail a été alourdi ! Mais nous avons tiré profit de l’an dernier sur les questions sanitaires en gagnant en efficacité et en expérience. Aujourd’hui, nous avons des réflexes que nous n’avions pas auparavant sur le protocole à suivre à la cantine par exemple, ou encore en EPS ou sur les gestes barrières. Ce sont des choses que nous maîtrisons. Le nouveau sujet dorénavant est la vaccination dans les établissements scolaires où nous attendons davantage d’informations.
La rentrée a eu lieu jeudi 2 septembre. Comment s’est-elle tenue ?
J’ai trouvé les personnels assez détendus. Ils sont contents de se retrouver et de revoir leurs élèves dans des conditions plus classiques que l’an dernier. Je pense notamment aux professeurs de lycée qui ont passé les deux tiers de l’année avec des demis-groupes. L’arrivée de la vaccination a aussi permis aux élèves et aux enseignants de se sentir plus protégés et donc plus détendus.
Il faut néanmoins savoir que nous ne sommes pas en train de gérer du Covid toute la journée. Mais nous restons attentifs à l’évolution de la situation sanitaire : est-ce qu’on va avoir à traiter beaucoup de cas ou finalement est-ce que l’épidémie va s’atténuer ?
À ce jour, nous recensons un cas de Covid dans l’établissement. L’élève a été isolé chez lui pendant 7 jours. Nous lui transmettons les cours mais nous n’allumons pas la webcam. Aucune visio n’est assurée. Il faut être honnête : les professeurs ne peuvent pas être en capacité de s’occuper à la fois des élèves en classe et en dehors. Lorsque, nous avions été confrontés à cette situation l’an dernier, nous avions organisé les choses en conséquence. Actuellement, l’élève isolé recevra, par e-mail ou en ligne, les cours par ses camarades et/ou le professeur.
Que pensez-vous du protocole sanitaire de niveau 2 décidé par le ministre de l’Education ?
En l’état, le protocole sanitaire nous convient dans la mesure où il est proche de ce que l’on a vécu et de ce que nous savons faire. Ce qui est intéressant : avoir différents niveaux de protocole afin de se caler au mieux à la situation sanitaire. Cela nous permet aussi de connaître le niveau de protocole au-dessus et en dessous pour anticiper sa mise en place. Nous avons ainsi gagné en clarté et en visibilité.
Dans l’ensemble, il nous paraît répondre à la situation sanitaire actuelle. Par contre, si les chiffres s’aggravent, il ne faudra pas hésiter à aller plus loin.
Plusieurs points de ce protocole nous semblent cohérents : nous pensons qu’il vaut mieux faire du contact-tracing que de fermer une classe entière. Dans une classe de collège ou de lycée, si un cas est détecté positif au Covid-19 et que la classe ferme, quel était l’intérêt de porter un masque ? Aucun ! Là, nous sommes sur quelque chose de plus cohérent : nous faisons une enquête et nous sommes capables de retrouver les cas contacts pour les isoler. Les vaccinés auront la possibilité de revenir directement en classe à l’inverse des non-vaccinés qui devront rester chez eux une semaine. Cette distinction n’est pas anormale puisqu’il y a un niveau de protection bien plus élevé avec le vaccin.
Justement, vous parlez de vaccination. Êtes-vous favorable au pass sanitaire à l’école ?
Ce n’est pas la peine d’avoir gardé les écoles ouvertes pendant des semaines, alors que les autres pays les avaient fermées, si c’est pour au final isoler les élèves non-vaccinés. Nous avons déjà un fort taux de vaccination chez les élèves, je pense que ça devrait suffire pour limiter la propagation du virus. Tendre vers l’obligation, c’est empêcher des enfants d’aller à l’école et ce n’est pas le principe général qui a été retenu jusqu’à présent. À ce stade, ce n’est pas nécessaire et j’espère que ça ne le sera jamais sinon c’est que nous nous dirigeons vers une nette dégradation de la situation sanitaire…
Y compris pour les enseignants ?
Tout à fait. Le taux de vaccination des enseignants est selon moi supérieur à la moyenne nationale. Les profs ont compris qu’il était important de se faire vacciner. Pour ceux qui ne seraient pas vaccinés, ils ne mettent en aucun cas en danger les élèves. Les gestes barrières, la distanciation, le port du masque sont respectés. Contrairement aux soignants qui sont en contact de publics fragiles, dans une salle de classe, le plus fragile entre un élève lambda et l’enseignant, c’est sans aucun doute l’enseignant. De ce point de vue, c’est l’enseignant qui prend un risque. Nous ne sommes pas dans un hôpital. J’entends souvent la comparaison avec les soignants. Mais ce n’est absolument pas comparable ! La vaccination obligatoire pour les enseignants ou le pass sanitaire ne sont clairement pas nécessaires.
Le ministre de l’Education nationale a indiqué que la remontée de cas de Covid après la rentrée était « un des scénarios possibles ». Pour vous, l’école peut-elle contribuer à la relance de l’épidémie ?
À chaque fois que nous avons fermé les écoles, nous avons considéré que les enfants n’allaient pas se voir. Or, nous savons pertinemment que c’est faux ! Si demain, nous fermons à nouveau les écoles, les élèves ne resteront pas chez eux et iront se voir les uns chez les autres, dans des lieux où les gestes sanitaires sont moins respectés qu’à l’école. Fermer les établissements scolaires, c’est limiter le temps où les enfants se voient dans des conditions sanitaires totalement respectées.
Après, dans la mesure où l’école reste un lieu où les élèves se réunissent, nous ne pouvons pas exclure qu’elle contribue potentiellement à cette propagation du virus. Nous constatons que les courbes de cas positifs de Covid-19 dans nos établissements sont très liées aux chiffres nationaux. À savoir maintenant qui influence l’autre…
Que demandez-vous concrètement au ministre pour que cette année scolaire soit « la plus normale possible », comme il l’avait souligné lors de sa conférence de presse de rentrée ?
Nous souhaitons que les personnels de l’Education soient davantage respectés. Si jamais il doit y avoir des modifications de règles, nous demandons une anticipation au maximum, un temps suffisant pour réagir notamment s’il y a des changements profonds. Nous souhaitons également que lorsqu’une décision est prise, le personnel de l’Education nationale soit averti en premier avant le grand public ! J’attends que mon ministre me parle et m’écrive… Apprendre le choix du protocole sanitaire dans un média à quelques jours de la rentrée, c’est très agaçant !
Justement, selon une enquête, 92% des chefs d’établissements notent une dégradation de leurs conditions de travail et 75% affirment que leur moral s’est dégradé. Que répondez-vous à ces chiffres ? Vous sentez-vous aussi concerné par ces résultats ?
Nous sortons d’une période extrêmement compliquée : les Gilets jaunes, la réforme des retraites, la révolte dans les lycées sur les épreuves communes… De nombreux mouvements sociaux qui ont impacté directement les établissements scolaires avec des grèves massives et des blocages. À cela s’est ajoutée une crise sanitaire avec des changements de protocole et des chefs d’établissements extrêmement exposés à ces nouvelles décisions. Tout ce climat a contribué à une dégradation de notre moral et des conditions d’exercice. Aujourd’hui, l’état d’esprit est un peu plus apaisé, nous avons espoir en notre capacité à sortir de la crise…
Modération par la rédaction de VousNousIls. Conformément à la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. Pour exercer ce droit adressez-vous à CASDEN Banque Populaire – VousNousIls.fr 1 bis rue Jean Wiener – Champs-sur-Marne 77447 Marne-la-Vallée Cedex 2.