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Comment appréhendez-vous les épreuves de spécialité du bac en mars ?

Pour les professeurs qui ont des classes de spécialité HGGSP (Histoire, géographie, géopolitique et science politique) en Terminale, c’est compliqué. Le premier confinement a accentué les lacunes des élèves. La remise au travail a été délicate pour certains et c’est assez stressant pour eux d’avoir des épreuves du bac en mars dans ces circonstances. De plus, les remontées des collègues, suite à la réception des sujets zéro, nous indiquent que ces épreuves ne sont pas adaptées. Elles sont prématurées tant au niveau des connaissances disciplinaires que de la méthodologie, notamment pour les élèves  qui ont un niveau plus fragile.

Ces élèves auraient-ils été davantage prêts sans cette crise sanitaire ?

Bien sûr, il y a toujours des élèves en difficulté car la maîtrise de leur propre langue n’est pas acquise, qu’ils rencontrent des soucis d’organisation… Mais ces problèmes de fond sont aggravés par le contexte sanitaire et les trois mois de confinement. Je vois les conséquences sur toutes mes classes de la seconde à la terminale.
On a toujours trouvé que des épreuves en mars c’était trop tôt. Entre la rentrée et celles-ci, il y a déjà six semaines de vacances. C’est très dur pour des élèves aux résultats moyens de passer à la vitesse supérieure aussi rapidement en Terminale.

Comment se déroule cette année d’enseignement au vu du contexte sanitaire ?

Certains établissements assurent leurs cours en présentiel et d’autres ont coupé les classes en deux : un sous-groupe est à la maison quand l’autre est en classe pour respecter les protocoles sanitaires. Certains collègues filment leurs cours quand le système est opérationnel. C’est un contexte très compliqué. On déploie des trésors d’ingéniosité pour ne laisser aucun élève sur le bord de la route. Mais c’est moins stressant pour ceux qui n’ont pas de date butoir d’examen…

L’enseignement HGGSP est assez prisé par les élèves (37% en Première et 26% en Terminale générale ont choisi cette spécialité en 2020). Quels sont les retours sur le terrain ?

Ils sont très positifs ! Cette spécialité croise quatre disciplines pour être en prise avec l’actualité et mieux comprendre les enjeux du monde. On fait travailler les élèves de façon variée : le prof fait le cours mais ceux-ci travaillent aussi en binôme, en groupe, font des dossiers de recherche, lisent des livres, écoutent des émissions… Ça favorise leur autonomie, leur méthodologie de recherche, leurs connaissances… Bien sûr, les sorties sont bloquées mais on maintient les ateliers avec des intervenants extérieurs.
Certains élèves, alors qu’ils sont très bons, abandonnent malheureusement cette spécialité en Terminale au profit des disciplines scientifiques.

Lors de notre entretien en janvier 2020, vous nous confiiez vos craintes face à la réforme de la formation des professeurs et du Capes. Qu’en est-il aujourd’hui ?


Nous restons toujours dans le flou alors que la nouvelle maquette du concours doit entrer en vigueur à la rentrée prochaine. Nous regrettons qu’il n’y ait qu’une seule épreuve sur les quatre pour apprécier les connaissances disciplinaires des candidats et que l’une des épreuves orales ressemble davantage à un entretien d’embauche…
Nous avons fait des demandes d’audience et nous avons déjà transmis nos préoccupations au ministère de l’Education nationale, à la Dgesco (Direction générale de l’enseignement scolaire)… Mais il n’y a rien de concret.
La réforme de la formation ne va pas non plus dans le sens d’une amélioration. Les futurs professeurs doivent, au cours de la même année, apprendre des programmes conséquents en formation, être en stage, faire leur mémoire et passer le concours. Ce n’est pas réaliste ! Ça demande un gros investissement. Le concours est trop tôt par rapport à la masse de connaissances à acquérir. Et puis, il y a des interrogations par rapport à la manière dont il va se dérouler au vu du contexte sanitaire. Certains ont ainsi été défavorisés en 2020 car ils n’ont pas pu passer l’oral.

Le nombre de postes pour le concours de professeur en histoire-géographie est en légère baisse (552 en 2021 contre 566 en 2020). Est-ce justifié selon vous ?

Quand j’ai passé le concours en 1991, il y avait 1472 postes ! On a moins de postes au concours alors qu’on a beaucoup de candidats et que le nombre d’élèves augmente. Les classes sont surchargées. Le nombre de professeurs remplaçants diminue et dès qu’un professeur est souffrant on peut avoir du mal à trouver quelqu’un pour le remplacer. Mais en diminuant la masse des titulaires, on diminue la masse salariale…

Comment envisagez-vous la fin de l’année ?

Nous avons été surpris d’apprendre dans la circulaire du 24 décembre que les épreuves du baccalauréat pourraient être modifiées jusqu’à 15 jours avant. Nous aimerions avoir des instructions claires qui ne changent pas sans cesse afin de bien préparer nos élèves. Nous savions très bien que ce serait compliqué de passer les épreuves des spécialités en mars après le confinement. Qu’est-ce que ça coûtait de les décaler au mois de mai ? Nous ne voulons pas être prévenus à la dernière minute. Nous avons besoin de savoir où nous allons. Nous allons donc faire de notre mieux dans un contexte compliqué mais il ne faut pas trop tirer sur la corde avec des gens investis mais fatigués.