Camille Ducrot

Qu’est-ce que l’APDEN, Association des professeurs documentalistes de l’Education nationale ?

L’APDEN a été créée il y a plus de 30 ans pour défendre le volet « enseignement » du métier de professeur documentaliste et appuyer la création d’un CAPES de documentation. Elle ne représente malheureusement pas tous les collègues, car elle est très portée sur cette mission « enseignement », ce qui n’est pas le cas de tous les profs docs.  Elle s’attache à vulgariser des travaux de chercheurs sur les sujets qui nous concernent, via la revue Mediadoc ou le Wikinotions. L’association a également pour objectif de défendre la profession, ce qui passe entre autres par l’établissement de statistiques via des enquêtes, la rencontre avec les syndicats, ou avec la hiérarchie.

Les professeurs documentalistes déplorent depuis quelques années le manque de reconnaissance institutionnelle, dans les textes officiels. Pour vous, la situation évolue-t-elle dans le bon sens ?

Il n’y a pas vraiment d’évolution. L’APDEN vient d’ailleurs d’envoyer une lettre au ministère, car, dans certaines académies, les profs docs ne font même pas partie des listes enseignantes pour les communications du ministre ! Ils ne reçoivent donc pas certains mails officiels adressés aux collègues des disciplines.

Par ailleurs, nous ne touchons toujours pas la prime liée à l’orientation des élèves. Nos collègues reçoivent tous les mois une prime appelée ISOE liée au travail effectué pour l’orientation des élèves. Nous estimons que nous faisons également ce travail, mais nous n’avons qu’une petite partie de cette prime.

Ensuite, les professeurs documentalistes ne peuvent pas toucher d’heures supplémentaires. Nous recevons donc très peu de primes, ce qui, vu ce qui est annoncé pour les enseignants dans le cadre de la réforme des retraites, va forcément nous desservir.  

Enfin, nous ne sommes pas sur un pied d’égalité avec les autres enseignants dans le dispositif Devoirs faits. Les profs documentalistes qui y participent ne sont pas payés aux même taux que les professeurs de disciplines. Alors que nous avons un CAPES comme les autres…

Lors de la mise en place de la réforme du collège, les professeurs documentalistes avaient du mal à y trouver leur place. Ont-ils réussi depuis à s’en emparer ?

C’est toujours très compliqué. Ce ne sont pas tant les nouveaux programmes que la nouvelle organisation qui limite à 26 par semaine le nombre d’heures de cours que peut avoir un élève. A part dans le cadre d’un projet avec un collègue, nous ne pouvons pas nous insérer dans ces 26h. Certains établissements passent outre et nous donnent par exemple une heure tous les 15 jours, mais cela reste dépendant du bon vouloir du principal.

La réforme du lycée risque d’avoir les mêmes effets, car certains collègues qui avaient réussi à s’insérer dans des dispositifs comme les TPE ne savent pas comment la situation va évoluer. Parce que certains points, comme les « heures d’orientation » ou le grand oral, restent très flous, mais aussi parce que certains enseignements comme les SNT, où les profs docs pourraient intervenir, sont confiés en priorité aux enseignants de mathématiques, par exemple.

En 2019, l’APDEN alertait sur le nombre historiquement bas de postes proposés au CAPES de documentation. Ce chiffre a encore diminué cette année, quel signal cela envoie-t-il aux professeurs documentalistes ?

Cette baisse est à replacer dans le contexte général de la diminution des postes ouverts dans tous les concours de l’Education nationale ou presque. Je pense que c’est lié au fait que le gouvernement tente de pousser à la contractualisation des enseignants. Mais je pense aussi que c’est parce que ces concours attirent de moins en moins de candidats.

Plus spécifiquement sur les profs documentalistes, il y a en général un poste par établissement, sans lien avec le nombre d’élèves. Étant donné qu’il y a parfois une difficulté, côté institutionnel, à reconnaître notre mission d’enseignement, ils ne voient pas la nécessité d’augmenter le nombre de profs docs par établissement. Alors que nous estimons cela nécessaire pour mener de pair l’enseignement de l’information-documentation, de l’EMI, et l’ouverture du CDI aux élèves de permanence. L’importance d’éduquer à l’information est aujourd’hui évidente, surtout avec Internet, et face à cela, on baisse les postes ouverts au CAPES !