Female hands, making use of tablet computer © Sergey Skleznev
Female hands, making use of tablet computer © Sergey Skleznev

“Le CAPES de documentation a été créé en 1989. A l’origine, le but des bibliothèques scolaires était de donner des documents aux professeurs, afin qu’ils puissent créer leurs cours. Le CAPES a permis d’ouvrir les CDI aux élèves”, explique Claire Cassaigne, professeure documentaliste à Paris, au collège Gérard Philipe. Avec le numérique et le développement des TICE à l’école, “beaucoup de choses ont changé”, indique-t-elle.

Des missions « augmentées » avec le numérique

“Le professeur documentaliste a un rôle décuplé, au niveau de l’apprentissage du traitement de l’information. Il ne s’occupe plus que des livres”, constate Claire Cassaigne.

“Ses missions sont ‘augmentées’ par le numérique, car l’information est partout et il faut apprendre à faire le tri”, confirme Frédéric Absalon, professeur documentaliste au lycée Emile Mathis de Schiltigheim.

Student getting help from tutor in library © WavebreakmediaMicro
Student getting help from tutor in library © WavebreakmediaMicro

Des « référents » TICE pour les autres profs

“Aujourd’hui, le numérique est indissociable du métier. Les profs docs qui n’aimaient pas Internet sont en voie de disparition”, sourit Claire Cassaigne. Elle explique que son rôle est aussi de former les autres professeurs aux TICE – dans son cas, à travers le GIPTIC (groupe d’intégration pédagogique des TICE) de Paris.

Les “profs docs” sont devenus des “référents” TICE au sein de leurs établissements. Selon le rapport “Jules Ferry 3.0” du CNNum (Conseil national du numérique), paru en 2014, leur rôle est de “mettre en oeuvre le socle de la littératie numérique”, en tant que “coordinateurs” des équipes pédagogiques.

“Nos missions sont comparables à celles des référents numériques, car nous accompagnons nos collègues. En plus des rôles de médiateur pédagogique, de gestionnaire d’un centre documentaire et d’expert de l’information-communication, le prof doc se positionne de plus en plus vers celui d’ingénieur pédagogique, en accompagnant les professeurs vers l’utilisation des outils numériques”, confirme Frédéric Absalon.

Un « prof doc » absent des nouveaux textes

Où est le prof doc ?
Où est le prof doc ?

Mais pour autant, le problème de la reconnaissance demeure entier. Les professeurs documentalistes sont aussi et surtout des enseignants, et ils tiennent à le rappeler. Christophe Mousset et Elsie Russier, professeurs documentalistes en Vendée, déplorent l’absence, dans les derniers textes officiels, du “prof doc”.

En mai 2015, ils ont créé le collectif “où est le prof doc”. Dans leur pétition, qui a déjà recueilli plus de 4000 signatures, soit presque un tiers des 15 000 professeurs documentalistes français, ils demandent la reconnaissance du statut d’enseignant des profs docs. Ils pointent du doigt les projets de programme pour le collège. “On y mentionne clairement l’éducation aux médias et à l’information, mais on y cite à peine le professeur documentaliste, à part pour le définir comme un accompagnateur de projet, jamais comme un enseignant !”, lance Elsie Russier.

Fin avril, l’application du décret sur les obligations de service des enseignants “a apporté une certaine reconnaissance de notre enseignement, mais dans l’application concrète, on se rend compte que cela dépend de l’interprétation du chef d’établissement ou de l’académie. Il y a plusieurs lectures possibles de ce texte”, ajoute Christophe Mousset.

Pour une « reconnaissance institutionnelle »

“Parmi nos collègues d’autres matières, nous sommes clairement identifiés comme enseignants”, constate-t-il. “Nous demandons surtout une reconnaissance institutionnelle, dans les textes. Nous aimerions juste être un peu plus visibles ! Dans le projet de programmes, notre discipline de référence, les sciences de l’info-doc, n’est pas du tout mentionnée. Quand on y parle d’éducation aux médias et à l’information (EMI), le prof doc n’est pas cité, et le doute plane sur sa place dans ce projet”, estime l’enseignant.

Dans le projet de réforme du collège, les professeurs documentalistes sont “cités comme ‘accompagnateurs’ des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), un terme qui nous gêne : nous ne savons pas si nous sommes là comme professeurs, ou en tant qu’animateurs”, explique en outre Christophe Mousset.

Dans sa pétition, le collectif demande que “le statut d’enseignant des professeurs documentalistes soit traduit dans les textes officiels, avec notamment “la reconnaissance de notre expertise en EMI”. Les profs docs réclament aussi la reconnaissance de leur “champ disciplinaire dans les programmes : les Sciences de l’information et de la communication”.

“Tant que notre expertise en EMI ne sera pas reconnue, nous ne pourrons bâtir un enseignement construit, avec une progression sur plusieurs années, auprès des élèves. Pour le moment, chaque enseignant, dans chaque discipline, organise dans son coin une éducation aux médias et à l’information, sans une vraie base, qui devrait venir du prof doc”, conclut Elsie Russier.