collegienne endormie

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Un jour, un enfant ne peut plus aller à l’école et ce n’est ni de la paresse ni un manque d’intérêt pour l’apprentissage. « A la fin de la 5ème, ma fille s’est plainte de maux de tête. Elle vomissait tous les matins, faisait des malaises. Impossible d’aller en cours. Ca a été très soudain », se rappelle Odile Mandagaran, présidente de l’association Phobie scolaire. Les examens médicaux ne révèlent aucune pathologie. L’adolescente présente juste une précocité hétérogène et une angoisse de performance très forte. « Elle préférait ne rien faire plutôt que d’échouer. Malgré ses 17-18 de moyenne, elle se trouvait nulle », précise sa maman. Le mal être de la jeune fille disparaît à chaque vacance scolaire. Elle redevient alors une ado insouciante. Elle a des contacts avec les autres jeunes, s’amuse, rit…
Pour l’aider, ses parents tentent plusieurs choses avec l’aide du psychiatre et de l’école. La jeune fille tente la scolarité à la carte et n’assiste qu’à ses matières préférées jusqu’en 3ème. Puis, elle se partage entre l’école et la maison en suivant des cours à distance avec le Cned. Mais les symptômes empirent. Elle passe toute son année de 1ère chez elle, avant de rejoindre un petit établissement privé pour la terminale. Là encore, elle n’assiste qu’aux matières du bac et reçoit l’aide d’un professeur privé. Au terme d’un parcours douloureux, elle obtient tout de même son bac. Un cas loin d’être isolé puisque, malgré l’absence de dénomination du diagnostic, on estime que la phobie scolaire touche 1 à 5% des enfants scolarisés dans les pays occidentaux.

Détecter la phobie scolaire

La phobie scolaire touche principalement les adolescents mais peut survenir aussi chez l’enfant. Les signes de souffrance scolaire sont souvent somatiques avec des troubles digestifs, des maux de ventre, des nausées, vomissements, maux de tête. Il peut y avoir des crises de panique, d’angoisse avant d’aller à l’école ou pendant le cours, des tremblements… « On peut assister à des situations très graves comme un burn out de l’enfant. Il peut aussi se dévaloriser, se mettre en danger, menacer de fuguer, se scarifier… Il y a un réel impact psychologique », ajoute la présidente de l’association. La phobie scolaire se manifeste souvent par de l’absentéisme en raison des symptômes évoqués.

« Le refus d’aller à l’école est plus ou moins exprimé selon les jeunes. Mais si ça se répète, que l’enfant est vraiment en souffrance, triste, change de comportement, il faut s’en inquiéter », prévient le Dr Ada Picard, pédopsychiatre et spécialiste de la question. Il faut alors en parler à son médecin traitant ou directement à un pédopsychiatre. Après avoir écarté toute piste médicale, le diagnostic se fait grâce à un entretien avec l’enfant et ses parents.

Des causes diverses

La phobie scolaire est multifactorielle. Elle varie selon les individus et leur histoire. Dans beaucoup de cas, elle fait suite à un (cyber)harcèlement scolaire. Elle touche aussi les enfants anxieux, perfectionnistes, introvertis, qui prennent beaucoup sur eux. Elle concerne également ceux ayant des troubles des apprentissages (tous les « dys »), de l’attention (TDA et TDAH), les enfants à haut potentiel, comme les autistes Asperger, par exemple, qui présentent souvent une hypersensibilité et qui peuvent se sentir agressés par les autres… « Ca peut également venir d’une relation mal vécue avec un professeur sévère, même tôt dans la scolarité. Ca ternit la relation à l’école. Pour certains, il y a la pression de réussir. Un contexte familial difficile peut aussi influer sur l’enfant, engendrer une dépression et un rejet de l’école », ajoute la pédopsychiatre.

Des aides personnalisées

La première chose à faire est d’en discuter avec l’enseignant. Cela permet de savoir si un événement a pu angoisser l’enfant, s’il est agressé par d’autres… Il sera peut-être possible de régler ce problème. Sinon, un changement de classe ou d’école peut être envisagé. La psychologue scolaire peut accompagner ces échanges.
Si la phobie persiste, il faut consulter un spécialiste. « On prescrit généralement un arrêt médical pour arrêter l’école pendant trois semaines afin d’éviter d’accentuer le problème. En parallèle, on instaure un suivi hebdomadaire chez le psychiatre. L’art thérapie, la relaxation, l’hypnose, les ateliers avec d’autres ados peuvent compléter ce dispositif », précise le Dr Ada Picard. Cette coupure permet souvent de relativiser les enjeux. Puis, la dynamique scolaire peut être relancée avec du soutien à domicile grâce au Service d’Assistance Pédagogique à Domicile (SAPAD) de l’académie, par exemple. Un PAI peut être mis en place notamment s’il y a d’autres troubles associés. Certains enfants reprennent alors rapidement le chemin de l’école tout en continuant d’être suivis.

La prévention, un point clé

« Les établissements scolaires réagissent de manière diverse suivant leur connaissance de la problématique. Il est d’ailleurs parfois difficile de faire la différence entre du décrochage scolaire et de la phobie », reconnait Odile Mandagaran. Elle recommande aux parents d’en parler avec l’équipe éducative et l’infirmière de l’établissement pour privilégier la bienveillance et la compréhension. Les parents doivent aussi être informés sur la phobie scolaire. « Il faut accepter la situation même si ça parait impossible à imaginer. Mais il faut se rassurer en se disant que l’école n’est pas le seul lieu d’instruction possible », conclut Odile Mandagaran. Cette année, sa fille, bachelière, s’apprête à faire une année de césure comme jeune fille au pair à l’étranger. Une manière de prendre de la distance avec ce passé scolaire difficile et de commencer sa vie d’adulte plus sereinement.