Cette nouvelle édition en ligne de la Fête de l’anglais débutera avec une conférence sur « La démystification de l’intelligence artificielle : son rôle dans l’apprentissage de la langue ». Pourquoi ce thème ?

Emily Jaguello (directrice du marketing pour Cambridge France) : C’est un sujet dont on parle énormément, surtout dans l’éducation. Il y a beaucoup de peurs et de mauvaises compréhensions autour. C’est important de se l’approprier car ça ne va pas disparaître. Je voulais donc que David Bradshaw (responsable du département de l’évaluation et de la certification pour Cambridge France, Ndlr) démystifie tout ça. Une journaliste de Studyrama co-animera cette webconférence pour relier ceci au contexte français.

À l’heure actuelle, quel usage est fait de l’intelligence artificielle dans l’apprentissage de l’anglais ?

David Bradshaw : On introduit l’intelligence artificielle depuis plusieurs années déjà dans l’apprentissage. Bien sûr, ce n’était pas exactement la même intelligence artificielle que celle dont nous disposons aujourd’hui car ChatGPT par exemple n’est accessible au grand public que depuis un an. La plupart des attributions de l’intelligence artificielle que nous utilisons actuellement consistent à effectuer des tâches monotones comme la correction ou bien la recherche de ressources (de thèmes à aborder en cours, d’articles, de supports pour la compréhension orale et écrite…) grâce à Google ou à Flipboard par exemple.
Nous pouvons également travailler l’autocorrection des rédactions. À Cambridge, nous avons un outil qui s’appelle « Write and improve » et qui aide les élèves dans leur expression écrite. Ils peuvent écrire leur rédaction, le système corrige leur texte et leur suggère des idées pour l’améliorer. C’est immédiat et l’enseignant n’a pas à intervenir. L’élève peut améliorer ses travaux avant de les présenter à son professeur.

En quoi est-ce un atout pour l’enseignant ?

Il passe moins de temps sur la correction qui est déjà faite en bonne partie par l’outil ou sur la recherche de ressources. Il est ainsi plus disponible pour aider les élèves de manière plus personnalisée. C’est profitable à l’apprentissage car celui-ci est avant tout basé sur l’engagement émotionnel, s’il n’y en a pas on n’apprend pas. De plus, le professeur qui exécute moins de tâches monotones, s’épanouit davantage dans son travail et c’est plus motivant pour lui.

Et pour l’apprenant, quel est l’intérêt ?

Si l’étudiant produit une rédaction et la fait corriger par son enseignant, il ne voit plus que la note obtenue. S’il retravaille sa rédaction suite aux recommandations de l’intelligence artificielle, il voit davantage ses erreurs, les corrige et apprend de celles-ci avant de rendre son travail. L’intelligence générative de ChatGPT par exemple, propose des tournures stylistiques supplémentaires et alternatives pour exprimer ce que l’on veut. L’élève apprend plus de cette manière, car c’est une démarche plus active. Et puis, chacun peut travailler à son rythme.

On reproche parfois aux élèves de recourir à l’intelligence artificielle pour faire leur travail…

Le professeur sait bien quand il s’agit du travail de l’élève ou pas car il connaît ses élèves. Il ne faut pas craindre l’intelligence artificielle. C’est assez superficiel comparé à tout ce que l’on peut faire avec. Pour contourner le problème, par exemple, l’enseignant peut travailler avec ChatGPT en classe et demander à chaque élève de produire des modèles de texte. Ensuite, il peut demander à chacun d’écrire, par lui-même, un texte de sens contraire en utilisant les expressions trouvées dans celui de ChatGPT.

À l’avenir, quels pourraient être les nouveaux rôles de l’IA dans l’apprentissage de l’anglais ?

C’est une grande inconnue. Mais on peut imaginer que l’on pourra améliorer l’expression orale en utilisant les chatbots. Les conversations artificielles existent déjà mais de manière limitée. Il y aura sûrement des chatbots plus développés grâce à l’intelligence artificielle et qui pourront davantage suivre la conversation. L’apprenant pourra discuter avec eux comme avec un anglophone, dans un cadre plus limité, pour travailler certaines expressions, des conversations basiques.

Le rôle des enseignants n’en sera pas affecté ?

Le professeur sera toujours légitime. Enseigner et apprendre, ça relève de l’émotionnel, ce que l’intelligence artificielle ne pourra pas apporter. Il faudra toujours la touche humaine. Mais dans un cours de 60 min avec une classe de 30 élèves, si le professeur veut faire parler chacun, il ne pourra pas le faire plus de 2 mn. S’ils parlent entre eux, ça fait 30 mn. Mais si chacun discute avec le chatbot alors ce sont 60 mn de parole pour chaque élève. C’est ce qu’il y a de plus utile pour l’élève et le professeur pourra toujours écouter et venir en soutien.

Quelles évolutions sont envisageables dans les évaluations grâce à l’IA ?

Les évaluations telles qu’on les connaît aujourd’hui pourraient disparaître dans un avenir plus lointain. L’intelligence artificielle est capable de traiter les big data, les grosses bases de données, ce que ne peut pas faire un humain. Si un élève travaille régulièrement sur ordinateur, l’intelligence artificielle pourra enregistrer toutes ses réponses et ainsi l’évaluer à partir de l’ensemble de ces données, pas seulement sur l’évaluation finale. L’intelligence artificielle est d’ailleurs déjà présente dans certains tests Cambridge comme Linguaskill. C’est un examen adaptatif : l’élève commence avec une tâche et selon sa réponse, la tâche suivante est plus ou moins difficile. Cela permet d’évaluer plus précisément son niveau en moins de temps, grâce à l’usage de l’intelligence artificielle pour choisir à chaque moment la tâche la plus appropriée pour chaque élève…

Infos pratiques : La Fête de l’anglais est un événement gratuit et en ligne. Il a lieu samedi 18 novembre 2023 de 10h à 17h45 et s’adresse aux professionnels de l’enseignement, aux étudiants, parents…Au programme de cette 5ème édition, 7 conférences et 8 ateliers interactifs.
Inscriptions en ligne sur le site de Cambridge English.