L’intelligence artificielle, la réalité virtuelle et le métavers seront-ils bientôt incontournables dans l’enseignement et la formation des enseignants ? Image Getty

L’université de Nantes organisait jeudi 26 janvier 2023 une journée dédiée à l’impact de l’intelligence artificielle sur l’éducation. Cette journée fut l’occasion de faire un tour d’horizon des usages et problématiques liés à l’impact de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle sur l’enseignement.

L’évaluation et l’apprentissage pensés différemment

A l’occasion de la conférence de Barbara Class, Enseignante-chercheuse – TECFA unité de Technologies de formation et apprentissage (TECFA) de l’Université de Genève, intitulée Quelle(s) éducation(s) pour demain et quelles places pour quelle(s) IA(s) ?, plusieurs questions ont été soulevées. Que faire de façon positive de ChatGPT quand on est enseignant ? Comment fontionne cet outil linguistique : il serait utile que les enseignants le sachent, sans entrer dans les détails techniques. Et qu’en est-il de l’évaluation ? Ce type d’outil génère en effet une remise en question des natures d’évaluation proposées aujourd’hui à l’université, au point que certaines parlent même de revenir à la copie papier, indique Barbara Class.

Lors de l’intervention de Marine Roche Ingénieure de recherche – CREAD Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique de l’Université Rennes 2, intitulée « Autorégulation et demande d’aide : l’utilisation d’une plateforme d’apprentissage en ligne dans une formation pour adultes », émerge une interrogation : dans le cadre de la formation, quelles réponses apportent les IA ? Des IA adaptent leurs réponses aux élèves, par exemple sur certains outils de maths pour l’école. Dans ce cas, l’IA peut être un plus par rapport à un enseignant face à une classe surchargée et hétérogène ou à un amphi de 300 étudiants. De même, dans une plateforme d’apprentissage, l’apprenant ose poser toutes les questions qu’il souhaite, ce qui n’est pas le cas en présentiel.

Désormais, les plateformes d’apprentissage proposent des réponses adaptées à l’apprenant et à son niveau : cela remet en cause le fait que seul l’apprentissage face à un formateur ou à un enseignant permette de poser des questions et d’avoir des réponses pertinentes.

Intégrer les contenus de l’enseignant dans l’IA

Solen Quiniou, maître de conférences IUT de Nantes (département informatique) – Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes (UFR Sciences et Techniques – équipe TALN), a présenté une conférence sur la génération automatique de questions et de réponses pour l’éducation. Elle explique qu’en langues par exemple, on trouve désormais des outils très performants dans les universités. Ils permettent des évaluations sommatives mais également formatives. C’est le cas par exemple de Wooclap, pour l’apprentissage de plusieurs langues : l’outil génère questions et réponses pertinentes, mais souligne Solen Quiniou, l’enseignant ne peut pas bien régler le niveau ni intégrer ses propres questions ni ses cours.

Des projets français sont en cours pour permettre justement d’intégrer les questions et les cours des enseignants : c’est le cas des projets LISN, CRIT, et LS2N. Dans les années à venir, les enseignants vont-ils devoir intégrer ces outils dans leurs pratiques ? Pour Solen Quiniou, cela touche davantage l’enseignement supérieur que le collège et le lycée.

L’apport de la réalité virtuelle à l’éducation

Affiche de la journée organisée par l’Université de Nantes sur l’intelligence artificielle

Yannick Prié, professeur d’informatique, responsable du Master “Cultures Numériques” LS2N – Polytech – Nantes Université, a présenté la conférence « Technologies immersives, métavers et éducation ». Il explique que depuis 1968, la technologie immersive existe. Il s’agit d’immerger les sens, avec une interactvité, dans un vrai monde, dans lequel je vais pouvoir me déplacer, attraper des choses, avec un sentiment de présence dans cet environnement virtuel, et un effet de réalité. Pour ce faire, on a besoin d’un casque de réalité virtuelle. Il faut faire la différence avec la réalité augmentée souligne-t-il, où on se déplace dans la réalité, mais enrichie d’éléments virtuels.

Enfin, il est possible d’être dans les deux, en mixte : si je veux être sur mars par exemple, je dois être en immersion complète et en réalité augmentée. Par ailleurs le métavers est un ensemble d’environnements virtuels persistants et collaboratifs, car on y croise d’autres avatars. Dans le métavers, il y a des avatars qui peuvent communiquer entre eux, avec des corps en présence. On retrouve des réflexes, des expressions de la vie réelle. Il est possible de construire des situations réelles, ce qui donc n’a rien à voir avec la visio. Or dans l’apprentissage, quelles sont les applications ? On peut s’entraîner à faire 100 fois la même choses en situation réelle, on peut se tromper et refaire, on peut apprendre par exemple à éteindre le feu dans diverses situations, comme avec Nimbus.

Autre exemple : avec Virtual Speech, on peut s’entraîner à parler devant une salle, devant un large public. Pour les cours plus spécifiquement, il y a par exemple Engage. Et concrètement, si on souhaite faire un cours de géologie sur Mars, on peut le faire sur place avec ses élèves, si on veut faire un cours d’architecture du haut des toits de plusieurs pays également…

Enfin indique Yannick Prié, un concept vient d’arriver : la metaversity. Elle est au coeur du projet Deffinum,porté par l’association France Immersive Learning.

En conclusion, le monde enrichi arrive en parallèle de l’IA. Virtual Speech utilisé pour l’enseignement des langues va ainsi bientôt utiliser ChatGPT. Pour,Yannick Prié, il y a un potentiel énorme des technologies immersives et du métavers pour changer la formation et l’éducation. Une question est posée : Et Second Life ? Beaucoup d’espoir y a été placé pour l’éducation, mais pour quel résultat ? La différence répond Yannick Prié est l’immersion. Sur Second Life, je regarde un personnage se déplacer, en réalité immersive, c’est moi qui me déplace. C’est le côté social, interactif et corporel qui va faire la différence.

Quid de la formation des enseignants ?

Dernier point crucial évoqué lors de cette journée : celui de la formation des enseignants. Il faudrait en effet former- voire informer- les enseignants sur les utilisations de l’Intelligence Artificielle. Et également sur la détection du plagiat.

Catherine Lemonnier et Yann Bruyère, de la délégation régionale académique au numérique éducatif de Nantes, ont développé ce point. Ils expliquent que le GTnum IA_EO est l’occasion pour l’académie de Nantes d’explorer de nouveaux sujets : REL et IA. Et qu’aujourd’hui, les formateurs et les inspecteurs doivent être formés aux enjeux de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle. L’académie de Nantes propose des webinaires sur ce sujet aux enseignants. Un MOOC est en cours actuellement, jusqu’en mars : 36 enseignants en anglais et en maths et 20 établissements y sont engagés. Catherine Lemonnier et Yann Bruyère insistent sur la nécessité de la prise de conscience de l’importance du sujet en éducation. Pour le moment, ce n’est pas une évidence, et ils observent de la réticence de la part de la communauté éducative.