Les élèves du collège Jean Racine à Alès et leur enseignant Gilles Roumieux

Quel élément déclencheur vous a poussé à lancer ce projet avec les élèves ?

Il y a quelques mois, le député Patrice Anato, d’origine togolaise, a reçu une lettre anonyme d’insultes racistes et antidémocratiques, qu’il a publiée sur Linkedin. Cette lettre était abominable et je me suis demandé comment on pouvait encore écrire de telles choses. J’ai eu envie de proposer un projet autour de cela aux élèves, mais hésitais de peur de mettre en relief ces idées. Finalement je me suis lancé, ne rien faire m’aurait donné le sentiment de banaliser ces propos.

J’ai donc partagé la lettre avec les élèves, les ai laissé y réfléchir pendant quelques jours, puis leur ai demandé de s’exprimer à ce propos en leur posant quelques questions pour guider leur réflexion. Je leur ai par exemple demandé quelle avait été leur première réaction à la lecture de cette lettre, ou ce que signifiait pour eux être un citoyen. Ils avaient le droit de ne pas participer s’ils ne le souhaitaient pas, mais je partais du principe que tous les élèves, quel que soit leur niveau scolaire, avaient des choses à dire.

J’ai ensuite fait une brochure avec leurs réponses, et pour que le tryptique de la République soit pleinement respecté, j’ai souhaité que les bénéfices de la brochure soient reversés à une association qui aide les étrangers nouvellement arrivés à s’intégrer en France.

Qu’avez-vous pensé des réponses des élèves ? Certaines vous ont-elles touché plus que d’autres ?

J’ai d’abord trouvé une grande maturité dans les réponses des élèves. J’ai également constaté leur profonde indignation par ce qu’ils avaient lu, et un attachement viscéral à la liberté. J’ai aussi apprécié que beaucoup d’enfants précisent qu’ils étaient heureux qu’on leur donne la parole. Ils étaient fiers d’eux, de ce qu’ils avaient accompli. C’est pour moi l’un des rôles du professeur, donner confiance à ses élèves pour qu’ils s’épanouissent.

Et je pense que l’un des objectifs de l’école doit être aussi d’écouter les élèves, de discuter avec eux sur les sujets de société qui les intéressent. C’est aussi cela pour moi la démocratie. Cela m’a permis de débattre sur le sujet avec mes élèves, ils ont réagi sur les réflexions de leurs camarades, qui leur ont donné parfois à penser, à évoluer.

A qui s’adresse cette brochure ?

Cette brochure s’adresse à tous les lecteurs, du CM2 aux plus âgés. C’est le pouls de notre jeunesse, sur des sujets qui la concernent.

Vous avez obtenu le Prix de l’initiative laïque en 2021 pour Touche pas à mon professeur, un recueil de textes d’élèves en hommage à Samuel Paty. En quoi diriez-vous que cette nouvelle brochure s’inscrit dans la lignée de la précédente ?

La thématique est différente, mais le point d’orgue est quand même la défense des valeurs républicaines. L’éducateur est celui qui donne à penser, et dans une démocratie, le but est de pouvoir penser et s’exprimer librement.

Ce que je voulais aussi faire comprendre indirectement aux élèves, c’est qu’il était important de s’engager. Même si ce n’est qu’avec des mots, cela peut faire avancer les choses. Quand notre démocratie est en danger, il ne faut jamais croiser les bras, même si la menace paraît éloignée, car quand elle sera là, il sera peut-être trop tard.