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Georges Fotinos, géographe, ancien chargé de mission d’inspection générale, a réalisé une étude en ligne entre le 16 mars et le 6 mai 2021, menée avec José Mario Horenstein, médecin psychiatre, consacrée aux impacts de la crise du Covid-19 sur le moral des chefs d’établissement du secondaire.

Georges Fotinos la présentait ce matin lors d’une table ronde organisée par la CASDEN Banque Populaire, banque coopérative de la Fonction Publique, et le SNPDEN (Syndicat National des Personnels de Direction de l’Education Nationale), premier syndicat des chefs d’établissement, qui ont soutenu cette étude d’ampleur.

En effet, près de 33 % des personnels de direction (perdirs) et 47% des établissements publics du second degré y ont répondu.Cela correspond à 3 millions d’élèves du public – soit 76% de la population concernée.

Que révèle cette enquête ?

Tout d’abord, des relations sociales fortement dégradées. Ce sont en premier lieu les liens avec les parents qui se sont le plus dégradés pour 43% des personnels de direction.

Georges Fotinos rappelle qu’en 2017, 27% des perdirs faisaient part de cette dégradation, et seulement 12 % en 2004.

Puis ceux avec la hiérarchie et les Inspecteurs d’Académie-Inspecteurs Pédagogiques Régionaux (IA-IPR) pour 40% d’entre eux.

Georges Fotinos rappelle qu’en 2010, ils n’étaient que 28% à faire part de cette dégradation.

Autre chiffre alarmant : 77 % des perdirs font part d’une baisse de la confiance dans l’institution.

80% sont abattus ou déprimés

En ce qui les concerne eux à proprement parler, la crise a vivement impacté leur vision de leur avenir professionnel : découragés, ils sont plus de 75% à envisager la reconversion professionnelle. Par ailleurs, plus de 67% se sentent nerveux ou stressés.

Georges Fotinos précise même que globalement ils souffrent à à 80 % d’abattement, de dépression ou de perte d’espoir et à 9,5 % de dépression sévère.

Enfin, les perdirs déplorent être souvent informés des changements organisationnels liés à la pandémie par les médias la vieille de l’application de ces derniers, voire le jour même par leur ministre. Conséquence : ils sont 92% à faire part de la dégradation massive de leurs conditions de travail.

Par rapport aux élèves de leurs établissement, 8 perdirs sur 10 font part d’un décrochage scolaire important lié à la crise sanitaire.

Mais il y a un impact positif : pour 87% des perdirs la période de crise a favorisé la création et l’innovation pour répondre aux besoins des élèves et des enseignants.

Une prise en compte urgente de la qualité de vie au travail

Pierre Moya, IGESR, directeur de l’encadrement, secrétaire général adjoint au ministère de l’Education nationale, est intervenu lors de cette table ronde. Il a tenu à rappeler que la France a mieux résisté que d’autres pays à la crise sanitaire au niveau scolaire, mais a reconnu que pour garder les écoles ouvertes les cadres ont dû absorber un surcroît d’activité. La question du bien-être au travail et des conditions de vie au travail s’est imposée. Il indique ainsi que le ministère lancera en 2022 une enquête qui sera régulière, pour comparer la situation des perdirs avec celle des autres agents de l’Education nationale. Elle portera sur 5000 personnels de direction, et en tout sur 200 000 agents du ministère de l’Education nationale.

Il précise que Jean-Michel Blanquer a revalorisé au niveau salarial les cadres de l’EN. Et qu’actuellement un travail est en cours pour réécrire la charte de fonctionnement de l’établissement scolaire, avec une grande prise en compte de la qualité de vie au travail.Mais il est vrai que l’urgence oblige souvent à prendre des décisions au dernier moment. Il rappelle aussi, par rapport aux souhaits de reconversion professionnelle des perdirs, que les Missions académiques de l’encadrement ont été créées en ce sens.

Se former à l’encadrement sous stress

En conclusion de cette étude Georges Fotinos a fortement insisté sur la nécessité absolue de la prise en compte de la qualité de vie au travail : il faut en faire « un levier majeur du changement de paradigme du fonctionnement de l’établissement et du système scolaire. »

Pour l’améliorer, il faudrait créer « un corps de personnels d’encadrement à vocation pédagogique, de conseil et de formation comprenant des perdirs, des inspecteurs d’académie et des Inspecteurs Pédagogiques Régionaux. »

Pour mieux lutter contre le stress, il fait par ailleurs part d’une proposition de José Mario Horenstein : la création d’une formation obligatoire « l’encadrement sous stress » initiale et continue pour tous les personnels d’encadrement -IGESR, IA, SG académie et département ,IEN, IA-IPR et perdir.