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La rentrée 2021 est la deuxième marquée par la crise du Covid. A quelques jours de la reprise, ce contexte influe sur l’ambiance et l’état d’esprit des enseignants déjà très marqués par les diverses réformes et le manque de considération de la part de leurs ministres. D’après nos échanges, ceux-ci s’avouent heureux de retrouver leurs élèves mais désabusés face aux conditions d’accueil de ceux-ci et à leurs conditions de travail. C’est le cas notamment de Céline*, professeur des écoles en maternelle à Nice, qui s’inquiète du manque de mesures mises en place à quelques jours de la rentrée. « Les moins de 12 ans ne sont pas concernés par la vaccination et malgré cela on n’équipe pas les écoles de purificateurs d’air pour les protéger, même en maternelle où ils ne sont pas masqués », regrette-t-elle. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a en effet rappelé jeudi 19 août lors d’un déplacement dans les Hauts de Seine que la vaccination des moins de 12 ans n’était pas d’actualité. Selon Céline, malgré les alertes des enseignants, rien ne sera fait pour protéger réellement les enfants à l’école si les parents ne se mobilisent pas eux aussi.

La vaccination, une vraie solution ?

La situation a évolué pour les collégiens et lycéens. Depuis le 15 juin, la vaccination est en effet ouverte aux 12-17 ans sur la base du volontariat. La mise en place du passe sanitaire à partir du 30 août pour ces jeunes a également encouragé les familles à opter pour le vaccin. A la mi-juillet, d’après les chiffres du Ministère des solidarités et de la santé, on comptait environ 1,6 millions de 12-17 ans à avoir reçu une première injection, soit 30% de cette tranche d’âge. Un chiffre qui serait désormais passé à plus de 50% selon Jean-Michel Blanquer et qui devrait permettre une année scolaire « la plus normale possible ». Mais la vaccination ne rassure pas plus que ça Stéphanie, professeur de lettres et d’histoire dans un lycée professionnel dans l’académie de Nancy-Metz. Elle-même est vaccinée mais ne se considère pas complètement protégée pour autant. Et cette année encore, elle se tient prête à faire face aux imprévus. « Comme d’habitude, je n’attends rien. Je vais me débrouiller afin de pallier les manques de préparation », glisse-t-elle. L’enseignante se souvient des difficultés rencontrées lors de la mise en place du dispositif « classe à la maison » via le Cned lors du premier confinement et des problèmes de connexion lors du second. C’est « ce sentiment d’urgence dans lequel tout est fait » qu’elle reproche et elle s’attend à devoir de nouveau y faire face.

L’impression de ne pas être soutenu

Cette rentrée est également teintée de colère pour cette enseignante. « Le lycée pro fait l’objet d’une casse sans nom depuis un moment. L’apprentissage est vendu comme la solution miracle or il n’en est rien. En lycée pro, les élèves sont sous statut scolaire. Ils effectuent 22 semaines de stage au cours des trois ans de scolarité. On les voit régulièrement, on peut les aider à progresser », argumente Stéphanie. Malgré tout, la professeure de lettres et histoire se dit contente de retrouver ses élèves auprès de qui elle a le sentiment d’être utile.
Dans l’enseignement supérieur, la gestion des cours à distance, le passage de la loi de programmation de la recherche, la sélection en Master 1 ont laissé des traces. « C’est la première fois que la rentrée se profile et où je l’envisage la boule au ventre », confie Mélanie, maître de conférences à Montpellier. Ici aussi, le sentiment de ne pas être entendu, soutenu et accompagné par le ministre de tutelle se ressent. Malgré la création de 34 000 places supplémentaires cette année dans l’enseignement supérieur dont 5000 cet été pour les BTS et 14 000 dans les universités, IFSI etc., sur le terrain, les enseignants déchantent. « On nous a annoncé de nombreuses créations de places de master sans pour autant recruter de collègues et nous donner de moyens. A dire vrai, on ne remplace même plus tous les postes qui partent à la retraite ou qui sont en détachement. Le taux d’encadrement dans certaines sections est catastrophique », déplore Mélanie. Beaucoup d’enseignants-chercheurs cumulent les heures complémentaires et les charges administratives pour compenser ces manques de personnel.

La crainte du distanciel

Autre point d’inquiétude : depuis 18 mois, l’enseignement à distance a souvent été de rigueur dans les universités pour éviter de propager le virus. Et même si les cours doivent reprendre en présentiel pour cette rentrée, la crainte de devoir fermer les établissements est bien réelle dans l’esprit des enseignants. « On se dit tous que ça va durer un mois, un mois et demi comme l’an passé et qu’avec le variant, Mme Vidal va encore probablement nous mettre au mieux en 50/50, au pire en distanciel le tout à la dernière minute dans la plus grande impréparation. La seule lueur positive c’est que je vais retrouver mes étudiants et que j’espère qu’il vont pouvoir vivre une année “à peu près normale”», ajoute Mélanie. Comme ses collègues, elle reprendra le chemin de son établissement scolaire dans quelques jours en faisant de son mieux dans ce contexte toujours très incertain.

*Le prénom a été changé