Pouvez-vous présenter l’association AGORES ?

L’association AGORES a presque 35 ans. Elle s’est construite autour de la lutte contre la « malbouffe », et aussi pour rompre l’isolement dans lequel se trouvaient tous les responsables de restauration collective. Il y a aujourd’hui quelques milliers d’adhérents, essentiellement de communes, communautés de communes ou agglomérations. Des personnes de la direction de l’Education nationale peuvent également être adhérentes chez nous.

Nous cherchons à améliorer la qualité globale de la restauration collective, ce qui passe par de bons produits, une cuisine efficace, et un bon service.

Pour nous, la restauration scolaire est un service social et éducatif. Elle doit être l’occasion d’une éducation à l’alimentation, au goût. Nous sommes d’ailleurs à l’origine d’une norme AFNOR de qualité en service de restauration scolaire.

Que pensez-vous du protocole sanitaire établi pour les cantines scolaires par le ministère de l’Education nationale ?

Ce protocole est très complexe à mettre en place dans les écoles. Il y a d’ailleurs eu de nombreuses réactions en ce sens chez les enseignants et chefs d’établissements. Pour la restauration, il est très flou et très vague. Et il contient des choses qui sont complètement anormales pour nous. 

On ne peut pas dire qu’il faut absolument rouvrir les écoles, en particulier pour les enfants en difficulté sociale, et demander aux élèves d’apporter leur propre panier repas. On ne peut pas non plus éduquer les enfants aux gestes barrières et les inciter à amener des sandwiches et des paquets de chips, que l’on va mettre dans la bouche avec ses mains !

Pour répondre à ce plan absurde, nous avons élaboré deux documents « Ma cantine déconfinée » pour les écoles primaires et « Mon restaurant déconfiné » pour les collèges.

Qu’est-ce qui est préconisé dans ces guides ?

Nous essayons de veiller à ce que l’on ne brade pas les règles d’équilibre ou de qualité à cause de la situation sanitaire.

Nous avons donc proposé des moyens concrets pour y parvenir. Nous préconisons toujours qu’un vrai repas soit servi, avec des couverts. Mais on peut gagner du temps en élaborant, par exemple, des menus à 4 composantes au lieu de 5. C’est-à-dire en supprimant un jour sur deux l’entrée ou le dessert…. Nous avons également incité à l’utilisation de produits frais. Les industriels ont en effet pour beaucoup cessé leur production, et la remise en route ne se fera pas avant 2 ou 3 semaines.

Nous avons aussi réfléchi à la réorganisation du service, pour limiter au maximum le contact entre les enfants. Par exemple, pour éviter que le broc d’eau passe de main en main, il faut qu’un adulte aille le remplir et serve à boire aux enfants individuellement.

Nous avons aussi beaucoup incité les communes à faire manger les enfants dans la cantine et non dans les salles de classe. La cantine est un lieu fait pour la restauration, dont l’on maîtrise la désinfection, le traitement… pas la salle de classe.

Au-delà du déconfinement, que préconisez-vous pour améliorer la restauration scolaire dans la durée ?

Nous avons une charte nationale de qualité, très axée sur la cuisine et les produits de proximité. Nous prônons le passage par des circuits courts, la consommation de produits locaux et bio. Pour nous, la loi Egalim était donc une opportunité. Mais le carcan des marchés publics ne facilite pas la récupération de produits de proximité.

Si l’on veut vraiment faire un pas en avant, il faut une exception alimentaire. Elle doit permettre de ne pas passer par des règles de marché pour des produits qu’on irait acheter directement chez le producteur. Ça changerait énormément de choses et serait de nature à augmenter la capacité de souveraineté alimentaire des territoires.