chaire science et jeu video

Photo : Yves Tennevin

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis chercheur en physique des particules, je travaille notamment sur l’expérience CMS du Cern. Je suis aussi romancier et ai écrit entre autres deux romans de science-fiction. C’est en rassemblant mes deux passions que je me suis dirigé vers le jeu vidéo comme moyen d’apprentissage. Et j’ai commencé à réaliser un jeu pour communiquer autour de ma science très complexe, la science des particules, à une audience très large.

Comment est née l’idée de la chaire « Science et jeu vidéo » ?

Ça faisait deux ans que me trottait dans la tête l’idée de faire ce jeu sur la physique des particules, et pour le développer, j’ai commencé à travailler avec des personnes issues du jeu vidéo. En cherchant comment continuer cette aventure, j’ai rencontré des gens d’Ubisoft, qui se sont montrés très intéressés par l’idée de monter une chaire d’enseignement et de recherche autour de la science et du jeu. C’est comme ça que l’idée a été lancée. Nous avons monté le projet avec Olivier Dauba, un des vice-présidents d’Ubisoft.

Quels projets seront mis en place dans le cadre de la chaire ?

Même si elle n’est inaugurée que cette semaine, la chaire a déjà été lancée depuis le début de l’année à Polytechnique. Elle a trois credo. Tout d’abord, mettre des sciences dans les jeux. L’industrie vidéoludique est très intéressée par tout type de simulation qui peut améliorer le rendu des jeux. On peut penser par exemple à l’image 3D ou à la spatialisation du son. Mais aussi à des sciences permettant de développer de nouveaux gameplay : les sciences humaines et sociales, la physique, la biologie, peuvent permettre d’inventer de nouvelles façons de jouer, de nouveaux sujets de jeu. Cela est particulièrement intéressant pour des entreprises qui créent des jeux que l’on appelle AAA, qui génèrent des mondes de plus en plus réalistes, et dans lesquels pour simuler la météo, par exemple, on peut réellement faire appel à la science.

Le deuxième credo est la formation de professionnels du jeu vidéo. L’industrie du jeu vidéo est très interdisciplinaire, elle compte des artistes, des informaticiens, ou encore des économistes. A l’école Polytechnique, il y a un appétit des étudiants pour ce secteur-là. Nous allons donc ajouter dans la grille d’enseignement de l’école Polytechnique des cours qui leur permettront d’aller vers l’industrie vidéoludique.

Le troisième credo, c’est l’éducation par le jeu. L’objectif étant de lancer des actions permettant d’utiliser le jeu vidéo comme moyen d’apprentissage.

Comment cela se concrétise-t-il ?

On commence depuis la rentrée dernière à encadrer des projets collectifs, dans lesquels les étudiants se mettent en groupe pour créer un projet scientifique. Nous en avons démarré cinq sur le thème Science et jeu vidéo. J’en encadre par exemple un avec David Louapre, directeur scientifique d’Ubisoft également connu comme blogueur, dont l’idée est d’intégrer une science autre que la gravitation et la collision dans un jeu vidéo de type Minecraft. Cela peut être de l’électromagnétisme, de l’aérodynamique, ou d’autres types de science physique.

Un gamelab va être implanté à l’école Polytechnique, quel sera son rôle ?

Il s’agira d’un petit studio de jeu vidéo en résidence dans un laboratoire de recherche, avec sous ma direction une équipe classique constituée d’un développeur, d’un game designer, d’un graphiste, d’une cheffe de projet, ainsi que d’une étudiante alternante en interactive design. Son rôle sera de soutenir toutes les actions entamées dans le cadre des trois credo énoncés précédemment. Par exemple, à la fin de l’année, nous donnerons un cours à Polytechnique expliquant comment créer un jeu vidéo. Et l’objectif des étudiants sera de réaliser leur propre petit jeu.

Nous avons vu que la science pouvait apporter beaucoup aux jeux vidéo, mais l’inverse est-il vrai ?

Comme vecteur de transmission ou de communication de la science, je suis absolument persuadé que oui. Comme outil pour faire de la science, en revanche, je le suis moins. Il y a eu quelques expériences intéressantes dans ce sens, notamment le jeu Fold it. L’idée est que les participants, en jouant, résolvent des problèmes scientifiques sérieux et contribuent à répondre à une réelle question scientifique. Mais je pense qu’avec le développement de l’intelligence artificielle, nous aurons moins besoin des humains pour résoudre des problèmes complexes.

Par contre, en sciences humaines et sociales, où le sujet est l’homme lui-même le jeu vidéo peut apporter des informations importantes. Par exemple, faire un jeu sur le réchauffement climatique pourrait être très utile aux chercheurs qui étudient nos comportements sur cette question-là.