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En déclarant lors de la conférence de rentrée « Devoirs faits va atteindre cette année sa maturité », Jean-Michel Blanquer reconnaissait la complexité de la mise en place du dispositif. Le ministre a donc revu sa copie en fixant de nouveaux objectifs à « Devoirs faits » pour cette deuxième année. Désormais, dans les 7 100 collèges de France, les élèves volontaires bénéficient de 4 heures maximum par semaine, pendant lesquelles ils sont encadrés et aidés à faire leurs devoirs.

Un objectif louable tant sur le fond que sur la forme, et plutôt bien accueilli comme le déclarait le SNPDEN ou encore François-Afif Benthanane, président fondateur de Zup de Co (1), qui déclarait que « c’est déjà bien que le ministère ait mis cela en place ». Or, d’après le ministère de l’Education nationale, en 2017-2018, seulement 20 % des collégiens ont profité de la mise en place de « Devoirs faits ». Et pour cause, le dispositif « n’est pas appliqué équitablement et souffre de fortes disparités territoriales » d’après le constat fait par François-Afif Benthanane. Son association est agréée par le ministère de l’Éducation nationale, et participe aux sessions de « Devoirs faits ». Il reconnaît : « Avant, nous intervenions sur tout le territoire, en deux ans, notre champ d’action s’est réduit et aujourd’hui, nous n’intervenons plus qu’à Lyon et en Ile-de-France ». Cette observation, les syndicats la font aussi, et ils sont également très critiques vis-à-vis du vademecum qui précise le champ d’action du dispositif.


Entre lourdeurs administratives et organisationnelles, beaucoup d’établissements ont eu du mal à mettre en place le dispositif « Devoirs faits » dès le retour des vacances de la Toussaint, comme cela aurait pourtant dû être le cas. « Il y a trop d’inégalités » reconnaît François-Afif Benthanane, « cette gestion est usante pour les enseignants » et il explique cela par le manque « d’organisation et d’accompagnement dans les collèges ». Le dispositif a été créé certes pour les élèves volontaires, mais « les élèves les plus en difficulté n’y vont pas » observe le fondateur de Zup de Co.

Un manque cruel de moyens humains et financiers

Les séances de « Devoirs faits » reposent sur une certaine organisation, et l’efficacité du dispositif nécessite de disposer de moyens spécifiques et de personnels qualifiés. C’est pourquoi le SNES-Fsu demande « le maintien des dispositifs existants et des financements afférents quand ils satisfont les équipes, en particulier dans les collèges de l’éducation prioritaire ».

L’enveloppe affectée à la mesure représentait 150 millions d’euros en 2017. Un montant insuffisant pour François-Afif Benthanane pour qui « il faut sans cesse batailler pour obtenir des subventions et réussir à mettre en place le dispositif dans les collèges. Et sans argent, celui-ci ne pourra être pérennisé ».

Si vous me demandez ce que je pense de Devoirs faits, je vous réponds que du bien. Si vous me demandez si c’est améliorable, ma réponse est oui. Enfin, si vous me demandez si l’on nous donne les moyens pour que cela fonctionne, ma réponse est non – François-Afif Benthanane

Outre les moyens financiers, c’est la question de l’encadrement qui pose problème. D’après l’organisation prévue par le ministère de l’Éducation nationale, 7 professeurs en moyenne doivent être mobilisés dans chaque établissement. Pour trouver les personnels encadrants, les établissements comptent sur les enseignants (alors payés en heures supplémentaires), sur les assistants d’éducation, sur des jeunes en service civique ou des associations comme Zup de Co. Cependant, si les enseignants sont les plus à même d’aider et d’encadrer les collégiens en demande, leur emploi du temps ne leur permet pas toujours de réaliser ces 4 heures supplémentaires d’études dirigées.

François-Afif Benthanane témoigne : « pour aider un enfant en difficulté, il faut beaucoup plus que 4 heures par semaine. Les enseignants doivent donc faire des petits groupes. Au meilleur de l’organisation, ils peuvent consacrer 4 minutes par élèves. Ce n’est malheureusement pas suffisant ». Le ministère « ne fait pas suffisamment confiance aux structures comme la nôtre » déplore le fondateur de Zup de Co, qui ajoute amer, « pourtant, en tant qu’acteurs complémentaires, nous intervenons en appui et à la demande des établissements ».

Après une première année de rodage, il est encore trop tôt pour dresser le bilan de la deuxième année d’existence du dispositif « Devoirs faits ». Cependant, pour le booster et inciter davantage de collégiens à en bénéficier, le CNED a lancé en janvier dernier Jules, un service numérique qui complète et enrichit le dispositif ministériel déjà existant.