© Salon Eduludic

Quelles innovations pédagogiques apportent les serious et escape games ?

Je pense que c’est avant tout une autre façon de travailler. En tant que professeure d’anglais, je constate un changement de posture de l’élève. Il devient actif, même si cela est déjà le cas dans les apprentissages. Les notions, qui ne sont parfois pas très faciles à faire passer de manière classique, à travers des cours, des leçons, passent beaucoup plus facilement pour des élèves qui ont certaines difficultés. Les élèves participent car ils sont beaucoup plus intéressés, ils peuvent faire des recherches pour résoudre les énigmes, jouer des rôles. Ils sont plus enjoués et enthousiastes, et me disent « madame c’était bien, on a adoré, on travaille et on s’amuse ». Il y a aussi  davantage de motivation et on peut les emmener dans des activités différentes. La notion de travail et de jeu, qui à la base ne vont pas forcément de pair, se mêlent. C’est une autre façon de travailler que personnellement j’adore.

En quoi le jeu aide-t-il dans l’apprentissage ?

Le jeu c’est la partie agréable de l’apprentissage. On n’a pas l’impression de fournir des efforts pour parvenir à l’exercice ou à l’objectif pédagogique visé par le professeur. Dans mon établissement, où les élèves peinent à faire des efforts pour travailler, je les y amène par le biais du jeu sans qu’ils ne s’en rendent compte. Ils apprennent des choses et obtiennent des acquis plus rapidement. À Houlme, des escapes games sont mis en place en début de séance de cours. Cela permet d’entamer la séquence avec plus d’attention et la faire suivre de façon plus simple et naturelle.

Les bénéfices visibles sont davantage de collaboration et de coopération dans la classe, et une meilleure communication entre les élèves et le professeur. Et, bien souvent, en mettant un élève en difficulté avec d’autres camarades, il se révèle, et il aura moins conscience de ses difficultés s’il est en binôme avec un élève qui va le tirer vers le haut et l’aider par exemple. Chacun participe dans l’équipe et tout le monde progresse et travaille ! Par rapport à mes débuts dans l’enseignement il y a 10 ans, je constate qu’avec le jeu pédagogique, les élèves évoluent plus vite.

Les professeurs sont-ils en demande de ces nouvelles pratiques ?

Pour les escape et serious games, il y a deux vagues. Ce que j’appelle la première vague, c’est le côté découverte des apports de cette activité. Pour ce qui est de la deuxième vague, dans laquelle nous sommes, c’est le côté innovant qui prend le dessus. Donc aujourd’hui, il y a de plus en plus de professeurs qui aimeraient se mettre aux escape ou serious games pour rendre l’apprentissage plaisant et agréable. Ils veulent entreprendre et créer  leur propre escape ou serious game, mais parfois, ils hésitent ne sachant pas trop par où commencer.

C’est d’ailleurs face à leurs hésitations et interrogations que nous avons créé un groupe Facebook, qui compte plus de 2 000 professeurs, et grâce auquel nous partageons les idées et projets des uns et des autres. J’anime aussi, avec d’autres professeurs, le collectif Escape n’games, qui a pour but de rassembler tous les jeux d’évasion pédagogiques que d’autres collègues acceptent de partager afin d’aider d’autres à se lancer dans la création du leur.

Il y a un réel besoin de formation des professeurs, c’est pourquoi je mène également des ateliers de formation au Canopé de Rouen. J’ai aussi intégré les stages PAF (plan académique de formation) à Caen et Rouen, et ces formations continues pour les professeurs se déroulent au travers d’ateliers. Il faudrait aujourd’hui doubler ces ateliers pour répondre aux besoins de formations et pouvoir accueillir tous les volontaires. Il y a de nombreux évènements liés aux escape games, et il faut pouvoir former tout le monde… Les pratiques se diffusent et c’est très bien. Il y a vraiment des réponses à apporter à ce niveau-là.

Quelles matières se prêtent le mieux aux escapes et serious games ?

De tous les retours que j’ai pu avoir, aussi bien en primaire qu’en secondaire, toutes les matières confondues s’y prêtent. Vous avez d’ailleurs eu le retour d’expérience de Karine Peilloux, professeure d’espagnol. Il est vrai que les jeux se prêtent bien aux langues vivantes, et d’autres où à l’inverse il n’en existe pas, ou peu. Je pense notamment aux arts plastiques ou à l’EPS. Mais je rappelle que nous diffusons les activités mutualisées, c’est-à-dire celles que les professeurs, créateurs ou non de jeux, veulent faire connaître. Donc il est possible que cela existe en EPS ou en arts plastiques, mais je n’en ai personnellement pas entendu parler.

Un mot sur le salon Eduludic que vous organisez les 5 et 6 février 2019 ?

L’idée de ce salon est venue avec Emilie Lebret, médiatrice au Canopé de Blois et professeure d’allemand dans l’académie d’Orléans-Tours. Nous sommes parties d’une idée simple : partager nos idées avec le plus grand nombre et découvrir de nouvelles choses. À travers des ateliers, des conférences et des démonstrations, les visiteurs pourront découvrir et expérimenter des jeux  pédagogiques, des jeux d’évasion, des jeux plus sérieux, bref, des jeux en général. Cette année, il aura lieu à Mont-Saint-Aignant près de Rouen, ville où l’équipe Canopé est vraiment vouée à ces thématiques. Nous attendons de nombreuses personnalités, comme Antoine Taly, qui est chercheur au laboratoire de Biochimie Théorique au CNRS, Michael Freudenthal, du réseau Sapiens, Fabrice Jouvenot qui est le game designer du CRI, ou encore Éric Sanchez qui est très connu dans le milieu des escape et serious games. De nombreux intervenants seront donc là pour échanger et présenter leur projet. Nous recevons aussi des classes pour les sortir des pratiques classiques et leur faire découvrir ce qui se fait. Eduludic, c’est un lieu de formation et de découverte d’un nouveau genre. Et cette année, j’y présenterai aussi l’escape game « Le collectionneur » que j’ai créé avec Émilie Lebret.