
Selon vous, la réforme du CAPES était-elle nécessaire ?
Cela dépend de ce qu’on appelle « réforme du CAPES ». Si cela est changer les modalités de recrutement, pourquoi pas. Le concours à Bac + 5 pour être payé moins de 2000€ par mois, cela n’est pas très attractif et motivant. Le passage du concours en M2 à la place du M1 (ce que j’ai passé), induit une dilution sur deux ans du travail sur les questions académiques et surcharge les étudiants avec les autres attentes du diplôme en fin de M2 (mémoire, cours INSPE). En revanche, le passage d’un concours disciplinaire en L3, pour le second degré, me paraît complexe, notamment par rapport à la maîtrise des connaissances, des compétences et même du recul vis-à-vis de sa discipline.
Est-ce une bonne chose pour attirer plus de candidats ?
Je pense que cela va attirer plus de candidats dans le 1er degré mais pas dans le 2nd degré. Cela se remarquera notamment dans les disciplines où les débouchés sont multiples ailleurs et mieux rémunérés (mathématiques…). De plus, quel est le but de recruter plus de candidats ? Si c’est pour en prendre plus, cela n’aura pas forcément d’intérêt en tant que tel. Il faut plus de candidats mais aussi plus de sélection pour retenir les meilleurs. C’est l’intérêt de ce type de concours.
Certains professionnels estiment que la maîtrise disciplinaire est trop faible en L3 pour passer le CAPES et devenir enseignant. Qu’en pensez-vous ?
Je suis totalement d’accord. Cela ne se remarquera pas uniquement par rapport aux connaissances, mais même sur la maîtrise des exercices disciplinaires. On parle de candidats qui peuvent se retrouver en responsabilité l’année suivante (même sur de courtes périodes). Je suis enseignant PRAG à l’Université en géographie et je l’affirme, une grande majorité des L3 actuels n’ont pas le bagage nécessaire pour disposer de l’aisance minimale face à l’enseignement des sujets du secondaire. Ce n’est pas leur faire offense, ils sont en cours de formation. Certains ne maîtrisent pas correctement une dissertation de 2h ! Imaginez une composition de 5h. Surtout, il faut un accompagnement autour de ces épreuves de L3. Or, sans concertation, autant dire que les Universités et les INSPE ne seront pas prêts et il y a de fortes chances que les candidats de l’année prochaine doivent se débrouiller seuls (ou presque) pour se préparer.
Le CAPES d’histoire-géographie comprendra 2 épreuves écrites d’admissibilité de 5 h (une composition au choix entre deux sujets ; une analyse critique d’un corpus documentaire). Exit l’épreuve disciplinaire appliquée pour jauger les compétences didactiques. C’est un point négatif ?
Tout à fait car, cela remet en cause la cohérence même du changement de concours. Qu’on réduise l’exigence disciplinaire, cela me paraît nécessaire (un L3 ne peut et ne sera jamais un M2) mais autant tester dès maintenant les appétences didactiques des étudiants. Là encore, il faudra les jauger par rapport à leur niveau potentiel mais la didactique reste essentielle dans ce métier. L’absence de didactique va d’ailleurs largement favoriser les étudiants de Normale Sup ou ceux sortant de prépas…
Qu’avez-vous pensé des sujets « zéro » ? Vous paraissent-ils pertinents par rapport aux connaissances à maîtriser pour un futur professeur ?
Les sujets zéro sont des sujets « zéros ». Ils ne satisfont pas, car ils sont des exemples simplistes de ce qui est possible. En géographie, ce sont des sujets que l’on voit au lycée en 1ère et Terminale. C’est forcément décevant. Là encore, si on teste simplement une maîtrise des programmes scolaires, alors autant leur demander la didactique. Sinon, il faut un minimum de subtilité, avec des nuances que l’enseignant doit pouvoir mobiliser par lui-même dans son enseignement. C’est bien l’intérêt des questions disciplinaires à l’origine : approfondir une question scientifique pour en tirer par la suite la quintessence didactique tout en développant la posture disciplinaire. Cependant, cela reste des Licence 3, on en revient donc au problème de base de l’année de recrutement.
Avec le CAPES à bac +3, certains enseignants redoutent que le niveau de leurs futurs collègues soit plus faible. C’est aussi votre avis ?
C’est une inquiétude que je partage mais pas uniquement pour les Licence 3. On voit déjà sur le terrain des enseignants stagiaires qui montrent de belles capacités didactiques et de gestion de classe, mais avec des lacunes importantes dans le disciplinaire. Cela va donc dépendre des moyens mis. Si en Master, ils ont un programme ambitieux en disciplinaire et didactique, cela peut permettre de former des enseignants sérieux. Sinon, les difficultés vont continuer à s’accumuler ou il va falloir une formation continue en capacité de subvenir aux besoins. Les inspections de fin de Master doivent également sanctionner les candidats qui ont les compétences disciplinaires les plus problématiques (quand le concours ne les a pas stoppés).
Le concours est recentré sur les savoirs fondamentaux et le savoir-être. A partir de 2026, deux années de Master serviront à la formation initiale des enseignants avec des stages, des mises en responsabilité rémunérés et seront rémunérés. Est-ce un progrès ?
Le concours garde une épreuve qui me parait nécessaire, c’est l’entretien professionnel. J’ai eu la chance de préparer cette épreuve pour le 1er et 2nd degré, et je la trouve fondamentale sur les savoir-être afin d’acquérir des réflexes professionnels fondamentaux et travailler la posture. Le fait de rémunérer les stages est positif, mais il faut que ce Master marche sur toutes ses pattes : un penchant disciplinaire fort, une didactique poussée, une pédagogie ambitieuse, une présence régulière sur le terrain. Cela demande des moyens importants et une coopération entre les départements disciplinaires à l’Université, l’INSPE et au Rectorat. L’aspect progressif de l’entrée dans le métier peut faire partie des intérêts de cette réforme, mais me semble un peu juste par rapport aux problématiques.
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