
La correction des copies est un exercice bien connu des enseignants. Armés d’un stylo rouge, ils soulignent, commentent, conseillent l’élève avec quelques mots avant d’attribuer une note à la copie. Certains enseignants innovent en y ajoutant un commentaire audio. C’est le cas, par exemple, de Pierre Legrix, professeur de Lettres classiques à Nantes, qui s’y adonne depuis quatre ans sur les grandes évaluations. « Les élèves lisaient rapidement mes commentaires, rangeaient leur copie dans leur sac et oubliaient ce que j’avais écrit. La fois d’après, ils faisaient les mêmes erreurs », se souvient l’enseignant. De son propre aveu, le commentaire oral a radicalement changé la donne et les a fait progresser. En rentrant chez eux, curieux de découvrir le message enregistré par leur professeur à leur intention, ils reprenaient leur copie et écoutaient, au calme, ses remarques.
Une méthode artisanale mais efficace
Clairement, si Pierre Legrix a opté pour le commentaire audio ce n’est pas pour un gain de temps. Il continue d’annoter la copie à l’écrit puis prend deux minutes pour la parcourir de nouveau en enregistrant ses commentaires personnalisés. « Ça me permet de donner plus d’éléments de compréhension, de détails, à l’élève que quelques mots écrits. A l’oral, c’est plus chaleureux, j’adapte ma voix à l’élève que je connais. Les jeunes ont de plus en plus besoin de cette proximité qui leur donne confiance car ils entendent souvent qu’ils sont moins bons que les précédentes générations, que leur avenir est pessimiste… », soutient l’enseignant.
Il utilise le logiciel sécurisé Qwiqr pour s’enregistrer et générer un QR code pour chaque commentaire. Il découpe et colle celui-ci sur la copie pour que l’élève le scanne ensuite et l’écoute. Pierre Legrix reconnaît que sa démarche est un peu artisanale et prend du temps, surtout au début. Mais le retour sur investissement vaut le coût selon lui. « J’ai immédiatement constaté des retours très positifs. Sur 26 élèves, seul un ou deux n’avaient pas écouté mon audio », confie-t-il. Désormais, ils l’attendent même et quand il n’y a pas de QR code sur un contrôle plus succinct, les élèves sont un brin déçus. « Quand j’enseignais au collège, les parents appréciaient la démarche et revoyaient la copie avec leur enfant », ajoute-t-il. Aujourd’hui au lycée, certains de ses élèves notent dans leur carnet ce qu’ils doivent améliorer pour la prochaine évaluation. L’enseignant les autorise à reprendre ce carnet pour avoir en tête ce à quoi ils doivent être vigilants. Un bon mémo pour aller de l’avant.
Suivre les progrès des élèves grâce à l’IA
Jean-Luc Planès, professeur agrégé de mathématiques en Vendée, teste également le commentaire audio. « J’ai bientôt 60 ans et j’éprouve toujours le besoin de faire travailler mes élèves à la maison mais certains collègues me demandaient à quoi bon car ils peuvent utiliser l’intelligence artificielle. J’ai donc cherché une solution qui ait plus de poids et de répercussion », déclare-t-il.
A l’écrit, il cherche les tournures de phrases pour conseiller efficacement en peu de lignes, contraint par le manque de place sur la copie. L’oral s’est imposé en complément. « L’oral est plus marquant et j’aime bien parler à mes élèves. Je parle comme dans la vie courante, en théâtralisant un peu par moments, en faisant parfois de l’humour pour dédramatiser », explique l’enseignant.
Jean-Luc Planès utilise un outil numérique spécialement pensé pour cet usage : Logbook. Ce dernier délivre un QR code par élève pour l’année. Les élèves peuvent écouter le commentaire et/ou lire sa version retranscrite. Ils peuvent aussi répondre par écrit à leur enseignant. Jean-Luc Planès, lui, peut suivre les progrès de ses élèves par compétence.
La correction audio : un impact plus fort sur les élèves
Là aussi pas vraiment de gain de temps pour le professeur : « C’est plus long pour moi. Je passe en moyenne 5 heures à corriger 25 copies de Terminale ; quand j’utilise l’audio, je passe à six heures (entre 2 et 3 minutes par élève), estime Jean-Luc Planès, mais c’est plus efficace car ça les marque davantage que l’écrit ». Si l’enseignant apprécie cette nouvelle technologie, il ne s’imagine pas en revanche confier la correction de ses copies à une intelligence artificielle. « Là je corrige les évaluations, l’IA ne fait que retranscrire ce que je dis et j’ai toujours la main car je peux corriger/ améliorer la retranscription qui est parfois maladroite. L’IA doit progresser sur ce point », nuance-t-il. L’enseignant peut voir le pourcentage d’élèves qui a consulté ses enregistrements ; en général 85 % le font. « Les très bons élèves essayent de faire mieux avec mes conseils. Ceux qui ont des difficultés ont des pistes pour que ça aille moins mal. Ils en profitent plus que si c’était juste à l’écrit et c’est moins cassant », ajoute-t-il. Les parents semblent également conquis par la méthode et saluent l’implication sincère de l’enseignant. D’après le sondage qu’il a effectué auprès d’eux, 100 % ont trouvé les commentaires oraux utiles et 67 % ont échangé avec leur enfant suite à l’écoute de ceux-ci. « C’est juste parfait… Le commentaire à l’oral permet de beaucoup plus détailler les développements et les résultats avec plus d’accompagnement, le rendant plus recevable pour le jeune : merci pour ce temps pris pour eux », écrit l’un des parents. « Les commentaires oraux que vous réalisez sont extraordinaires, c’est très pertinent, vivant, c’est très intéressant et motivant pour l’élève, nous les écoutons à chaque fois. Merci beaucoup », note un autre.
Un coût pour les enseignants
Outre le temps supplémentaire que cela représente, la correction audio a parfois un coût financier lorsqu’elle n’est pas prise en charge par l’établissement scolaire. Celle de Logbook, par exemple, est de 5,99€ par mois. « On est encore dans une logique où c’est à nous enseignants d’investir avec nos finances personnelles », regrette Pierre Legrix qui a opté pour une solution moins aboutie mais gratuite. « Il y a aussi des licences d’établissement, mais encore faut-il qu’une majorité d’enseignants soit intéressée par cette méthode-là et ce n’est pas toujours évident », ajoute-t-il. Jean-Luc Planès lui aussi déplore de devoir payer ses outils de travail : « Les lycéens sont dotés par la région d’un ordinateur portable à leur entrée en seconde mais quand on est professeur on se paye le nôtre et le matériel pédagogique qui nous tient à cœur », remarque-t-il. Tous deux ne s’imaginent pas pour autant revenir en arrière.








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