Certains enseignants décident de renoncer à évaluer les devoirs à la maison. Mais pour le chercheur Grégoire Borst, il faut sortir de l’obsession de traquer l’IA dans les copies. Image : Getty

Dans un article publié dimanche 29 juin 2025, BFMTV donne la parole aux enseignants confrontés aux copies rédigées par l’IA. Un professeur de physique-chimie dans un lycée du Val d’Oise déclare ainsi « avoir supprimé tous les devoirs maison. » L’association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (APPEP) indiquait de son côté en février dernier dans un communiqué que « les professeurs de philosophie étaient presque systématiquement contraints de renoncer à toute évaluation de devoirs faits à la maison. »

Le problème est que l’utilisation de l’IA pour rédiger une copie peut être difficile à détecter : les logiciels anti-fraude sont peu efficaces, et soulignait l’APPEP dans son communiqué, avec les progrès de l’IA, dans une copie entièrement rédigée par elle, « la source est désormais indétectable. »

La notion de fraude

Christophe Cailleaux, professeur d’histoire-géographie dans un lycée de Dijon (Côte-d’Or) explique pour sa part qu’à force d’en avoir lu, il sait désormais détecter une copie d’élève rédigée par l’IA. C’est une compétence qu’il faudrait peut-être valoriser au niveau de l’Education nationale. Il a participé à l’élaboration du « cadre d’usage de l’intelligence artificielle en éducation » publié mi-juin par le ministère de l’Education nationale, et salue le fait que ce cadre stipule que « tout recours à l’IA générative pour réaliser un devoir scolaire, sans autorisation explicite et sans travail personnel d’appropriation, sera considéré comme une fraude. »
Pour le professeur d’histoire-géographie cité par BFM, la mention de « fraude » contenue dans le cadre en effet est essentielle. « On a dû batailler pour que cette notion figure noir sur blanc. Heureusement, on a obtenu gain de cause : ne pas en parler aurait envoyé un très mauvais signal aux élèves » juge-t-il ainsi.

Le rôle de la formation

Par ailleurs, ce cadre stipule qu’ « une micro-formation à l’IA sera proposée à tous les collégiens et lycéens à partir de la rentrée 2025 sur la plateforme Pix, et qu’elle « sera obligatoire pour tous les élèves de 4eet de 2nde. » Enfin, le cadre précise que « l’école doit donner aux élèves les clés pour comprendre cette technologie, en appréhender les opportunités comme les limites, développer un esprit critique à son égard. »

A noter, pour guider les élèves dans le bon usage de l’IA, le groupe “IA et éducation” de l’Académie de Paris met en ligne une page intitulée « IA et devoirs à la maison ». Cette page propose aux élèves de se repérer entre « Ce que l’IA peut faire pour t’aider » et « Ce que l’IA ne peut pas (et ne doit pas) faire à ta place. » Les élèves peuvent également y trouver des conseils pour bien rédiger un prompt et savoir poser les bonnes questions, en particulier pour « structurer ses idées pour rédiger un devoir » et pour « rendre l’apprentissage plus ludique. » Mais à côté de ces pistes concrètes, ne faut-il pas repenser aussi le mode d’évaluation des élèves ?

Penser autrement le rapport à l’IA

Grégoire Borst, directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant au CNRS, critique « l’approche réactive qui consiste à chercher des moyens de détecter si les élèves ont utilisé l’IA pour accomplir des tâches scolaires. » Pour lui, il « serait plus judicieux d’enseigner aux élèves l’utilisation de ces outils de manière éthique et efficace » et « la compréhension des limites de l’IA, en apprenant à détecter ses biais potentiels et à réfléchir de manière critique aux informations qu’elle génère. » Il juge par ailleurs sur BFMTV que cette « obsession de traquer systématiquement les devoirs rédigés avec l’aide de l’IA » est révélatrice de notre système d’évaluation scolaire, « essentiellement sommatif » -donc très centré sur les notes. Or pour le chercheur, « on oublie que l’évaluation peut (et doit) aussi être formative », et « contribuer à la construction des savoirs ». L’ère de l’IA sera peut-être l’occasion d’y réfléchir…