Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Audrey Dussutour, je suis directrice de recherche au CNRS, au Centre de recherche sur la cognition animale de l’université Paul Sabatier, à Toulouse. J’ai débuté ma carrière en étudiant les fourmis et je travaille depuis quelques années sur le blob.

Qu’est ce que le blob ?

Pour expliquer ce qu’est le blob, il faut commencer par définir ce qu’il n’est pas ! Le blob n’est ni un champignon, ni un animal, ni une plante. Il appartient à un règne peu connu,  les amibozoaires. Ce sont des organismes qui ont émergé il y a un milliard d’années, et sont microscopiques : ils sont composés d’une seule cellule pour la grande majorité. Leur caractéristique est de pouvoir prendre presque n’importe quelle forme, comme de la pâte à modeler.

Dans ce règne des amibozoaires, il y a une classe qu’on appelle les myxomycètes, du grec « champignons gluants » (bien qu’ils ne soient pas des champignons). Ce sont des unicellulaires un peu particuliers que l’on peut voir à  l’œil nu, certains pouvant atteindre plusieurs mètres carrés. C’est dans cette classe qu’on va trouver le blob, qui s’appelle, de son nom latin, Physarum polycephalum.

Vous êtes à l’origine d’un projet intitulé « Derrière le blob, la recherche ». Pouvez-vous le présenter ?

L’idée de ce projet vient d’une expérience précédente que j’ai menée, qui s’appelle « Elève ton blob ». C’était un projet destiné aux scolaires, que j’avais mis en place avec Thomas Pesquet. A l’époque, quand j’avais lancé l’appel pour les écoles volontaires, j’avais été contactée par des Ehpads, qui déploraient que les activités scientifiques soient réservées aux scolaires. J’avais aussi été appelée par des gens qui faisaient de l’instruction en famille et qui étaient aussi frustrés de ne pas pouvoir participer. Ça m’a donné l’idée de mener un grand projet de science citoyenne ouvert à tous, qui aurait pour but d’étudier les effets du réchauffement climatique sur les blobs.

Nous l’avons lancé juste après la fin d’ « Elève ton blob » et nous avons recueilli 46 000 candidatures, pour 10 000 places. Au final nous avons rajouté 5 000 participants pour atteindre 15 000 volontaires, et pour la sélection finale, c’est le blob qui a choisi ! Nous avons divisé les candidatures en 3 groupes aléatoires, nous avons placé le blob entre 3 pastilles de nourriture numérotées de 1 à 3, et nous avons suivi son choix.

Des écoles vont participer à l’expérience. Quels niveaux scolaires sont concernés ?

Il y a de tout : collèges, lycées, primaires… L’expérience peut être réalisée à partir de 8 ans sous la supervision d’un adulte.

Pourquoi pensez-vous que cette expérience peut être intéressante à mener en classe ?

Pour plusieurs raisons : cela développe l’esprit critique chez les enfants, ce qui aujourd’hui est très important. Cela leur apprend également à respecter un protocole scientifique, ses règles, et leur montre comment se fait la science en général. Cela les sensibilise aussi au défi sociétal majeur qu’est le réchauffement climatique.

Le blob en lui-même est très intéressant à étudier en classe. Il permet par exemple de parler de la classification du vivant. Il questionne également au niveau philosophique, sur la notion d’individu, puisque lorsqu’on coupe un blob en morceau, chacun devient un individu à part… certaines écoles ont monté des chorales avec des chants, nous avons même fait une « dictée du blob » via Zoom lors de laquelle j’ai lu un texte pour 300 classes réparties dans toute la France…

Chez les collégiens, le blob permet de faire des expériences qu’on ne peut pas faire sur des animaux pour des raisons éthiques. Par exemple, le blob peut-il traverser l’eau, le sable ? Pour chaque question, ils peuvent tester et vérifier leurs hypothèses, et c’est très intéressant de les voir se comporter en scientifiques et adopter une démarche hypothético-déductible.

Les procédures de l’expérience sont en accès libre sur Internet afin que les personnes possédant un blob puissent mener l’expérience de leur côté. En quoi consistent ces procédures ?

Les participants reçoivent un blob endormi, et la première chose à faire est de le réveiller. Ensuite, pendant la première semaine, l’objectif est de faire grandir le blob. Le véritable protocole commence la semaine d’après. Pendant le protocole, les blobs sont séparés en 2 groupes : un groupe témoin qu’on gardera à température ambiante et un groupe qui va subir des changements de températures. Nous avons mis en place 15 profils de changements : changements violents ou progressifs, fréquents ou non, températures très hautes ou très basses… Chaque participant a reçu un protocole particulier, et suivra ce dernier en chauffant son blob grâce à une ampoule à infrarouge.

Ils devront ensuite observer la croissance et le déplacement du blob sur des intervalles de temps donnés, en prenant des photos à certaines heures. L’objectif est de déterminer de quelle manière la température affecte le comportement du blob.

Comment seront exploités les résultats ?

A la fin de l’expérience, les participants nous enverront leurs photos, et pourront être volontaires pour participer avec nous à leur analyse.

Je ferai ensuite de mon côté l’analyse des données statistiques, puis un article sera publié pour communiquer les résultats.