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A compter de la rentrée 2021, pour obtenir leur diplôme, tous les étudiants inscrits en licence, BUT et licence professionnelle devront passer une certification en langue anglaise « faisant l’objet d’une évaluation externe et étant reconnue au niveau international et par le monde socio-économique » (arrêté du 3 avril 2020).

Cette certification doit attester du niveau des candidats en anglais que ce soit dans l’objectif d’une poursuite d’études ou pour  intégrer le monde professionnel. Cette mesure se met progressivement en place depuis la rentrée universitaire 2020.

Une atteinte au plurilinguisme

Mais depuis le début, ce projet, porté par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), fait débat, notamment quant au choix d’imposer l’anglais. Le sénateur de la Moselle, François Grosdidier, écrivait ainsi à la Ministre le 30 décembre 2019 qu’ « à l’heure où le Royaume-Uni quitte une Union européenne qui reste plurilingue, l’exigence unilatérale de l’anglais est décalée par rapport aux besoins ». Et de prendre en exemple le cas des départements frontaliers de l’Allemagne, comme la Moselle, « un test en langue allemande est bien plus nécessaire à l’obtention d’une licence et bien plus utile pour le futur professionnel des étudiants. De plus, les étudiants qui auront choisi l’allemand, ou toute autre langue que l’anglais dans le cadre de leurs cours, seront pénalisés par rapport aux autres pour l’obtention du test ».

Le 4 septembre 2020, ce sont 15 associations réunissant des étudiants, enseignants et chercheurs en langues qui déposaient un recours devant le Conseil d’État pour contester cette atteinte au plurilinguisme et l’appauvrissement des profils des étudiants. Selon ces associations,  la seule passation de cette certification en langue anglaise pour obtenir le diplôme amènera les étudiants à choisir l’enseignement de l’anglais au détriment des autres langues.

Une certification inutile ?

Par ailleurs, certains s’interrogent sur l’utilité de cette certification. A l’instar de Carole Couégnas, professeure d’anglais (PRCE) à l’IUT d’Angoulême et membre du SNESup, qui estime que cela ne correspond pas aux besoins de tous les étudiants. « Certains n’étudient plus l’anglais mais une autre langue depuis leur entrée dans les études supérieures. Et on peut aussi questionner la pertinence d’une certification obligatoire en anglais pour des étudiants en filière LLCE espagnol, par exemple (Langues Littératures et Civilisations Étrangères) ».

La professeure rappelle que les centres de langues permettaient déjà aux étudiants de passer la certification de leur choix si cela leur était nécessaire pour leur projet professionnel ou leur poursuite d’études. Elle s’interroge également sur le fait que seule la passation de cette certification conditionne la délivrance du diplôme et non pas la validation d’un niveau. « Cela donne l’impression étrange qu’in fine le but visé n’est pas celui de l’élévation du niveau de maîtrise de la langue anglaise ».
Par ailleurs, le fait que cette certification fasse l’objet d’une évaluation externe est également mal perçu par la professeure pour qui les enseignants de langues sont les mieux placés pour concevoir des évaluations pertinentes et en adéquation avec les besoins des apprenants.

Un choix délégué aux universités

Un autre point a particulièrement fait grincer des dents la communauté universitaire : celui du choix de PeopleCert pour faire passer cette certification. Fin 2020, cette entreprise privée étrangère a remporté l’appel d’offre lancé par le ministère et signé un contrat de 4 ans pour fournir 636 000 examens de certification en anglais aux étudiants français de premier cycle universitaire. Une décision critiquée puisqu’il existe des dispositifs publics et gratuits d’attestation et de certification des compétences langagières comme le CLES (Certificat en Langues de l’Enseignement Supérieur). Cette certification s’appuie sur un conseil scientifique de dix experts nationaux et internationaux en matière de certification et se base sur les critères du CECRL (cadre européen commun de référence pour les langues).

Mais nouveau rebondissement le 10 mai 2021 puisque la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a annoncé que le contrat avec PeopleCert ne serait pas renouvelé et la session 2021 serait la seule à être organisée nationalement par le Ministère. Raison invoquée ? Le contexte particulier de crise sanitaire  qui a rendu difficile l’organisation des sessions de passation de tests et a incité à prendre de nouvelles mesures. Pour la prochaine rentrée universitaire 2021-2022, ce sont donc les universités et IUT qui devront procéder à la mise en œuvre et à la passation de cette certification qui reste obligatoire.