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Rencontre avec Isabelle Pianet, présidente de Femmes & Sciences, et avec Evelyne Nakache, membre de l’association plusieurs fois vice-présidente.

Pouvez-vous vous présenter ?

– Je suis Isabelle Pianet, ingénieure de recherche au CNRS. Je travaille également au laboratoire Archéosciences Bordeaux. Après un doctorat en biochimie, j’ ai été recrutée au CNRS en tant qu’ingénieure de recherche pour diriger un laboratoire d’analyse chimique. J’ai rejoint Archéosciences Bordeaux en 2017 pour mettre à profit mon savoir-faire, pour analyser des objets du patrimoine.

J’ai rejoint Femmes & Sciences en 2013. Depuis 2021, je suis présidente de l’association. C’est une belle aventure ! J’ai décidé de m’engager car des choses qui me paraissaient normales au cours de ma carrière me paraissaient de moins en moins normales : par exemple, quand je discutais avec des collègues hommes au laboratoire, je me rendais compte que leur prise de poste était souvent facilitée. Les postes à responsabilité étant majoritairement occupés par des hommes, il y a une sorte de parrainage qui se met en place envers les jeunes hommes qui débutent leur carrière. Les jeunes femmes scientifiques, elles, sont souvent moins bien accompagnées.

– Je suis Evelyne Nakache, aujourd’hui retraitée. Je suis ingénieure chimiste de formation. J’ai intégré l’association dès la retraite, en 2003, pour éviter aux jeunes femmes d’avoir à faire face aux mêmes problèmes que moi.

Au début de ma carrière, dans le privé, j’ai été confrontée au harcèlement de la part de collègues hommes qui mettaient en doute mes compétences parce que j’étais une femme. Après ma thèse, je suis devenue maîtresse de conférence. Plus tard, j’ai voulu devenir professeure (j’ai attendu que mes enfants soient indépendants : une femme n’était pas vraiment libre avant 50 ans !) mais je me suis heurtée à un certain élitisme, et me suis sentie écartée en tant que femme. J’ai donc décidé d’aller me présenter en région, où j’ai été bien accueillie. J’ai été nommée professeure et ai monté un laboratoire que j’ai dirigé. J’ai alors eu des financements d’institutions comme le CNRS, mais aussi des contrats avec le privé, ce qui a permis à mon équipe de mener une recherche a la fois fondamentale et appliquée.

Quel est le but de l’association Femmes & Sciences ?

Femmes & Sciences a été créée en 2000 sous l’impulsion de six femmes scientifiques – dont la physicienne Claudine Hermann – suite au résultat d’une enquête européenne réalisée en 1991 : la France était placée en avant-dernière position en termes de représentation des femmes dans les études scientifiques.

Les objectifs de l’association sont de promouvoir les métiers scientifiques et techniques chez les jeunes, en particulier les filles, de renforcer la position des femmes exerçant des fonctions scientifiques dans les établissements publics ou privés, et de créer un réseau d’entraide entre les membres.

Quelles sont vos différentes actions ?

Nous avons d’abord un colloque annuel, un moment crucial dans la vie de l’association, qui bénéficie d’une bonne image auprès d’institutions comme les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, le CNRS, et de nombreuses entreprises (L’Oréal, Engie…) Le colloque a lieu une fois sur deux à Paris. Le prochain se tiendra à Rennes en novembre 2022, sur le thème des femmes et du numérique. Dans le cadre du colloque, nous proposons une formation pour les enseignants.

En parallèle, nous intervenons directement auprès des jeunes, les collèges et les lycées. Nous les sensibilisons sur les différents métiers et spécialités des sciences, sur les stéréotypes qui empêchent les filles de se diriger vers des carrières scientifiques… Nous rencontrons environ 12 000 élèves par an pour 400 adhérent.e.s.

Nous sommes également présent.e.s lors des forums des métiers ou dans des évènements extra-scolaires, comme la Fête de la science ou comme le Village de la chimie, les 11 et 12 février prochain.

Nous intervenons aussi auprès des étudiants : avec eux, nous travaillons davantage sur leur manière de voir l’égalité femme/homme et les stéréotypes dans les sciences.

L’association a également mis en place un système de mentorat pour les doctorantes. Le but est de pallier la « old boy school », cette forme de solidarité qui existe entre hommes scientifiques de différentes générations. Ce dispositif se met en place dans plusieurs universités (l’Université de Paris, de Paris-Saclay, l’Université Montpellier, l’Université de Toulouse…) et est reconnu par les écoles doctorales. Les mentors sont une grande majorité de femmes. Environ 400 doctorantes bénéficient de ce dispositif aujourd’hui en France.

Femmes & Sciences est aussi membre de la Plateforme européenne des femmes scientifiques (EPWS).

Vous avez aussi une exposition, La science taille XX Elles. Pouvez-vous nous en parler ?

Cette exposition a été réalisée avec l’aide du CNRS : nous avons voulu mettre en lumière des femmes scientifiques d’aujourd’hui (enseignantes-chercheuses, ingénieures, techniciennes…) qui travaillent dans des disciplines et des structures différentes. L’exposition a commencé à Toulouse, sous forme de parcours, et a été déclinée dans plusieurs régions : elle s’est installée à Lyon, puis en Ile-de-France (les portraits ont été exposés notamment à la Villette, sur les grilles de l’Hôtel de ville…) En ce moment, l’exposition se situe à Mines Paris. Elle est aussi demandée à l’étranger, et sera bientôt installée à Tokyo.

Nous avons plusieurs formats, que nous pouvons prêter aux établissements scolaires sur demande, et les portraits sont disponibles en ligne sous format numérique. Au total, l’exposition compte 68 portraits.

Disposez-vous de ressources pédagogiques ?

Nous proposons sur notre site des ressources, principalement destinées aux enseignants. Il y a par exemple un jeu, que nous proposons en physique aux établissements lors de nos interventions et que nous sommes en train de développer en version numérique, une série de courts films sur le parcours de jeunes femmes scientifiques, le livre Au-delà des idées reçues, des vidéos pour mettre en place des « ateliers de stéréotypes » en classe, les résultats de l’enquête OMéGARS sur la perception des femmes par les hommes dans les métiers scientifiques…