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Avec la réforme de la formation initiale des professeurs, il y a du nouveau dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé). Depuis cette rentrée, seuls les étudiants en deuxième année de master (MEEF ou autre), ou ceux déjà titulaires d’un master, peuvent candidater au concours externe de recrutement des professeurs. Résultat cette année, en M2 MEEF, on retrouve des lauréats du concours (qui l’ont passé en M1) mais aussi des étudiants qui doivent le passer sous sa nouvelle formule.

Des profils hétérogènes

En cours, les profils sont donc variés comme en témoigne Emilie, étudiante en Master 2 MEEF dans l’académie de Nantes. « Dans ma classe, certains ont eu le Capes l’an dernier, d’autres l’ont raté. Nous avons aussi des personnes en reconversion professionnelle… Pour les professeurs de l’Inspé, c’est assez compliqué car ils doivent s’adapter à la réforme et ne pas mettre de côté les étudiants qui n’ont pas eu le concours », confie la jeune femme. Alain Frugière, président du réseau des Inspé et directeur de l’Inspé de l’académie de Paris, confirme que certains Inspé n’ont pas réussi à séparer les lauréats du concours de ceux qui l’ont raté, faute de ressources humaines suffisantes. « C’est une année transitoire. L’année prochaine, l’objectif c’est de séparer au maximum ces deux catégories d’étudiants. Certes il peut y avoir quelques mutualisations intéressantes mais il est évident que ces étudiants n’ont pas les mêmes attentes et le cours ne peut pas être le même », reconnaît Alain Frugière.
Emilie a obtenu son Capes l’an dernier mais elle a ressenti une pression supplémentaire à l’idée d’échouer à son concours. Elle aurait en effet dû se préparer à sa nouvelle formule, être moins bien rémunérée et attendre une année supplémentaire pour être titularisée.

Une rentrée compliquée pour certains

Charline*, étudiante en M2 MEEF et en SES, n’a malheureusement pas rencontré le même succès. Elle a raté de peu l’écrit en 2020 et l’oral en 2021. Cette année, elle doit donc passer la nouvelle mouture du concours. « Toute la maquette a changé, ça me fait peur. En plus de ma préparation au Capes, je dois suivre mes cours de SES, ceux à l’Inspé, et donner des cours en alternance devant les lycéens… Et encore, j’ai la chance que ce soit dans la même ville. L’une de mes camarades a eu des difficultés à avoir un tuteur en SES et doit faire deux heures de route pour aller dans l’établissement », explique-t-elle. Charline avait signé un contrat d’aménagement d’études pour passer son concours sur deux ans. Avec la réforme, les choses ont changé et elle s’est sentie délaissée. « On a l’impression qu’on a oublié les étudiants dans ce cas de figure. Personne n’a pu nous dire si nous devions repasser les Unités d’Enseignements (UE) que nous avions déjà validées. En début d’année, j’étais perdue et en colère. Ça manquait d’organisation », regrette Charline. Une UE est normalement validée à vie. Mais avec le changement de maquette du concours, les étudiants doivent demander leur validation. Une commission statue alors pour savoir si l’UE est semblable à celle de l’an dernier et peut être validée ou doit être repassée. Cela peut prendre un peu de temps. « Les collègues sont surchargés de travail et ne peuvent pas se réunir pour en débattre tous les jours. Il faut attendre d’avoir un nombre conséquent de demandes pour organiser une commission », explique Alain Frugière. Selon le président du réseau des Inspé, si la rentrée s’est déroulée sans problème majeur  pour les lauréats de la session 2021 du Capes, c’est pour ceux qui l’ont raté que cette année est en effet plus compliquée. « On essaye de tout faire pour que ça se passe au mieux. Notre objectif c’est de bien former les étudiants et qu’ils réussissent le concours », assure-t-il.

L’alternance en question

Pendant cette année de transition, les directeurs d’Inspé s’attacheront à vérifier que les nouveaux concours correspondent bien à une professionnalisation de la formation et qu’ils sont en adéquation avec la formation. La question des stages sera également scrutée. En master 2, les étudiants avaient le choix entre un stage de 12 semaines soit en observation et pratique accompagnée (SOPA) soit sous contrat alternant, rémunéré 865€ bruts (cumulables avec la bourse). D’après Alain Frugière, le ministère pensait que les étudiants opteraient majoritairement pour l’alternance mais au vu des premiers chiffres ils seraient plutôt 40% à avoir fait ce choix. Une enquête va donc être menée pour en connaître les causes. Plusieurs hypothèses émergent : incapacité de certaines académies à proposer des alternances dans certaines disciplines ; souhait des étudiants de se consacrer davantage à la préparation du concours ; lieu d’enseignement parfois éloigné du lieu de formation… « Ça entraîne une perte de temps, une fatigue et comme ce ne sont pas des fonctionnaires mais des contractuels le ministère ne rembourse pas les frais de déplacement donc la rémunération peut être en partie grevée », suppose Alain Frugière. Les étudiants en M2 MEEF qui n’ont pas eu leur concours l’an dernier ont désormais seulement le statut d’étudiant et ne cumulent plus avec celui de fonctionnaire stagiaire et leur rémunération est plus faible.

Les chiffres devraient bientôt être connus et analysés pour améliorer la situation à la rentrée prochaine. « Il faut qu’on agisse avec le ministère pour proposer plus de stages et créer des conditions pour que les étudiants les acceptent», plaide pour sa part le président du réseau des Inspé. En attendant, les étudiants de M2 s’attendent à une année difficile.

 *le prénom a été changé