Getty

Emmener ses élèves en pleine nature pour faire cours : à l’heure des innovations pédagogiques et de la distanciation sociale, l’idée séduit de plus en plus d’enseignants. Populaire dans d’autres pays européens comme le Danemark, l’école en plein air peine parfois à convaincre en France.

Le dernier webinaire T’éduc proposé par Universcience s’est intéressé à ce sujet ; plusieurs intervenants y étaient invités à partager leur expérience.

Quels apprentissages travailler en extérieur ?

La pratique de l’école en plein air ne date pas d’hier. Au début du XXᵉ siècle déjà, les « classes-promenades » avaient pour particularité de se tenir dehors, dans le cadre de l’enseignement des sciences. Muriel Guedj, professeure des universités en Épistémologie, Histoire des science et Éducation, explique que l’école de l’époque avait davantage pour ambition d’enseigner des savoir-faire de la vie quotidienne, en témoigne la fameuse « leçon de choses. » Les enseignants emmenaient alors volontiers leurs élèves dehors pour favoriser une éducation pratique.

Pour les sciences, la classe dehors peut être l’occasion de faire des dessins d’observation, de comprendre le vivant, tout en recontextualisant l’enseignement de la discipline dans une réalité proche des élèves. Le fait d’observer le fonctionnement de différentes espèces, note Marco Barocca-Paccard, enseignant-chercheur, peut aussi permettre de réduire les appréhensions des enfants envers les insectes notamment.

Au-delà des sciences ou de l’EPS, toutes les disciplines peuvent se prêter à l’école dehors, comme l’expliquait la professeure et psychologue Sarah Wauquiez dans une interview accordée à Vousnousils. La co-autrice du livre « L’école à ciel ouvert » donnait alors quelques pistes d’activités : en mathématiques, travailler les grandeurs et les mesures (distance, vitesse…) ; en français, demander aux enfants de chercher autour d’eux des choses dont le nom commence par une certaine lettre de l’alphabet…

De nombreux bienfaits

En plus de ces apprentissages, l’école offre un autre cadre aux élèves comme aux enseignants, et peut leur permettre de changer leur posture.

« A l’extérieur, plus de problème de place, de bruit, de matériel » témoigne Alexandre Ribeaud, qui emmène régulièrement ses élèves de maternelle au parc de la Villette à Paris. L’enseignant parisien a choisi d’y travailler le langage grâce au jeu libre. Il insiste sur l’importance d’instaurer une régularité dans la pratique : faire classe au même endroit, et selon un rituel : lui chante une chanson avec ses élèves à leur arrivée sur place.

Lors de ces moments au grand air, il observe que sa classe et lui-même sont plus détendus et plus concentrés. La pratique a en effet fait ses preuves quant au développement des compétences psychosociales : le fait de partager ce moment privilégié a souvent pour effet de renforcer le sentiment d’appartenance et donc la cohésion du groupe. Partage, entraide, diminution des conflits, meilleure concentration sont également observés lors des expériences d’école en plein air.

Le fait de créer un lien fort avec la nature (quelle que soit la discipline enseignée) est bénéfique pour la santé physique et mentale des élèves ; l’aspect affectif peut aussi donner envie aux plus jeunes de mieux respecter et défendre l’environnement.

Faire classe dehors : mode d’emploi

Aux enseignants qui voudraient se lancer mais auraient des craintes quant au contenu de la séance, Alexandre Ribeaud assure que « les idées viennent vite une fois sur place ; on peut rebondir sur les imprévus, sur ce qui nous entoure. » Il conseille également de communiquer avec les parents sur le sujet, car la pratique peut parfois être sujette aux critiques.

Face aux freins potentiels, comme les nombreuses normes qui régissent les sorties scolaire (pour des raisons de sécurité), le fait d’avoir une pratique régulière et ritualisée peut rapidement simplifier le processus. On peut aussi mettre en place le projet par étapes en commencant par une séance dans la cour de l’école, par exemple.