Philippe Steger

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis professeur agrégé d’économie, à la retraite depuis 2 ans.

Je suis aussi développeur informatique, passionné par les téléphones portables. Je me suis beaucoup investi pour que ce mini-ordinateur que représente le téléphone devienne un auxiliaire d’éducation.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’utiliser le téléphone portable pour enseigner ?

J’ai toujours vu le téléphone portable comme une plate-forme que presque tout le monde possède, permettant de consulter les mêmes contenus qu’un ordinateur ou qu’une tablette (auxquels tout le monde n’a pas accès).

J’ai commencé à mettre en ligne vers 2007 des cours d’économie accessibles depuis le téléphone portable. Déjà à l’époque, avec mes classes de BTS, nous faisions des recherches en classe sur cette plate-forme qui s’appelle Economie2000. Mon objectif était de proposer un site avec des ressources déjà triées et validées par l’enseignant. Pendant une dizaine d’années, j’ai ensuite développé, avec 2 collègues, une autre plate-forme, appelée Wapeduc (car à l’époque, la technologie Internet mobile s’appelait le Wap), et renommée aujourd’hui Classenpoche. Cette plate-forme permettait de consulter, en ligne depuis son téléphone portable, gratuitement et sans pub, les cours de nombreuses matières de l’école au lycée, ainsi que tous les cours d’économie pour les BTS. C’est une communauté de 47 enseignants qui nous envoyait des cours et nous permettait ainsi d’alimenter le site. Et cette application était prévue pour tourner sur tous les modèles de portables, en consommant peu de débit. Le projet était de mettre en ligne des ressources gratuites pour tous les pays de la francophonie. Nous voulions notamment qu’elle puisse être utilisée en Afrique, où les téléphones sont souvent plus anciens et les connexions plus faibles.

Aujourd’hui, l’application est toujours active. Nous renouvelons les cours dès qu’il y a un changement de programme scolaire.

Vous avez présenté au CLIC une conférence sur l’utilisation pédagogique du téléphone portable. Pouvez-vous en parler ?

Dans cet exposé, j’expliquais pourquoi je pense que le téléphone portable est un objet d’apprentissage, ou en tout cas, d’accès au savoir. J’ai aussi fait des propositions pour l’intégrer à la classe. Dans mes classes de première et deuxième année de BTS MUC, les élèves utilisaient par exemple leur téléphone pour des synthèses, de la recherche, trouver des chiffres et des statistiques en temps réel… nous avions ainsi des informations toujours à jour.

Le téléphone portable peut aussi être utile pour prendre des photos lors d’une sortie scolaire, accéder à des ressources de révisions comme Classenpoche ou Economie 2000, faire de la veille sur Twitter…

J’ai aussi expliqué que le téléphone est un outil extraordinaire pour permettre un meilleur accès à la connaissance en Afrique, où tout le monde ne possède pas un ordinateur ou une tablette, mais où la majorité des gens ont tout de même un portable. Ou même, dans les déserts numériques français, ou les élèves n’ont pas forcément accès à une bonne connexion ou à du matériel.

Puis les participants avaient la possibilité de poser des questions. Il y en a eu de nombreuses, très intéressantes. Nous avons par exemple parlé du côté addictif du téléphone portable, ou encore de la fracture numérique entre les élèves qui ont les derniers modèles d’iPhone et ceux qui ont les téléphones bas de gamme.

Comment utilisiez-vous le téléphone portable avec vos classes de BTS ?

Nous faisions notamment beaucoup de recherche d’informations sur Internet. Nous utilisions aussi l’enregistreur audio, car ce sont des élèves qui sont appelés à devenir commerciaux, qui devront passer une épreuve orale, et participer à 14 semaines de stage sur deux ans. Pour les préparer à tout cela, je les faisais s’enregistrer sur leur téléphone, sur la présentation d’un produit ou d’un service, ce qui me permettait de les entendre, de les corriger, et de les faire recommencer jusqu’à ce qu’ils soient encore meilleurs. Et les élèves s’échangeaient également des documents par Bluetooth ou infrarouge, lorsque l’un d’entre avait raté un cours par exemple. Nous utilisions également des applications pour faire des cartes mentales, afin de représenter un ensemble de problèmes liés entre eux.

J’utilisais aussi Twitter pour les entraîner à l’orthographe. Je leur demandais d’écrire un tweet, et je ne les laissais pas l’envoyer tant que l’orthographe n’était pas parfaite.

Comment les élèves réagissaient à cette méthode de travail ?

Ils étaient très heureux de travailler avec leur téléphone portable, mais il fallait bien cadrer les choses dès le début de l’année. Lorsque cette discipline était acquise, ce qui arrivait relativement rapidement, tout se passait très bien.

Si je trouvais un élève en train de regarder une vidéo du dernier match alors qu’il était censé faire une recherche sur Internet, il m’arrivait de confisquer le téléphone et de ne le rendre que le lendemain. Et encore, la sanction prévue par le lycée où j’enseignais était la confiscation du téléphone et le renvoi pendant trois jours !