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Cantines surchargées, couloirs très fréquentés… C’est pour réduire ces conditions inadaptées à la situation sanitaire (et vivement déplorées par les professionnels de l’Education et les élèves), que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, a autorisé les lycées à davantage de cours à distance. Il a toutefois garanti que 50% auraient lieu en présentiel pour chaque élève. Ainsi, chaque lycée a droit à « son organisation propre notamment pour limiter le brassage d’élèves » a-t-il expliqué dans une allocution diffusée sur la page du ministère le 5 novembre.
Depuis lundi 9, chaque établissement adapte donc ses conditions d’accueil en fonction de la situation locale. 

Le dédoublement des classes

Dans le lycée de Vincent, dans le Val de Marne, c’est le dédoublement systématique de toutes les classes ou groupes (excepté ceux avec un effectif réduit pour certaines options) qui a été choisi. Concrètement, le groupe « Alpha » vient au lycée les lundis, mercredis et vendredis en semaine A tandis que le groupe « Bêta » y est les mardis et jeudis. Et cela s’inverse en semaine B. Une organisation qui intervient tardivement au goût de ce professeur d’histoire-géographie et HGGSP (histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques). « Cette mise en place est malheureusement faite dans l’urgence, et arrachée à l’issue d’une semaine de mobilisation très forte des professeurs. Elle peut donc entraîner quelques dysfonctionnements. ll est regrettable qu’un tel protocole n’ait pas été anticipé, réfléchi et mis en place dès la rentée de septembre », regrette-t-il.

Un accompagnement variable selon les profs

L’accompagnement des lycéens à distance varie selon les professeurs. Certains collègues de Vincent souhaiteraient leur retransmettre leur cours « en direct » en filmant le tableau avec une webcam et à l’aide d’un micro. Mais son lycée ne dispose pas de webcam ni de micro portatif et la connexion internet est instable.. Et les élèves à distance ne sont pas forcément dans des conditions optimales pour suivre le cours. «  L’attention, l’interactivité, la vérification du travail ne peuvent pas être les mêmes en classe et à distance », souligne le professeur.
D’autres solutions sont proposées. Les enseignants peuvent par exemple envoyer le cours ou les exercices par le cahier de texte numérique, ou proposer des approfondissements grâce aux outils mis à leur disposition comme Lumni ou l’application Quizinière développée par Canopé.

Un lien maintenu


Cette solution des classes en semi-effectif est également en vigueur dans le lycée général et technologique de Meurthe et Moselle où enseigne Isabelle, professeur de français. Là aussi chaque enseignant choisit ce qu’il veut faire avec ses élèves à distance et dispose de divers outils numériques pour assurer la continuité pédagogique. Certains collègues d’Isabelle font cours en simultané avec la classe du Cned. Une possibilité que n’envisage pas la professeur de français : « le casque-micro fourni est filaire, je serai donc coincée à mon bureau. J’utilise mon tableau de manière assez anarchique et je ne sais pas si c’est faisable sur le logiciel open/board et je crains qu’un cours en vision sans caméra soit d’un ennui mortel pour les élèves », confie-t-elle. Isabelle utilise donc Moodle pour donner un travail guidé à réaliser en autonomie à la maison avec des interactions avec elle via les forums. Avec les cours en présentiel une semaine sur deux, elle apprécie le maintien du lien avec ses élèves. C’est aussi selon elle « excellent pour l’organisation et l’autonomie de ces grands ados qui devront apprendre à gérer seuls le travail à faire ».

Des établissements moins concernés ?


En Moselle, dans le lycée où exerce Olivier (le prénom a été changé), agrégé d’anglais, on est encore loin du 50% en distanciel. Ici, tour à tour, les classes doivent rester chez elles une à deux fois par semaine. « Le dispatch des jours off est suffisamment précis pour que ce ne soit pas le même jour qui soit hebdomadairement systématiquement concerné. Il y a donc au final peu d’heures qui « sautent » », explique le professeur. Pour les spécialités regroupant des élèves issus de différentes classes, il y a des élèves absents à certaines séances. Dans ce cas, un secrétaire nommé à chaque fois note le cours sur fichier Word et celui-ci est joint à Pronote en fin de séance.
Mais d’autres établissements n’ont pour l’instant fait aucun changement dans l’accueil de leurs élèves. « La réanimation dans mon département est à 120% de taux d’occupation… La seconde vague est sans rapport avec la première où il n’y avait eu que très peu de cas », constate pourtant cette enseignante de la Lozère.

Quid du programme ?

Ces aménagements peuvent conduire à des retards dans le programme scolaire. Vincent s’inquiète : « le maintien des épreuves de spécialité de terminale en mars pose un vrai problème : il était déjà difficilement envisageable de réussir à terminer le programme d’examen en spécialité pour le mois de février, cela devient inenvisageable désormais ». Le problème de l’équité entre les établissements se pose aussi selon lui car chacun opte ou non pour un protocole qui lui est propre. « Nous essayons de rassurer au mieux les élèves mais le ministère devra bien se résoudre à repousser ces épreuves au mois de juin s’il veut conserver une forme d’équité », clame le professeur d’histoire géographie et HGGSP. Isabelle, elle, prévoit déjà d’étudier un peu moins de textes avec les Secondes tout en bouclant malgré tout le programme. Pour le programme des Premières, elle sait déjà que cela sera plus compliqué… « Mais je pense qu’actuellement, ce n’est pas le souci principal. Il sera temps de voir d’ici fin mai d’autant que je doute que nous puissions reprendre normalement avant le printemps », conclut la professeur de français.