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Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à l’école en plein air ?

Il y a 22 ans, alors que je suivais des études de psycho, on s’est lancé avec un ami, sans expérience préalable, sur des jeux en nature avec un groupe d’enfants de 3-5 ans. En Suisse, à l’époque, l’école débutait à partir de 6 ans. J’ai pu constater tous les bienfaits que cela leur apportait. J’étais enseignante avant d’être psychologue et j’enseignais de manière classique. Puis, je me suis lancée dans l’enseignement dehors et je suis devenue formatrice d’adultes. J’ai remarqué qu’il y avait un intérêt grandissant chez les professeurs pour faire autre chose que des sciences de la vie et de la terre (SVT) et du sport en extérieur mais qu’il n’y avait pas d’ouvrage dessus. J’ai eu envie d’en écrire un. Avec Nathalie Barras, pédagogue par la nature, et Martina Henzi, enseignante en primaire, et le soutien de la fondation Silviva, nous avons écrit « L’école à ciel ouvert » en version allemande et en version francophone éditée chez Salamandre. 

Cet ouvrage répond aux programmes scolaires français et suisse…

Tout à fait. Les programmes sont assez proches. Je suis partie des objectifs des programmes scolaires pour trouver quelles activités on pourrait faire pour les remplir. En parallèle de l’écriture du livre, on a cherché des enseignants (près de 170, ndlr) pour tester nos idées et les améliorer. On propose ainsi 200 activités classées par matières et construites autour de 45 thèmes. Ces pratiques en extérieur respectent le programme scolaire du cycle 2 et du cycle 3 pour la France et des cycles 1 et 2 pour la Suisse.

Dans certains pays, enseigner à l’extérieur est très fréquent. Qu’est-ce ce que ça apporte ?

En classe, il y a du bruit, on est serré. Or les enfants ont besoin de mouvement. Ces activités favorisent l’interdisciplinarité, la collaboration, la communication et la créativité. Ca fait du bien aux élèves comme au professeur. Celui-ci adopte une autre posture. La relation change et ces effets bénéfiques rejaillissent sur l’ambiance à l’intérieur de la classe. Le professeur est plus détendu, malgré les difficultés du début et les imprévus. Mais avec une pratique régulière et bien ritualisée, ça peut vite le décharger. La relation s’améliore aussi avec les parents car certains sont invités parfois à accompagner ces sorties en extérieur.

Quel conseil donneriez-vous à un enseignant qui souhaite débuter des activités en plein air ?

Mieux vaut commencer par un petit projet, dans la cour de l’école par exemple, surtout si l’on n’est pas soutenu par les collègues ou la direction. Puis, on peut instaurer une demi-journée par semaine dans un endroit plus loin que la cour. On peut en faire un projet pilote et évaluer cette phase expérimentale. Je conseille alors d’en informer les parents dès la réunion du début d’année, de les inviter à regarder et accompagner certaines de ces sorties. C’est bien également de se rapprocher de personnes qui font déjà ça dans d’autres écoles car ça peut être fatigant à instaurer au début si l’on est seul à porter le projet. En Franche-Comté où j’habite, on essaye de mettre en place un partenariat avec un animateur nature en tandem avec un enseignant pour le coacher les premiers temps et l’autonomiser.

Pouvez-vous nous donner un exemple d’activité pour le français ?


Oui. On peut faire chercher aux enfants s’ils voient des choses qui ressemblent à la lettre A, par exemple, puis trouver des mots qui commencent par cette lettre. Ensuite, chacun écrit un texte avec le plus de « a » possible. C’est plus facile et inspirant dans ce cadre car les sens sont plus en éveil.

Et pour les mathématiques ?


On peut travailler les grandeurs et les mesures en extérieur, évaluer le volume d’un tronc d’arbre, la vitesse de différents éléments en les faisant descendre d’un toboggan par exemple. En maternelle, on peut demander aux enfants ce qui est le plus court, le plus long. Plus tard, les élèves mesurent des distances, les aires du terrain de foot, du bâtiment scolaire. Pour mesurer l’aire, ils peuvent construire une longue corde. Ils apprennent par la même occasion à faire des nœuds. Ils peuvent aussi se servir d’un instrument de mesure comme un mètre ruban ou chercher leur propre étalon de mesure dans la nature, avec un petit bâton par exemple.

Quelle activité peut-on faire pour questionner le monde ?

Les activités d’orientation sont une bonne idée. On peut demander aux enfants de se repérer dans un endroit ou de façonner sur le sol, avec des éléments naturels, le chemin parcouru pour aller de l’école jusqu’au lieu où l’on se trouve. On peut aussi leur demander comment était ce lieu autrefois et comment ils imaginent qu’il sera à l’avenir.
On peut également travailler la citoyenneté en leur faisant endosser des rôles. Chaque personnage défend un intérêt différent (en lien avec le lieu où l’on se trouve) et ils doivent trouver des compromis pour résoudre leur problème. On peut partir d’une situation concrète prise dans le journal pour que ce soit plus facile.

Comment apprendre les arts plastiques et la musique en plein air ?


On pense de manière évidente au Land art pour réaliser des compositions graphiques et esthétiques avec des feuilles, des pierres, des bouts de bois… On peut également demander aux élèves de reproduire une œuvre d’art connue avec des éléments naturels. Leurs camarades doivent ensuite la reconnaître.
Pour la musique, on écoute les différents sons autour de soi. Puis, on dessine le chant d’un oiseau en écrivant les notes hautes, basses, lentes, rapides et on reproduit cette mélodie.

Et pour l’éducation physique et sportive ?


C’est une discipline qui se prête très bien au plein air. Ce que je trouve génial, c’est surtout de la faire en forêt. On peut travailler toutes les compétences sportives, et ça ne coûte rien. On propose aux élèves d’inventer des postes sportifs : un groupe sur une activité de lancer, un autre sur le saut, un autre encore sur la force en collaboration… Et ensuite, chacun passe sur le parcours sportif conçu.

A voir pour en savoir plus :


Le film Eduquer et enseigner dehors