
Depuis quelques semaines, les professeurs ont délaissé leurs établissements scolaires pour profiter de vacances bien méritées. Les enseignants de langue partent-ils pour autant à l’étranger pour mettre en pratique leurs connaissances ? Ont-ils d’autres méthodes pour entretenir leur niveau ? Comment occupent-ils leur temps libre ?
Du temps avec les enfants
Pour certains, le départ est prévu en fonction des impératifs professionnels de leur conjoint. « Mon épouse n’étant pas fonctionnaire et travaillant pour une entreprise au sein de laquelle la période estivale est très intense, nous ne partons qu’une semaine (du côté de l’Aveyron cette année) sur l’ensemble de ces deux mois de vacances », confie Guillaume Roussel, professeur de lettres et d’espagnol dans un lycée professionnel de l’académie d’Aix-Marseille. Au programme : quelques visites culturelles adaptées à leurs jeunes enfants et beaucoup de lecture loisir sur l’Histoire, la nature, les impacts des écrans… Sans oublier la lecture en ligne d’El Pais, premier quotidien généraliste espagnol, pour entretenir son niveau et suivre l’actualité des pays hispanophones.
Ces vacances sont avant tout pour lui l’occasion de profiter de ses enfants en leur consacrant l’essentiel de son temps. « De mon point de vue, c’est LE grand privilège qu’offre le métier de professeur », glisse-t-il. Les activités simples sont les bienvenues pour décompresser : café en terrasse le matin avec un pain au chocolat, baignade, jeux, écoute d’histoires ou de podcasts… « En un mot les éloigner des écrans malgré de petites entorses quelques soirs pour regarder un dessin animé ou Fort Boyard », reconnaît-il. Quelques balades à vélo et des instants seul au bord d’un ruisseau lui permettent aussi de se reconnecter à la nature. « Ces moments sont pour moi l’occasion de « couper » et de me ressourcer car le métier de professeur est passionnant mais très prenant sur le plan moral », ajoute Guillaume Roussel.
A Palerme
Pour d’autres enseignants, ces congés sont l’occasion de multiplier les voyages, à l’instar de Magali Discours, professeur d’italien dans l’académie de Dijon. Elle part une première fois en Sicile en juillet avec une amie inspectrice de l’Éducation nationale en EPS et une autre fois, en Sicile aussi, en août en famille. Également autrice de romans, ces voyages lui permettent de nourrir ses deux fonctions. « Mon dernier roman « Revoir Palerme » (éditions Maison Pop, Ndlr) se déroule en Sicile et parle d’histoire, de patrimoine, d’art et de culture… Mon intimité avec Palerme a pris racine lors de voyages scolaires : la prof a servi l’autrice et tout ce que l’autrice a découvert de trésors pour écrire le roman revient désormais à la prof et enrichit mon enseignement. C’est un cercle vertueux. Pour moi, les vacances c’est le contraire de l’étymologie de ce mot : ce n’est pas « vacare »= être vide, c’est l’occasion de faire le plein ! », résume-t-elle.
Si elle ne prépare pas de cours pendant l’été, elle glane des idées de thèmes à traiter, d’activités à faire, de voyages ou de stages à proposer, étoffe son réseau… Pas de réelle déconnexion donc mais la possibilité de vivre autrement, sans contraintes horaires ni tâches impératives.
L’entretien de l’italien, elle l’assure sur place en vivant des situations réelles, en se frottant au patois local, aux accents… Elle lit et regarde des films en italien. Elle prend soin de sa santé : « je marche, je me baigne, je mange de bonnes choses, je parle avec mes proches, je décroche un peu (trop peu…) des réseaux sociaux. Il me semble qu’en septembre cette période aura fait de moi une prof encore plus riche et enthousiaste et je serai ravie de retrouver mes élèves et de découvrir mes nouvelles recrues. J’aurai tellement de choses nouvelles à partager avec eux ! », s’enthousiasme-t-elle.
« Les lieux chers à mon coeur »
Pour Guillaume Delaby, professeur d’anglais agrégé en CPGE dans l’Académie de Paris, l’été est propice aux vacances en famille. Il va chez les arrières-grands-mères de ses deux jeunes enfants, à Oléron et à Narbonne. « Ce sont deux lieux très chers à mon cœur, profondément liés à mon enfance. À Oléron, je retrouve la douceur d’une île encore sauvage par endroits, notamment dans le nord, où l’on peut encore se sentir vraiment coupé du monde. À Narbonne, c’est l’ancrage dans l’histoire, dans une ville bimillénaire, avec ses pierres, son vent et ses récits. Ces séjours me permettent de transmettre à mes enfants une part de mes propres souvenirs passés », explique-t-il. En août, la famille partira randonner dans les Pyrénées.
A son retour à Paris, l’enseignant prévoit de visiter les principaux musées de la capitale, moins bondés à cette période. Un choix personnel plus que professionnel qui lui permet de souffler après un année intense. L’an dernier, il a en effet été muté dans un grand lycée parisien ce qui a entraîné une importante charge de travail. « Mon métier en CPGE est extrêmement exigeant, tout comme mon engagement bénévole au sein de l’association HELPE (cofondée avec des collègues pour lutter contre le harcèlement moral au sein de l’Éducation nationale, Ndlr), donc l’été est avant tout un temps de reconstruction intérieure. Cette année, je m’accorde donc une vraie coupure. Je déconnecte, autant que possible », confie-t-il. La lecture est moins soutenue que pendant l’année, mais Guillaume Delaby en profite pour lire « Allons z’enfants », un roman sur la jeunesse et le refus d’obéissance, et pour parcourir quelques extraits d’Edgar Morin. Il reste fidèle à ses lectures de presse anglophone, qui lui permettent de garder un lien avec la langue et de suivre les grands débats intellectuels du monde anglo-saxon. La pratique de l’anglais passe aussi par ses enfants avec qui il joue, chante, regarde des dessins animés en version originale, lit des albums bilingues. « C’est à la fois un jeu, un moment de complicité, et une façon de maintenir un rapport vivant et joyeux à la langue », glisse-t-il. En parallèle, il développe pour son plaisir un quiz interactif en ligne, qui sera utilisé cette année par environ 1 000 élèves. « Cela reste du travail, bien sûr, mais un travail choisi, autonome, sans la pression du calendrier scolaire. Je crois profondément que les enseignants ont besoin de périodes de respiration réelle. C’est un métier où la frontière entre vie professionnelle et vie privée est très poreuse : on travaille le soir, le week-end, pendant les vacances… La déconnexion, même temporaire, est vitale pour garder l’envie d’enseigner », conclut-il. Une parenthèse bienvenue pour aborder la rentrée avec plus de sérénité.
Modération par la rédaction de VousNousIls. Conformément à la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. Pour exercer ce droit adressez-vous à CASDEN Banque Populaire – VousNousIls.fr 1 bis rue Jean Wiener – Champs-sur-Marne 77447 Marne-la-Vallée Cedex 2.