Pour Pascal Pansu, « il faut privilégier les feed-back centrés sur la tâche car ils n’affectent pas la personne dans sa globalité et évitent d’avoir une vision stigmatisante. » Image : Getty

Vous avez récemment animé à l’INSPE de Niort une conférence sur le jugement et le feed-back fait aux élèves. Qu’est-ce qu’un feed-back ?

Il existe divers types de feed-back. En amont de l’apprentissage d’une nouvelle notion, par exemple, il y a l’évaluation des prérequis. Celle-ci est souvent considérée comme traitée en amont de l’arrivée de l’élève dans la classe. L’élève étant dans la classe, il est supposé avoir les pré-requis nécessaire pour suivre. Pourtant, il est utile de vérifier régulièrement l’état de ses connaissances et de l’informer explicitement de ce qui est ou non acquis (feed-back d’évaluation).
Il existe également des feed-back de guidage qui permettent d’indiquer si la tâche est correctement comprise ou non. Ces feed-back sont axés sur le processus, c’est-à-dire qu’ils permettent de guider l’élève dans la réalisation de la tâche. L’enseignant peut alors demander : « as-tu pensé à utiliser tous les éléments ? », « N’y a-t-il pas une stratégie plus rapide pour effectuer cette tâche ? ». Le feed-back de guidage explicite permet de réduire la distance entre la compréhension de l’élève et les attentes de l’enseignant, de maîtriser la tâche et par conséquent de réduire les inégalités d’accès aux apprentissages en classe.

Quand l’élève commence à maîtriser une notion, le feed-back d’auto-régulation peut prendre le relai afin d’ancrer des stratégies efficaces dans l’esprit de l’élève. Celui-ci fait plutôt intervenir l’engagement ou la motivation, contrôle la confiance de l’élève et renforce son auto-efficacité. Le mot feed-back est polysémique. Il n’a pas toujours la même définition, ni la même fonction et varie selon le contexte.

Quel est l’objectif du feed-back ?

Son objectif dépend du contexte et du type de feed-back employé dans ce contexte. L’objectif du feed-back enseignant peut être tour à tour de s’assurer que l’élève a les prérequis pour effectuer la tâche, qu’il a compris les attentes de l’exercice. Il peut également servir à confirmer la réponse de l’élève lorsqu’elle est adéquate, à ajuster sa compréhension quand sa réponse est confuse, à compléter ses connaissances si sa réponse est incorrecte…
Les feed-back et les jugements des enseignants sont consubstantiels à l’activité d’enseignement et constituent une grande partie des interactions avec les élèves. Tout apprentissage nécessite des retours, mais tous les feed-back ne se valent pas, notamment en terme de gain pour les apprentissages. Certains sont efficaces et d’autres peuvent être toxiques.

En quoi un feed-back peut-il être toxique ?

Le feed-back peut prendre la forme d’une remarque moqueuse dite par l’enseignant sur le ton de l’humour, remarque qui peut être perçue différemment par l’élève et l’affecter. Ce peut également être une félicitation que l’élève trouve imméritée. En somme, le feed-back peut trouver un écho différent dans la « tête » des élèves de celui que l’on voudrait. Il prend place dans un système de représentation de soi qui lui préexiste et sa lecture peut en être plus ou moins réaliste ou plus ou moins déformée. 

Une autre catégorie renvoie aux feed-back dits attributionnels, centrés sur la personne.

Les enseignants y recourent souvent et portent des jugements sur la personne de l’élève, que ce soit de manière positive ou négative : « c’est bien ce que tu as fait, tu es doué », ou au contraire « tu n’as pas assez travaillé »… Mais est-on vraiment au courant des efforts fournis ? Des prérequis dont disposait l’élève ? Tout dans notre système nous amène à émettre des jugements sur la personne et les enseignants ne font pas exception à la règle.

Quelles peuvent être les répercussions des feed-back attributionnels sur l’élève ?

Ces jugements centrés sur la personne amènent à définir l’élève à partir de traits de personnalité plutôt stables. Cela a sans doute une fonction. L’enseignant se dit que si l’élève agit de telle manière dans telle situation, alors il agira sûrement de la même façon dans une autre situation. Mais agir de la sorte revient à le marquer socialement dans son groupe classe et l’enfermer dans une « case ». Ces feed-back que l’on retrouve notamment sur les bulletins scolaires ne sont pas vraiment propices aux progrès. Ils peuvent participer à ancrer davantage les croyances des élèves par rapport à leurs aptitudes scolaires : bon élève vs mauvais élève. Ces jugements peuvent aussi interférer avec les processus cognitifs qui sont à l’œuvre dans la réalisation de la tâche et peuvent constituer une gêne attentionnelle. Si un élève est en difficulté dans une tâche, cela peut le ramener à une situation déjà connue qui ne lui était pas favorable.

Si au contraire le feed-back est positif, il peut booster l’image de l’élève. Mais si celui-ci n’y croit pas, il n’aura pas l’effet escompté. Ne nous méprenons donc pas ! Ce n’est pas en gonflant l’estime d’eux-mêmes des élèves que l’on va tous les transformer en chevaux de course !

Que faudrait-il faire ?

Ce qui est important, c’est que tous les élèves trouvent une image a minima acceptable d’eux-mêmes dans le contexte classe. Pour y parvenir, il faut privilégier les feed-back centrés sur la tâche car ils n’affectent pas la personne dans sa globalité et évitent d’avoir une vision stigmatisante. Ces feed-back centrés sur la tâche sont par ailleurs moins coûteux sur le plan cognitif car on reste focalisé sur une seule chose (l’apprentissage et non la personne) et ils sont plus utiles pour guider l’élève dans son travail. Les feed-back élaborés permettent à l’élève de comprendre quelle démarche il a utilisé, pourquoi… Ils sont non seulement utiles à l’élève, mais aussi au reste de la classe qui saisit ces messages de guidage. En somme, retenons que plus le feed-back porte sur des connaissances précises, clairement identifiées et objectivables, plus l’enseignant est à même d’aider les élèves.