Crédits photo : Sciences à l’école

Relever des empreintes digitales sur une scène de crime fictive avec sa classe à la manière des Experts, c’est possible ! C’est ce que propose depuis 2015, l’opération « EXPERTS à l’École » menée conjointement par le dispositif ministériel « Sciences à l’École » et la gendarmerie nationale. Trente-cinq établissements (collèges et lycées) ont la chance de se voir prêter une mallette de matériel scientifique de pointe identique à celui utilisé par la gendarmerie scientifique.
Chaque kit pédagogique, d’une valeur de 6000€, contient des sources lumineuses monochromatiques, un kit balistique pour étudier les trajectoires de balles, du matériel pour réaliser des expériences en palynologie et entomologie, des étuis et balles usagées, des microscopes numériques sous infrarouge, ultraviolet et lumière blanche, des assortiments de poudres et pinceaux pour la révélation d’empreintes digitales…
« Ce kit est un trésor inestimable pour les établissements. Aucun ne peut faire un tel investissement pour un seul projet », reconnaît Régis Drexler, professeur de la cellule ressources de « Sciences à l’École ». Ce prêt permet d’imaginer des scénarios variés, de lancer sa classe dans diverses expériences et d’intéresser les élèves par un biais différent. « Il existe plein de supports numériques pédagogiques… Mais avec ce matériel attractif et ces petits scénarios d’apparence ludique, les jeunes font aussi des sciences sans s’en rendre compte », assure le colonel Grégory Briche, chef de la division criminalistique physique et chimie de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) et membre du comité scientifique de l’opération « EXPERTS à l’École ».
« Sciences à l’École » prête ainsi trente mallettes à des collèges et lycées sélectionnés. Depuis deux ans, l’IRCGN déploie aussi, sur ses fonds propres, cinq mallettes similaires en Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces kits assemblés par le colonel Briche sont à la disposition des gendarmes de ces régions. « Charge à eux de trouver des établissements pour faire vivre ces mallettes. On a eu de très belles réalisations notamment à Chécy près d’Orléans, à Thiers dans le Puy-de-Dôme et à Saint-Pierre-et-Miquelon », se souvient le colonel.

Crédits photo : Sciences à l’école

Une formation de qualité

Depuis le lancement de l’opération, 150 établissements scolaires ont répondu aux appels à candidatures pour recevoir ces kits. Pour postuler, chaque enseignant doit expliquer le projet qu’il souhaite mettre en place, le type d’activité envisagée, les éventuels partenariats locaux… Tous les professeurs dont le projet est retenu se retrouvent pour un stage de trois à quatre jours sur le site de l’IRCGN à Pontoise. Visite des labos, échange avec les gendarmes et prise en main du matériel sont au programme. « La venue des enseignants sur le site de l’IRCGN est déterminante car ils ont besoin d’acquérir cette culture générale criminalistique, d’avoir le regard pointu des vrais experts. Les échanges avec les gendarmes apportent beaucoup », explique Régis Drexler. Depuis le début de l’opération, il y a eu trois sessions de stage, la dernière était en octobre 2021. « Ces formations restent rares car elles mobilisent des experts qui ont des missions principales à mener. La dernière formation par exemple a nécessité la présence d’une vingtaine de gendarmes. Par ailleurs, le Covid a aussi impacté le processus », ajoute le colonel Briche.
Après la formation, les enseignants intègrent le réseau « EXPERTS à l’École » et peuvent ainsi échanger entre eux leurs idées et pratiques, s’inspirer des fiches pédagogiques et autres ressources à leur disposition.

Crédits photo : Sciences à l’école

Développer le goût des sciences et faire naître des vocations

Les métiers de la gendarmerie scientifique bénéficient de l’attractivité des séries vues à la télé comme les Experts à Miami, comme en atteste le colonel Grégory Briche : « A l’IRCGN, on reçoit un nombre de candidatures impressionnant pour des stages. On nous demande souvent aussi quelles études entreprendre pour travailler chez nous. C’est dès le collège et le lycée que se forme l’avenir professionnel. Le fait d’avoir ce matériel permet aux jeunes de toucher un peu à ces métiers. Ça suscite parfois des vocations », constate-t-il. Pour la gendarmerie, c’est une manière de montrer ses métiers, ses missions, de renseigner les élèves sur leur avenir. Cette opération permet aussi d’attirer un public plus large vers les sciences, de les intéresser avec des projets pédagogiques originaux. « On a constaté ces derniers temps un retrait des filles dans les matières scientifiques. C’est aussi un vecteur pour les réorienter vers les sciences. A l’IRCGN, la moitié des experts sont des expertes », souligne le colonel.

Crédits photo : Sciences à l’école

Les gendarmes pleinement impliqués

Outre le prêt du matériel, il arrive que les gendarmes en région se déplacent aussi dans certains établissements pour des découvertes de scènes de crimes fictives afin de crédibiliser les scénarios. En Île-de-France, pendant le Covid, l’IRCGN a réalisé des visioconférences avec des établissements scolaires. Depuis que les mesures sanitaires se sont assouplies, ces gendarmes se déplacent eux aussi parfois, en fonction de leurs disponibilités, pour faire des démonstrations. « Avoir des gendarmes qui se déplacent dans les établissements pour travailler main dans la main avec des enseignants ça reste quelque chose d’exceptionnel. Et aux yeux des élèves aussi. Ça les sensibilise au respect des principes et valeurs de la République, au sens de la mission des gendarmes. Il y a une dimension d’exemplarité », ajoute Régis Drexler.

Une opération victime de son succès

Ces prêts de mallettes sont destinés aux enseignants et élèves des collèges et lycées issus de voies générales, technologiques et professionnelles et aux classes prépa (BCPST, TB). Elles sont utilisées par les établissements souvent pendant toute l’année et à leur disposition pendant deux à trois ans avant d’aller dans une autre région. Depuis 2015, ce sont 35 établissements et 15 000 jeunes qui ont pu bénéficier de cette opération. Le bémol ? Difficile d’obtenir plus de mallettes en raison du coût de l’opération. Pourtant la demande est là. « Nous n’avons pas encore fait de nouvel appel à candidatures, mais depuis six mois, j’ai déjà reçu une vingtaine de candidatures spontanées de toute la France », constate Régis Drexler. Actuellement, près d’une quarantaine de demandes sont en attente. « Chaque année, on fait un questionnaire bilan aux établissements et on voit quels sont ceux qui souhaitent arrêter le projet suite à un départ à la retraite, une mutation… On récupère les mallettes, on fait un inventaire, on remet des consommables et on lance un appel à candidature », explique Régis Drexler. Un nouvel appel devrait bientôt pouvoir être lancé mais il sera de moindre envergure que les précédents, faute de kits suffisants.

L’opération « EXPERTS à l’École » est également saluée en hauts lieux. Le 13 avril 2023, l’IRCGN s’est vu remettre l’accessit du prix de l’éducation à la Défense au Sénat et le 24 mai, il a reçu le Prix Armées-Jeunesse 2023. « L’opération a été primée en 2017 pour saluer sa création. Cette année, ce sont toutes les initiatives prises depuis la crise du Covid qui ont été primées. En réalité, cette récompense est pour tous les gens qui œuvrent à cette opération : les chefs qui nous donnent l’opportunité de faire ça, les enseignants et les gendarmes qui s’impliquent, Sciences à l’École… », déclare le colonel Grégory Briche. De ces volontés communes naissent des projets ambitieux pour développer la découverte des sciences à l’École.