Les enseignants font face à une crise du sens et de l’attractivité. Getty

Le 23 janvier dernier étaient présentés lors d’une conférence de presse les résultats de l’étude « Hôpital et École : des personnels en quête de sens et de reconnaissance » menée par le Centre Henri Aigueperse – UNSA Éducation avec le soutien de la CASDEN Banque populaire. La recherche a été pensée pendant la crise sanitaire, qui révélait alors les difficultés des deux services publics essentiels que sont la santé et l’éducation. Elle met en lumière une dégradation des conditions de travail dans ces secteurs, notamment concernant le métier d’enseignant.

Un problème d’attractivité

Toutes les études convergent dans ce sens : les conditions d’exercice et le ressenti du bien-être au travail se sont considérablement dégradés ces dernières années dans l’enseignement. La question des moyens et salaires est prépondérante. L’étude pointe un investissement insuffisant dans la rémunération, l’outillage et les carrières des personnels ( dont les personnels de l’enseignement, mais aussi de l’administration ou de la santé dans l’Education Nationale), conduisant à une crise de l’attractivité et du recrutement.

Alors qu’Emmanuel Macron a promis une revalorisation générale et sans conditions des salaires enseignants, il apparaît qu’une partie de cette revalorisation sera conditionnée au point d’indice ou à de « nouvelles missions » effectuées par les enseignants. Des missions qui s’accumulent en réalité depuis longtemps dans les agendas des personnels.

Un métier de plus en plus complexe

A ce sujet, Frédéric Marchand – secrétaire général de l’UNSA-Education – parle d’une « complexification des métiers » et regrette que les revendications des enseignants ne soient pas plus considérées par le gouvernement. Il cite notamment le besoin d’avoir des moments en petits groupes (qui sont selon lui « sans cesse détricotés ») ou la difficulté des enseignants d’assurer l’inclusion scolaire, dans des groupes-classes nombreux qui présentent chacun des dynamiques différentes.

Denis Adam, délégué général du Centre Henri Aigueperse – UNSA Education, pointe quant à lui une tension entre deux logiques dans les établissements scolaires, celle d’enseigner et celle d’instruire. En effet, alors que de nouvelles disciplines viennent s’ajouter pour préparer les élèves au marché du travail et aux enjeux du monde contemporain (comme l’éducation aux médias) le ministère de l’Education demande également aux enseignants de mettre l’accent sur les fondamentaux : en témoignent les dernières mesures annoncées par Pap Ndiaye et sa volonté de réintroduire la dictée quotidienne à l’école.

Même son de cloche du côté des formations, qui se diversifient, mais surtout se complexifient. F. Marchand dénonce également le décalage qui existe entre les formations disciplinaires et la réalité du terrain, qui nécessite des compétences en pédagogie.

Et pour faire face à ces défis, le ministère ne se prive pas d’enchaîner réformes et dispositifs.

« On fait réforme sur réforme. Les personnels n’en peuvent plus, et les familles ne comprennent pas non plus. »

Frédéric Marchand, UNSA-Education

Le secrétaire général de l’UNSA-Education regrette que les expérimentations s’accumulent sans qu’on prenne le temps d’en tirer les conclusions. Pour lui, ces changements déstabilisent l’opinion et les personnels, et ne prennent pas suffisamment en compte les retours du terrain.

Redonner de la valeur au métier

Mais alors, que préconisent les auteurs de l’étude ? Pour Denis Adam, délégué général du Centre Henri Aigueperse – UNSA Éducation, il faut repenser le système éducatif dans sa globalité, le remettre au centre du débat public et se recentrer autour de la fonction sociale de l’Education Nationale. Et ce, en faisant participer les personnels et en les reconnaissant dans leur « professionnalité. »

Pour Frédéric Marchand, il faut se rassembler autour d’une « vision partagée » et surtout autour de la réussite de tous les élèves : à une période où l’Education Nationale est mise en cause pour son manque de mixité sociale et pour renforcer certaines inégalités, il faut repenser une Ecole de l’égalité, en faisant par exemple des choix sur l’affectation des moyens. L’étude propose également de rendre les élèves davantage acteurs de leur éducation.

Avant tout, il s’agit selon les deux représentants de travailler avec les personnels, dans un climat plus stable et apaisé.

«  Les personnels continuent à dire qu’ils aiment leur métier ; il faut s’appuyer sur ça […] On a besoin de trouver des éléments positifs, des réussites, des éléments de fierté. »

Frédéric Marchand