Pouvez-vous présenter votre parcours artistique ?

Je m’appelle Malyka R. Johany, je suis comédienne, chanteuse et danseuse. J’ai toujours été passionnée par la musique et la comédie, dès que j’ai su lire j’ai demandé à faire du théâtre ! Après mon bac, j’ai suivi pendant deux ans des cours dans une école de comédie musicale, l’ISAS, où j’ai été formée à la danse, au théâtre et au chant. J’ai ensuite signé chez Warner Music France, à 19 ans, pour enregistrer quelques singles. Puis, j’ai participé à la comédie musicale Fausse Moustache et au spectacle improvisé New, où les comédiens créent en direct une histoire avec le public.

Il y a deux ans, j’ai joué dans Hairspray, avant de rejoindre un girlsband pour Sony Music France. Après avoir enregistré un album et effectué une tournée, j’ai eu envie de revenir à mon premier amour, le théâtre. J’ai passé des auditions et ai rencontré Gilbert Ponté, l’auteur de Samia, de Pékin à Lampedusa, avec qui j’ai commencé à travailler sur la pièce. Aujourd’hui, une nouvelle version a vu le jour dans le cadre du Festival Paroles citoyennes.

Pouvez-vous présenter cette pièce ?

Elle raconte l’histoire de Samia Yusuf Omar, une athlète somalienne ayant couru aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. Son rêve était de participer par la suite aux Jeux olympiques de Londres, mais elle n’a jamais pu obtenir les papiers pour le faire. Elle a donc décidé de faire le voyage clandestinement. Elle est arrivée près des côtes de Lampedusa, mais a été retrouvée noyée au fond d’un canot pneumatique. Ne sachant pas nager, elle n’avait jamais pu atteindre les côtes.

La pièce parle surtout de sa passion pour le sport, de son rêve qui lui a permis de franchir les frontières. Arriver jusqu’à Pékin était déjà quelque chose d’improbable pour une athlète femme somalienne. La pièce aborde des thématiques très actuelles, comme la place de la femme dans le sport, et comment la passion nous permet de relever tous les défis de la vie.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’incarner Samia ?

J’ai tout de suite été touchée par son histoire. Je regarde beaucoup les Jeux olympiques, et je me souviens très bien de sa course en 2008. Tout le stade s’était levé pour elle même si elle était arrivée dernière. C’était un moment très marquant, mais je ne comprenais pas pourquoi à l’époque. C’était seulement la deuxième fois qu’une femme représentait la Somalie aux JO. Ce n’est qu’en découvrant son histoire que j’ai compris la portée que cela avait. De plus, le texte commence par « La passion fait vivre », et ça m’a tout de suite parlé. Je me suis sentie très vite liée à elle.

Vous avez interprété la pièce dans le cadre du Festival Paroles citoyennes le 3 mars dernier. Pouvez-vous revenir sur cette soirée ?

C’est la deuxième année où je participe au Festival Paroles citoyennes, c’est toujours un moment particulier et touchant pour moi. L’année dernière, le spectacle avait été suivi d’un débat en présence des membres de « SOS Méditerranée ».

Cette année, c’est l’association « Une femme un toit » qui participait aux débats. Ils résonnaient vraiment avec le contenu de la pièce, puisque même si elle se passe en Somalie, elle fait écho à ce qui se passe dans le monde occidental. Prendre sa place lorsqu’on est une femme est toujours compliqué, quel que soit le pays d’où l’on vient. C’est un combat qui est en cours, mais les débats étaient plein d’espoir. C’était rassurant de voir que des choses se mettent en place, et que la parole se libère.

Y a-t-il eu des représentations devant des scolaires ?

J’ai déjà joué la pièce devant des collégiens et des lycéens. Le spectacle les intéresse, car il parle de notre monde. Même s’ils sont parfois un peu agités au début, ils se reconnectent très vite au personnage, qui a 17 ans au début du spectacle. Une espèce d’identification se crée, ils se reconnaissent dans cette jeune fille et ses rêves. Ils sont déjà confrontés à la situation des migrants, mais la pièce leur permet de les voir autrement, comme de jeunes personnes à part entière, avec des projets et des aspirations.

Nous avons toujours des échanges intéressants, et ils me posent même parfois des colles ! Ils m’interrogent sur les migrants, sur la situation en Somalie, mais aussi sur le métier de comédienne. Un jeune m’a notamment, un jour, demandé : « et vous, auriez-vous fait le voyage ? ». Je n’ai pas vécu ce que Samia a vécu, donc je ne sais pas si j’aurais eu autant de courage qu’elle. Mais je sais que pour ma passion je suis prête à me battre.

Quels sont vos projets après la fin du Festival ?

La pièce va continuer à être jouée en tournée à partir de septembre. J’espère que nous aurons encore beaucoup de scolaires, car pour moi c’est réellement important. Les spectateurs qui choisissent de venir voir le spectacle sont déjà sensibilisés au sujet, ce qui n’est pas le cas avec les plus jeunes. Bien souvent, ils découvrent toutes ces thématiques. Ça leur permet également de prendre conscience de la chance que nous avons, de pouvoir vivre librement nos passions, et d’avoir aussi facilement accès à l’éducation ! C’est important pour nos jeunes de voir que certains doivent combattre dur pour ces privilèges, et que nous devons en profiter pour faire de belles choses.