« C’est une grande fierté d’enseigner la musique à toutes et tous les élèves de France. » déclare le président de l’APEMU. Image : Getty

Quels sont aujourd’hui les grands enjeux de l’éducation musicale ?

« Nous sommes en attente de nouveaux programmes pour le collège, dont les maquettes sont parues début juillet. C’est une période de réflexion pour nous et nous allons faire parvenir nos commentaires au ministère, même si une consultation n’est pas prévue. Un autre enjeu est de dénouer l’ambiguïté entre les enseignements artistiques – l’éducation musicale et les arts plastiques – et l’éducation artistique et culturelle qui vient les compléter. Les enseignements artistiques sont le socle de l’éducation artistique : au quotidien, les élèves créent, inventent, interprètent avec leurs enseignants. Le Pass culture a constitué un véritable appel d’air, permettant des projets vraiment passionnants. »

Et au lycée, quels obstacles rencontrez-vous ?

« Nous avons toujours un problème avec l’égalité républicaine de l’accès à la musique. Les enseignements de spécialité sont trop rares, et leur accès est difficile. La réforme du lycée a quasiment fait disparaître les options musique. L’APEMU milite depuis longtemps pour un assouplissement de la carte scolaire afin de permettre aux lycéens ayant un parcours artistique affirmé d’intégrer un lycée doté de spécialités musique, et ce dès la seconde.  Les débouchés et les métiers existent. Il reste difficile de convaincre l’Onisep et les parents que l’orientation vers la musique est possible. Nous ne nous sentons pas très aidés. »

Quel regard portent les enseignants sur leurs conditions d’exercice ?

« Nous avons mené une grande enquête nationale en 2022. Nous sommes un peu plus de 7000 enseignants de collège. C’est une grande fierté d’enseigner la musique à toutes et tous les élèves de France. Ce n’est pas rien, et c’est un enjeu politique majeur. Les enseignants se sentent majoritairement intégrés et respectés dans leurs établissements. Mais l’enseignement facultatif de chant, pourtant très présent, n’est pas reconnu à la hauteur de l’investissement qu’il demande. Beaucoup de collègues se retrouvent dans des situations de bénévolat malgré un décret très clair. Sur la question du recrutement, comme nos collègues des autres disciplines, nous sommes très inquiets. Nous attendons de voir si la réforme du concours du CAPES aura un impact. L’enjeu futur sera de mieux accompagner nos jeunes collègues qui entrent dans le métier. Cependant, il y a urgence à soutenir les contractuels qui débarquent dans les classes sans réelle formation.

L’éducation musicale est-elle suffisamment soutenue par les politiques éducatives ?

« Toutes les études montrent l’importance de la musique pour le développement cognitif, la créativité, le lien social… Mais la réalité des politiques éducatives n’est pas toujours aussi ambitieuse. Nous constatons une grande fragilité des enseignements artistiques, une méconnaissance de ce que nous faisons en classe, et des idées reçues toujours bien ancrées : sur la flûte à bec, par exemple ! Les programmes de 2015 ont bouleversé la discipline avec une ouverture sur toutes les musiques, la pratique vocale, instrumentale et la création. Le Pass Culture et sa suspension cette année sont un symptôme de ces fluctuations. Cet épisode a été vécu violemment par les collègues, avec le sentiment d’un grand mépris. »

Quels projets portez-vous pour la rentrée ?

« Nous proposons aux nouveaux enseignants et aux nombreux contractuels un livret “Premières gammes dans ma classe”. Deux enquêtes sont en cours, sur l’EAC (éducation artistique et culturelle) et sur le lycée. Et puis, nous publions un hors-série de notre revue dans tous les casiers à la rentrée, et préparons notre congrès, les Journées de l’éducation musicale, qui auront lieu à Savigny-sur-Orge du 18 au 20 octobre, sur le thème de la création. »