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Et si tous les élèves bénéficiaient de 4 d’heures hebdomadaires d’Éducation Physique et Sportive (EPS) pendant toute leur scolarité ? C’est la mesure phare lancée par les professeurs d’EPS à l’occasion de la 2ème semaine de l’EPS qui s’est déroulée du 15 au 19 novembre 2021. A l’heure actuelle, seuls les 6ème disposent de ce nombre d’heures de pratique. On passe à 3h pour les autres niveaux du collège, à 2h30 en lycée professionnel et à 2h hebdomadaire en lycée général et technologique. Or à l’adolescence, les jeunes pratiquent également moins de sport en dehors de l’école.

La sédentarité, un problème croissant

D’autre part, les études confirment une sédentarité croissante des jeunes. D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), entre 2006-2007 et 2014-2015, le temps passé devant les écrans par les 3-17 ans a augmenté de 20 mn. Il est passé à plus de 3h par jour pour un quart des enfants de 3 à 10 ans, la moitié des ados de 11 à 14 ans et les deux tiers des jeunes de 15 à 17 ans. Par ailleurs, seulement un tiers des adolescents âgés de 11 à 17 ans pratique au moins 1h d’activité physique par jour comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La crise sanitaire et les confinements n’ont fait que renforcer cette tendance qui n’est pas sans conséquence.

Des répercussions sur la santé

Ainsi, 17% des enfants de 0 à 17 ans seraient en surpoids ou obèses. Une autre étude*, relayée par la Fédération Française de Cardiologie (FFC), estime qu’en 40 ans, les jeunes ont perdu 25% de leurs capacités cardio-vasculaires ! Selon le Dr François Paillard, cardiologue au CHU de Rennes et vice-président de la FFC, ce chiffre est davantage lié à une diminution des activités physiques au quotidien qu’à l’abandon du sport. « Les clubs de sport sont toujours fréquentés. Mais il y a 40 ans, beaucoup d’élèves allaient à l’école à pied ou à vélo. C’est moins le cas aujourd’hui pour des raisons de sécurité, d’augmentation de la mécanisation… Il y a moins d’activités physiques ludiques (cache-cache, 123 soleil…) alors qu’il y a une progression considérable des jeux sur écran et donc de la sédentarité », analyse le médecin. Cette inactivité favorise une tendance au surpoids, à l’obésité, à l’hypertension… A terme, notamment à l’âge adulte, ce sont des vecteurs de diabète et de maladies cardio-vasculaires. « Dans les pays les plus touchés par l’obésité, notamment les Etats-Unis, ces problèmes peuvent survenir dès l’enfance. Ça commence à apparaître dans les pays européens. Ça a des répercussions sur la qualité de vie de ces jeunes, pour qui les activités sont plus difficiles à réaliser. Ça s’accompagne d’une fatigabilité à l’effort, d’une moins bonne endurance », explique le cardiologue.

L’EPS délaissée ?

En cours, Alain de Carlo, secrétaire national du SNEP-FSU et enseignant d’EPS en Gironde, ressent les effets de la sédentarité sur ses élèves qui manquent parfois d’endurance ou de coordination dans leurs gestes. Selon lui, l’EPS a un rôle majeur à jouer car elle permet à chacun de pratiquer une activité physique quel que soit son milieu social et son lieu de résidence. Elle lutte ainsi contre les inégalités de pratique tout en donnant aux élèves de bonnes habitudes pour leur vie future. Il déplore que le ministère n’encourage pas davantage la discipline. « Durant la mandature de Jean-Michel Blanquer, on a eu 73 121 élèves supplémentaires dans le second degré alors que nous avons comptabilisé 771 suppressions de postes en EPS. Il a fallu faire cours avec beaucoup plus d’élèves. Bien que le ministre dise que le sport à l’école est important, ce n’est pas par l’EPS qu’il veut lui accorder de la place. Il a instauré d’autres dispositifs comme 2S2C (Sport-Santé-Culture-Civisme, Ndlr) ou « 30 minutes d’activité physique quotidienne  » », commente Alain de Carlo.
Le dispositif  2S2C, lancé pendant le déconfinement de mai 2020, a majoritairement fait appel à d’autres intervenants (clubs, éducateurs sportifs locaux…) que les professeurs pour assurer l’accueil des élèves sur le temps scolaire et encadrer l’activité physique et sportive. Problème, beaucoup de communes n’avaient pas les moyens humains nécessaires comme le révèle une mission flash de l’Assemblée nationale.
Quant au programme « 30 minutes d’activité physique quotidienne « , lancé en février 2021, il se veut complémentaire de l’EPS et du sport organisé à l’école élémentaire. Il se fait en partenariat avec des éducateurs du mouvement sportif local. « Bouger c’est bien mais il faut un enseignement de qualité avec des enseignants formés et qualifiés. Quand on est entraîneur sportif, on s’adresse souvent à des enfants volontaires. En tant que prof d’EPS, on a une formation pour permettre à chacun de progresser en fonction de son niveau et nourrir le monde sportif par la suite car il y a une complémentarité. Ne faisons pas de concurrence entre les deux », demande Alain de Carlo.

Une stratégie plus globale

Si la mesure phare portée par les enseignants d’EPS est cette augmentation horaire de leur discipline, elle s’accompagne aussi de besoins liés : plus d’équipements, plus de recrutements, un renforcement de la formation initiale des professeurs des écoles en sport… « Ça représente environ 15 000 postes de plus. Sur 10 ans, on a les étudiants nécessaires en STAPS pour le faire. Beaucoup aimeraient devenir professeurs d’EPS mais la voie est bouchée aujourd’hui », estime le secrétaire national du SNEP-FSU.
Côté budget, là aussi tout est ouvert, c’est une question de choix. « Le ministre vient de rendre 75 millions d’euros du budget de l’Éducation nationale. Passer à 4h d’EPS pour tous coûterait 750 millions. C’est un dixième », ajoute-t-il. Un effort nécessaire selon lui pour avoir une jeunesse plus sportive et une société qui se porte mieux.
Pour le Dr François Paillard, passer à 4h d’EPS par semaine « c’est une partie de la réponse mais ça ne répond pas vraiment au problème qui est la diminution de cette activité physique quotidienne ». En parallèle, selon le cardiologue, pour combattre la sédentarité et ses méfaits, il doit y avoir une réflexion sociale et sociétale globale. Cela passe par le fait d’encourager les déplacements à pied ou à vélo de façon sécurisée jusqu’à son établissement scolaire, favoriser l’accès aux espaces de jeux en plein air, aux sports extrascolaires, à limiter de manière pédagogique le temps passé sur les écrans, à prévenir des dangers de la malbouffe…

* Publications de Grant Tomkinson, University of South Australia, Adelaide, 2006 et 2013