Vincent Renault, président de l’APPEP : « le but n’est pas de reprendre du galon, simplement se demander dans quelle mesure on prend au sérieux la discipline ». Image : Getty

Quel est le bilan de cette rentrée 2025/2026 ?

Ce premier mois de rentrée s’est globalement bien déroulé, mais dans un contexte toujours fragile. Les difficultés liées au manque d’enseignants, partagées par de nombreuses disciplines, demeurent. Au lycée, plusieurs points restent problématiques, notamment en raison des réformes engagées sous le ministère Blanquer.
En philosophie, l’écrasante majorité des collègues concentrent leur enseignement sur les classes de terminale, ce qui accentue la pression et le stress. S’ajoute à cela une nouvelle difficulté : la correction des devoirs maison devient de plus en plus compliquée avec l’essor de l’intelligence artificielle générative, capable désormais d’imiter jusqu’à la maladresse d’un élève.

Vous avez évoqué le stress en année de terminale, à quoi est-il dû ?

Les élèves commencent effectivement l’année avec un stress intense. Ceci est l’œuvre de Parcoursup qui a tendance à imposer son propre rythme et qui devient la chose centrale de l’année de terminale. Apprendre de manière sereine devient difficile pour les élèves. Ce sentiment est renforcé pour la philosophie qui, en plus d’être une nouvelle discipline, demande un certaine distance. De plus, il y a une augmentation de ce stress, la plateforme demande toujours plus de documents, et elle s’accompagne de tout un ensemble de règles. Les élèves sont constamment préoccupés par Parcoursup. À la base créée pour de la transparence et pour permettre une plus grande sérénité, la plateforme se dirige dans la mauvaise direction. « L’effet Parcoursup » fait qu’on est de plus en plus dans la sélection. Désormais, être admis dans une « simple » licence peut paraître comme un échec. 

Que reprochez-vous concrètement à ces nouvelles mesures et en quoi cela impacte la discipline ?

En premier apparence cela aplanit les choses. Le principe du projet d’évaluation est de rendre les règles claires, afin que l’élève et sa famille puissent s’y référer sans qu’il y ait besoin de négocier en permanence. Mais, en réalité, en créant des textes supplémentaires, vous instaurez un nouveau cadre juridique. Il y a donc un effet de bureaucratisation, c’est-à-dire que vous multipliez les occasions de contestation. Certes, le plan d’évaluation existait déjà, mais il ne s’appliquait pas à la philosophie. Pour nous, l’extension du projet d’évaluation à toutes les disciplines (en particulier la philosophie) est injustifiée. De façon générale, le projet d’évaluation est un dispositif contraignant qui est contradictoire avec la liberté pédagogique des professeurs. Il y a une sorte de primauté des établissement sur les professeurs.

Nous craignons également une concurrence entre établissements. À cause de ce nouveau système, les méthodes d’évaluation deviendraient des « méthodes maisons » qui ne seraient pas les même selon les établissements. Nous, nous voulons un niveau d’exigence qui est le même pour tous. Attention, nous ne disons pas qu’il ne faut pas s’adapter aux classes, il faut simplement de l’équité.

Avez-vous le sentiment que la philosophie n’est pas suffisamment prise au sérieux aujourd’hui ?

Oui et non. Oui, nous sommes pris au sérieux car il y a un respect traditionnel de la matière. Ce respect tient surement à l’importance que la philosophie a pu avoir dans le passé. Non, car la discipline compte désormais moins que le Grand oral dans la notation du baccalauréat : en filière générale, l’oral compte pour 10 % de la note finale contre 8 % pour la philosophie, et en filière technologique, il est de 14 % contre 4 %. On sait que le Grand oral est un examen qui peut se dérouler avec des examinateurs qui ne sont pas de la discipline. Faire de la philosophie une matière inférieure à cet oral, c’est manifester une sorte de mépris vis-à-vis de la discipline. Le but n’est pas de reprendre du galon, simplement se demander dans quelle mesure on prend au sérieux la philosophie.

Vous avez demandé l’abandon pur et simple du projet, pouvez-vous nous dire où cela en est ?

À ce stade, nous restons dans l’expectative, en espérant que le projet soit abrogé, car il est très mal perçu par les collègues. Les professeurs voient en lui une contrainte supplémentaire dont la légitimité n’est pas très claire.

Un nouveau ministre de l’Éducation nationale devrait être nommé prochainement, quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette future nomination ?*

Nous, ce que nous attendons du ministère, c’est qu’il prenne conscience de l’échec de la réforme de l’examen du baccalauréat. Il faut revenir à des épreuves nationales et anonymes, de manière à redonner la possibilité aux élèves de passer une année de terminale qui soit une année d’apprentissage. L’année de terminale est aujourd’hui devenue trop confuse.

* la question a été posée avant la nomination d’Edouard Geffray au poste de ministre de l’Éducation nationale.