44% des élèves et 25% des professeurs ont constaté une amélioration de leurs compétences numériques. Image : Getty

Durant l’année 2023/2024, 2 371 élèves du CE2 au CM2 dans 109 classes volontaires ont participé à une expérimentation unique en France en tant que classe “test” ou “témoin” pour mesurer l’impact de IOTA.

Comment est né ce projet et de quel constat part-il ?

IOTA est une plateforme numérique à destination des classes de CM1/CM2. Elle a pour but de former les jeunes élèves du primaire au numérique. Le projet est né d’une initiative tripartite entre le ministère de l’Éducation nationale, l’école 42 – conceptrice du projet – et deux chercheuses. Ce projet part d’un constat simple : les jeunes sont de plus en plus exposés au numérique sans toujours en maîtriser les usages. L’objectif de IOTA est double : développer les compétences numériques à travers des missions ou des défis numériques, et aborder les questions liées au psycho-social. La plateforme aide ainsi les élèves à grandir avec le numérique tout en renforçant leur confiance en soi, leur esprit critique et le respect des autres. Aujourd’hui, nous savons que les préoccupations autour du stress et de la santé mentale sont des sujets suivis de très près par le ministère de la Santé.

L’un des constats majeurs de l’étude est la réduction des inégalités. Quel rôle joue IOTA dans cette diminution ?

Au-delà de la pure compétence numérique, le programme se veut être un outil éducatif. On observe un regain de confiance, particulièrement chez les filles. L’objectif est d’intervenir avant l’adolescence, afin de prévenir l’apparition des biais cognitifs propres à cette période. On constate aussi une amélioration de la mixité, avec des amitiés non pas plus nombreuses, mais plus variées (+19% entre filles et garçons). Ceci est rendu possible grâce à « l’algorithme de matching » qui associe les élèves selon leurs besoins et non selon leurs envies. Enfin, chez les élèves issus de milieux défavorisés, ils se sentent davantage à la hauteur de leurs camarades. L’approche collaborative contribue à créer un climat plus serein et plus enclin à la réussite.

Dans votre rapport, vous constatez une diminution de moitié du harcèlement (-45%). Comment justifiez-vous ce résultat ?

On sait que pour le corps pédagogique et pour les élèves, ce ne sont pas les sujets les plus simples à aborder, cela peut parfois faire peur. L’approche de IOTA par le jeu permet une approche différente. Les élèves sont mis en situation, autant dans le rôle de victime que de témoins. La diminution du harcèlement est également corrélée au développement de leur empathie. Comme ils sont au même niveau, il y a davantage de respect entre les élèves. On constate aussi une réduction des émotions négatives, ceci est rendu possible grâce au fonctionnement du programme qui valorise « le droit à l’erreur ».

Selon vos mots, le programme permet une transformation des méthodes d’enseignement, comment explique-t-on cela ?

Même si de nombreux professeurs s’occupaient déjà de l’apprentissage numérique, celui-ci, était pour la plupart du temps calqué sur un modèle individuel. La nouveauté réside dans le modèle collaboratif, ainsi que dans l’auto-évaluation. Les méthodes apprises durant les heures destinées à ce module peuvent ensuite être réutilisées dans des cours plus « classiques » comme le français et les maths. Enfin, certains enseignants constatent qu’ils ont aussi progressé sur le plan numérique, c’est le cas pour 25% d’entre eux.

N’avez-vous pas peur des critiques, notamment sur le temps d’écran ou de la part de ceux n’ayant pas accès aux ressources adéquates ?

Des modules dédiés à la prévention sont justement proposés pour contrer cet effet là. L’objectif est de leur faire adopter un usage des écrans qui se veut équilibré et raisonné. Concernant la fracture numérique, il est vrai que certains établissements ne disposent pas de matériel informatique adéquat. IOTA est justement là pour encourager les localités à investir. Le but n’est pas de creuser davantage la fracture.

Quelle est la suite pour le programme ?

Fort de son succès, en 2023-2024, 98% des enseignants se déclarent satisfaits. Le programme est en train d’être intégré sur la plateforme gouvernementale GAR. Étant en lien avec le réseau 42, le programme a su attirer des partenaires venant de l’étranger. IOTA devrait également s’étendre aux pays francophones à savoir : Suisse, Belgique, Luxembourg. Mais pour l’heure, aucune adaptation du programme n’est envisagée pour les niveaux supérieurs, notamment au collège.