
Depuis janvier 2024, chaque département dispose d’un référent harcèlement. Comment cette fonction a-t-elle été mise en place ?
Cette généralisation découle d’une décision prise par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale. L’objectif était de renforcer la lutte contre le harcèlement en dotant chaque territoire d’un professionnel identifié, capable d’assurer la traçabilité des situations et d’accompagner les établissements comme les familles.
Comment êtes-vous devenu référent départemental ?
C’était un appel à candidature interne. J’étais alors conseiller principal d’éducation en établissement. Le sujet du climat scolaire et de la lutte contre le harcèlement faisait déjà partie de mon quotidien et j’avais envie d’élargir mes missions. Après une lettre de motivation et une sélection de dossier, j’ai passé un entretien au rectorat devant trois responsables académiques. J’ai ensuite été retenu.
Ce poste occupe-t-il tout votre temps ?
Oui, c’est un temps plein. Je suis rattaché à la direction académique de Charente-Maritime, à La Rochelle, mais j’interviens pour l’ensemble des écoles, collèges et lycées du département.
Concrètement, en quoi consiste votre travail ?
Mon premier rôle est d’accompagner les situations signalées. Elles peuvent nous parvenir par plusieurs canaux : la plateforme ministérielle « Stop harcèlement », alimentée notamment par les appels des familles au 3018 ; la plateforme « Faits établissement », utilisée par les écoles, collèges et lycées pour remonter les incidents graves ; mon adresse professionnelle ; ou encore des courriers adressés au ministère, au rectorat ou à la direction académique.
Dès qu’une situation apparaît sur la plateforme nationale « Stop harcèlement », nous avons 24 heures pour la consulter et la prendre en charge. J’appelle la famille, je recueille les éléments, puis je contacte l’établissement pour comprendre comment la situation est suivie. L’an dernier, j’ai accompagné environ 120 dossiers. Ce sont généralement des cas où le dialogue entre la famille et l’établissement s’est tendu ou rompu.
Travaillez-vous seul ?
Non. Le référent départemental est en lien permanent avec un réseau conséquent qui comprend les chefs d’établissement, les inspecteurs du premier degré, les équipes ressources formées au protocole pHARe, la référente académique et la conseillère technique du recteur. Nous fonctionnons comme une chaîne continue, du ministère jusqu’aux écoles.
Justement, pouvez-vous rappeler ce qu’est le programme pHARe ?
C’est le plan national de prévention du harcèlement. Chaque école, collège et lycée doit être labellisé au moins au niveau 1. Cela implique l’existence d’une équipe ressources d’au moins cinq personnels volontaires et formés, capable de prendre en charge les situations selon la « méthode de la préoccupation partagée », une démarche non blâmante et centrée sur l’arrêt des faits.
Je forme ces équipes, j’accompagne les coordinateurs pHARe dans les établissements et je veille à ce que les différents items du programme soient respectés : information des familles, participation à la Journée nationale de lutte contre le harcèlement, diffusion du questionnaire de climat scolaire, et mobilisation des élèves ambassadeurs dans le second degré.
Quel est le rôle de ces élèves ambassadeurs ?
Ils sont formés pour repérer les signes d’isolement ou d’intimidation et faire remonter les informations aux équipes ressources. L’idée n’est pas d’en faire des surveillants, mais des relais bienveillants, présents dans les espaces plus difficiles à encadrer (couloirs, vestiaires, sanitaires…). Chaque établissement doit en compter au moins dix. Quand un grand nombre d’élèves s’implique, cela améliore considérablement le climat scolaire.
Faites-vous aussi de la prévention ?
Oui. Nous accompagnons les établissements lors des temps forts du programme que sont le concours « Non au harcèlement », le Safer Internet Day, ou des actions menées auprès des parents. Pour accéder au niveau 3 du label pHARe, les établissements doivent notamment associer des « parents ambassadeurs ». Nous les aidons à construire ces ateliers.
Par ailleurs, je participe au plan national de formation. D’ici 2027, tous les personnels devront avoir reçu six heures de sensibilisation au repérage et au traitement du harcèlement. Chaque semaine, j’anime des sessions pour les personnels du second degré.
Observez-vous une évolution dans les établissements ?
Oui, très clairement. En 2023, seuls 20 % des établissements du département étaient labellisés. En 2024, nous avons atteint 80 % et nous serons à 100 % cette année. Les équipes se sont fortement mobilisées, les coordinateurs pHARe sont mieux outillés et les demandes d’accompagnement sont de plus en plus précises.
Votre arrivée a-t-elle été vécue comme un soutien pour les équipes ?
Je le crois. Je suis désormais bien identifié des chefs d’établissement et des inspecteurs. Je réponds aux demandes de formation, j’interviens régulièrement sur site et j’aide à clarifier des situations souvent complexes, surtout lorsqu’il y a des plaintes ou des incompréhensions sur le protocole. Ce rôle de médiation rassure beaucoup les familles comme les personnels.
Toutes les situations aboutissent-elles à une issue positive ?
La majorité, oui. Une situation est clôturée lorsque les faits d’intimidation cessent ou lorsqu’il apparaît, après analyse, qu’il ne s’agit pas d’un cas de harcèlement. Les chefs d’établissement n’hésitent plus à réunir le conseil de discipline pour les élèves intimidateurs pour les situations de harcèlement graves. Parfois, certaines familles d’élèves intimidés demandent un changement d’établissement pour une reconstruction ailleurs. Mais même si nous facilitons l’accès à cette requête (avis du directeur académique) lorsque la famille le demande expressément, nous préférons, idéologiquement parlant, régler la situation afin d’éviter ces changements d’établissement ou alors favoriser le départ des élèves intimidateurs (Conseil de Discipline) plutôt que celui de l’élève victime.
Notre objectif reste toujours le même : rétablir le dialogue pour permettre à l’élève de poursuivre sa scolarité dans de bonnes conditions. C’est lorsque chacun retrouve sa place que la prise en charge peut vraiment être efficace.




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