
Sur son site Internet, la Fédération Française des Dys rappelle que la dyscalculie est une « altération de la capacité à comprendre et à utiliser les nombres ». Elle se manifeste, entre autres, par des difficultés à compter, à dénombrer, à reconnaître immédiatement les petites quantités, à effectuer un calcul mental ou le poser par écrit, à mémoriser des tables de multiplication ou bien encore à résoudre des problèmes. « De nombreux élèves dyscalculiques souffrent aussi de difficultés visuospatiales, c’est-à-dire de difficultés à s’orienter visuellement dans l’espace… Par conséquent, tous les exercices qui exigent d’aligner des nombres sur une droite graduée, de s’orienter dans un plan, d’interpréter un graphique, de tracer des figures géométriques, de mesurer des angles, etc. sont des défis majeurs pour eux », souligne Delphine de Hemptinne, orthophoniste canadienne spécialisée dans l’aide aux enfants « dys », psychopédagogue et auteure de « Aider son enfant à compter et calculer » (éd. De Boeck Supérieur).
Par ailleurs, la dyscalculie est souvent associée à d’autres troubles dys comme la dyslexie par exemple ce qui complique les apprentissages. Enseigner les mathématiques à ces enfants requiert donc quelques adaptations.
Créer un environnement favorable
L’environnement de la classe joue un rôle clé. Le climat doit permettre à l’élève de se sentir en confiance pour apprendre, se tromper, recommencer sans peur d’être jugé par l’enseignant ou ses camarades. Il doit aider l’enfant à se concentrer en limitant les distractions. Idéalement, l’élève dyscalculique sera placé au premier rang à côté d’un camarade calme. Il pourra ainsi se manifester plus facilement s’il a besoin de soutien. L’entraide entre élèves a toute sa place et est formatrice car ils partagent leurs repères, leurs propres ressources.
Redonner confiance
Face aux difficultés, certains enfants dyscalculiques peuvent rejeter « tout ce qui concerne les mathématiques, perdre confiance en eux ou au contraire, faire semblant que cela ne les affecte absolument pas, en prenant alors le parti de faire le clown en classe, histoire de donner l’illusion qu’ils ont quand même un peu de maîtrise sur la situation », constate Delphine de Hemptinne. L’enseignant doit adopter une attitude bienveillante et comprendre que l’enfant est en difficulté par rapport à une norme mais qu’il a aussi des forces. « Les mathématiques font souvent peur. L’enfant dyscalculique a l’impression d’être en échec. Il faut s’appuyer sur les situations où il est en réussite pour gravir chaque marche une à une », conseille Evelyne Barge, professeure des écoles, maman d’un enfant dys et co-auteure de « Mes jeux de maths facile ! Dys » (éd. Hatier). L’enfant doit se sentir soutenu et encouragé. Ses effort doivent être valorisés.
Prendre le temps
Les élèves dyscalculiques ont besoin de davantage de temps. « Il y a une distorsion entre les exigences du programme scolaire qui prévoit par exemple d’aborder les décimaux en cycle 2 et le temps nécessaire à ces enfants pour comprendre les bases mathématiques », souligne Evelyne Barge, professeur des écoles. Il serait ainsi contre-productif de vouloir aller à la même vitesse qu’avec les autres élèves, mieux vaut y aller lentement mais sûrement. Si les bases ne sont pas acquises (nom des chiffres, compréhension de la quantité qu’ils représentent, de leur capacité à former des nombres…), l’élève sera en difficulté pour la suite et risque d’être perdu. La dyscalculie étant un trouble neurodéveloppemental reconnu, l’élève, en grandissant bénéficiera d’ailleurs d’un tiers temps pour ses examens.
Adopter une approche concrète
« L’enjeu principal est de rendre ces nombres concrets, parlants, manipulables. L’abstraction pure, ça ne fonctionne pas ! Ce qu’il faut, c’est voir, toucher, manipuler, entendre, bref : vivre les mathématiques avec son corps et ses sens », explique Delphine de Hemptinne. Il existe une multitude d’outils pour ça. Par exemple, les réglettes Cuisenaire, les cubes emboîtables, les jetons, les perles, ou encore les abaques (bouliers). La méthode Montessori propose aussi du matériel de manipulation intéressant. Tout cela permet à l’élève de se construire une meilleure image mentale des nombres. « Attention à ne pas rester sur un seul type d’objet au risque que l’élève ne se fige dessus et pense que les nombres lui sont toujours associés », prévient Evelyne Barge. L’élève peut aussi compter sur ses doigts. Côté visuel, l’orthophoniste recommande d’afficher la droite numérique au mur de la classe pour comprendre l’ordre des nombres, les comparaisons, les sauts qu’il faut faire pour additionner ou soustraire. Les tableaux de numération avec des codes couleurs permettent, quant à eux, de distinguer les unités, les dizaines et les centaines. Une aide précieuse pour entrer dans l’apprentissage du système décimal.
Privilégier le ludique
De la même manière, pour appréhender le principe de la division, Evelyne Barge propose d’imaginer que les camarades de classe deviennent des pirates et qu’ils doivent se partager le trésor (des livres ou des bonbons par exemple) équitablement.
Les jeux de plateau avec des dés et des pions à avancer sur les cases, les jeux de cartes font aussi travailler les compétences logiques ou mathématiques.
L’aspect ludique permet d’aborder les maths de manière plus détendue sans peur de se tromper.
S’appuyer sur leurs forces
L’apprentissage des tables d’addition ou de multiplication est souvent délicate pour ces élèves. On oublie la répétition mécanique au profit de la compréhension et d’approches variées. Il s’agit d’expliquer qu’une addition consiste à ajouter des quantités, que la multiplication nécessite de répéter un même nombre plusieurs fois, etc. La manipulation joue là aussi un rôle clé. « On peut lui proposer des stratégies de calcul qui l’aideront à s’appuyer sur ce qu’il connaît déjà. Par exemple : s’il sait que 4×6 = 24, alors on va lui apprendre que 8×6, c’est juste le double, donc 48 », suggère Delphine de Hemptinne. Mieux vaut y aller par étape, régulièrement, et ne pas demander d’apprendre toute la table de multiplication de 7 en une fois. Plutôt que de se concentrer sur les difficultés de l’élève, Evelyne Barge préfère s’appuyer sur leurs forces. « Certains vont bien apprendre leurs tables en les chantant, d’autres ont besoin de dessiner, d’inventer une histoire ou bien encore de bouger. On peut alors leur lancer une balle en disant 2+2 et l’élève renvoie la balle en donnant le résultat », glisse-t-elle. Chaque élève est plus ou moins sensible à ces canaux de mémorisation. L’enseignant a donc tout intérêt à varier les méthodes et les ressources pédagogiques (jeux comme Multimalin, la marchande, dessins animés explicatifs, comptines…), pour découvrir et utiliser celles qui conviennent le mieux à l’élève dyscalculique.
S’aider du numérique
Le numérique offre un soutien complémentaire souvent apprécié des élèves car plus interactif et motivant. C’est le cas par exemple de « La course aux nombres » développé par l’équipe de Stanislas Dehaene. « Ce jeu propose d’entraîner spécifiquement le sens du nombre en amenant l’élève à comparer des quantités, reconnaître différentes représentations d’un même nombre, ou acquérir des automatismes de base. La difficulté s’ajuste en fonction des réussites, ce qui permet à l’enfant d’avancer sans se décourager », résume Delphine de Hemptinne. Elle cite aussi, pour les élèves de plus de 5 ans, « L’attrape-nombres » et ses exercices ludiques centrés sur la numération et l’arithmétique, le Math learning center et ses applications gratuites (fractions, géométrie…), ou bien encore Khan Academy avec ses vidéos explicatives, ses tutoriels et exercices à faire en autonomie avec un feedback immédiat.
Soigner sa posture d’enseignant
Un enfant dyscalculique fournit souvent beaucoup d’efforts bien que les résultats tardent à être visibles. L’enseignant doit valoriser cses efforts et progrès et considérer les erreurs comme des opportunités d’apprendre. « Par exemple, si l’élève se trompe dans un calcul, on peut souligner ce qu’il a bien fait dans sa démarche, puis l’aider à comprendre précisément où le raisonnement a dévié. Cela contribue à construire son sentiment d’efficacité personnelle, ce qui est fondamental », cite Delphine de Hemptinne.
Il s’agit aussi de revoir ses attentes, sans baisser le niveau mais en fixant des objectifs atteignables grâce à des consignes simplifiées, un nombre restreint d’exercices… L’élève aura ainsi des réussites plus fréquentes qui l’encourageront à poursuivre.
Cela passe aussi par une différenciation pédagogique. En lui proposant des supports adaptés, en le guidant pas à pas. « L’élève dyscalculique a besoin qu’on lui montre comment faire, et qu’on l’aide à organiser sa démarche. Cette différenciation implique évidemment d’être au clair avec le fait que l’usage d’outils de compensation n’est pas une tricherie. Calculatrice, tableaux de référence, papier quadrillé, mémos… Ce sont des appuis qui permettent à l’élève d’accéder à une tâche malgré ses difficultés », ajoute Delphine de Hemptinne.
Enfin, l’enseignant gagnera à coopérer avec les professionnels qui accompagnent l’élève (orthophoniste, neuropsychologue…) mais aussi avec la famille pour assurer une continuité entre la maison et l’école. Sans oublier de continuer de se renseigner et de se former pour mieux comprendre la dyscalculie.
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