Stéphanie Mazza

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis enseignante chercheuse à l’université de Lyon, en neuropsychologie et neurosciences cognitives. Je donne des cours aux futurs enseignants à l’INSPE et je fais de la recherche au laboratoire RESHAPE, sur les liens entre sommeil et performances.

Vous êtes intervenue, lors de la Journée du sommeil de l’INSV, sur l’éducation au sommeil. Selon vous, cela fait-il partie du rôle des enseignants ?

Bien entendu ! L’école est l’un des moyens de toucher toute une classe d’âge sans exception. On sait qu’un enfant mauvais dormeur le restera une fois qu’il deviendra adulte. L’idée est donc de pouvoir sensibiliser au plus tôt les enfants comme on le fait sur l’alimentation ou l’activité physique.

De plus, les programmes scolaires intègrent l’éducation à la santé. On sait qu’un enfant en bonne santé est un enfant qui apprend bien, et qu’un enfant qui apprend bien est un enfant qui sera en bonne santé, car il aura la capacité de décoder certains codes. Pour moi, un enseignant a donc toute compétence pour faire passer ce genre de message à l’école.

Vous avez créé un programme pédagogique pour aider les enseignants à aborder le sujet avec leurs élèves : Mémétonpyj. Pouvez-vous nous en parler ?

Nous avions régulièrement des demandes pour donner des interventions sur le sommeil dans les écoles primaires, notamment à la rentrée. Mais les spécialistes du sommeil étant peu nombreux, nous ne pouvions satisfaire toutes les sollicitations. Face à ce constat, nous avons demandé aux enseignants s’ils avaient la possibilité de faire passer ces messages en classe, mais ils avaient du mal à trouver des ressources adaptées et vérifiées sur le sujet.

De là est née l’idée de co-construire ensemble le matériel pédagogique nécessaire. Nous avons créé un comité de pilotage avec des enseignants, des pédiatres spécialisés dans le sommeil de l’enfant, des parents, des enfants, et nous-mêmes, chercheurs.

Nous nous sommes concentrés sur les classes de CE1 au CM1, des enfants qui savent déjà déchiffrer, mais ne sont pas tous de bons lecteurs. Nous avons donc adopté le format de la bande dessinée. Nous avons rallié à notre cause l’école Emile Cohl, une école de dessin de Lyon, et avons eu l’opportunité de travailler avec 6 dessinatrices, pour créer les bandes dessinées et les dessins animés de Mémétonpyj.

Que peut-on trouver dans ce programme ?

Il y a 8 séances dans le programme, d’environ 45 minutes chacune. Les enseignants le font en général à raison de 2 séances par semaine. Dans chaque séance, on trouve une partie théorique sous forme de BD ou dessin animé, des exercices, des fiches explicatives… Le programme est très graduel dans les connaissances qui sont apportées, il permet notamment aux enfants de comprendre à quoi sert le sommeil, son impact sur le cerveau, sur la croissance… nous donnons des explications assez pointues, dans un langage approprié à ces classes d’âge. Nous racontons systématiquement une anecdote amusante à chaque séance, car nous nous sommes rendus compte que les enfants retenaient plus facilement ces petites histoires, c’est ce qu’ils préfèrent raconter le soir à la maison. On leur apprend, par exemple, que le dauphin ne dort qu’avec une moitié de son cerveau à la fois, ou bien qu’un être humain est endormi pendant un tiers de sa vie.

A chaque séance, nous leur proposons aussi de mettre en place un conseil pour apprendre à aimer dormir. Par exemple, « à partir de ce soir, quand je m’installe dans mon lit, je me blottis confortablement dans mon oreiller jusqu’à ce que je trouve agréable d’être allongé ». Nous ne donnons pas d’injonction sur l’heure de coucher, de réveil, ou la durée du sommeil. Nous essayons surtout de leur apprendre à aimer le moment du coucher.

Avez-vous eu des retours des enseignants sur le programme ?

Nous sommes en contact avec des enseignants qui l’utilisent, et ils adorent cela ! Le programme change du matériel qu’ils ont l’habitude d’utiliser dans leurs autres séances pédagogiques. Ils se rendent vraiment compte de l’adhésion des enfants au programme. Les enseignants nous disent voir des changements de comportement des enfants après avoir fait le programme d’éducation au sommeil : les classes sont plus apaisées, il y a moins de conflits.

Nous avons déjà mesuré le temps de sommeil et les performances cognitives des élèves après l’utilisation du programme. Après Mémétonpyj, les élèves avaient en moyenne gagné près de 30 minutes de sommeil !

Vous préparez également une initiative pour le collège, avec des enseignants de SVT. En quoi consiste-t-elle ?

Pour ce programme adapté au collège, nous allons co-construire des cours pour expliquer le sommeil aux adolescents, avec des enseignants de SVT. Il y aura 4 séances dans ce programme, qui dureront entre 1h et 1h30, avec du matériel scientifique.

A cela s’ajoutera un défi : le challenge « 3 semaines pour mieux dormir ». Nous avons créé une plate-forme numérique, à laquelle pourront se connecter les élèves qui participeront au projet. Chaque jour, ils auront un défi à relever, et chaque défi les amènera à adopter des comportements favorables au sommeil. Par exemple, nous pouvons leur proposer d’éteindre leur téléphone à partir de 21h : plus de message, plus de consultation des réseaux…ils choisiront de réaliser ce défi ou pas, verront combien d’autres élèves l’ont également relevé. Il y aura donc une petite compétition pour essayer de leur faire mettre en place ces comportements et voir comment ils transforment leur sommeil.