couverture du livre merci maitresseVous avez longtemps travaillé comme journaliste avant de devenir enseignante. Qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner ce métier pour choisir l’enseignement ?

J’avais des raisons personnelles et familiales, mais j’avais aussi besoin de me sentir plus utile. Non que le journalisme ne le soit pas, mais j’avais besoin d’être davantage au contact des personnes que je pouvais aider. J’avais besoin de sentir l’utilité de ce que je faisais, de la palper de manière plus directe.

Après plusieurs années en tant que professeure des écoles, vous avez écrit le livre « Merci maîtresse ! », où vous racontez le quotidien d’une PE en REP. Est-ce un roman, une autobiographie ?

Tout est parti d’un blog, Merci maîtresse, commencé en décembre 2017, sur lequel j’écrivais de petites chroniques de ce que j’avais vécu dans la journée, où je parlais d’enfants et d’histoires qui m’avaient marquée. Cela a commencé à prendre un peu d’ampleur, des enseignants m’écrivaient pour me dire qu’ils se reconnaissaient dans mes histoires et étaient rassurés de voir qu’ils n’étaient pas seuls.

Des parents me disaient aussi qu’ils étaient contents de voir comment cela se passait dans une école, qu’ils étaient parfois surpris ! Cela m’a fait prendre conscience que beaucoup de gens posaient leurs enfants à l’école le matin sans vraiment savoir comment cela se déroulait derrière le portail, pensant que l’école demeurait un espace de simple apprentissage de multiplications, d’additions, ou de grammaire.  Il y avait selon moi une trop faible conscience du fait que l’école était avant tout un lieu de vie, où il se passait des choses, où les enfants vivaient, grandissaient, se côtoyaient…

Et les éditions du Cherche-midi m’ont contactée pour écrire un livre. Il n’était pas question de publier une compilation des chroniques du blog, cela n’aurait pas eu grand intérêt, donc à partir de là, j’ai construit un récit. Ce n’est pas un roman, car toutes les anecdotes sont vraies. En revanche, tout ne s’est pas passé sur une seule année scolaire, tous les élèves n’étaient pas dans ma classe…

Avez-vous eu des retours d’enseignants sur le livre ?

Oui, beaucoup ! J’ai d’ailleurs l’impression qu’il n’y a que les profs qui me lisent ! Sur Instagram notamment il y a une grosse communauté de professeurs des écoles, et j’ai eu pas mal de retours par ce réseau. « J’ai vécu exactement ça hier », « ce n’est pas possible tu as mis une caméra dans ma classe »… C’est amusant de me dire que je raconte ce que je vis et que finalement, tous les enseignants le vivent aussi d’une manière ou d’une autre.

J’ai même reçu beaucoup de messages de professeurs qui ne sont pas en éducation prioritaire, notamment de PE en milieu rural. Eux sont souvent seuls pour affronter les situations difficiles car il s’agit la plupart du temps d’écoles à classe unique. Ils n’ont pas l’équipe dont je parle dans le livre, qui nous aide à tenir et à avancer.

On dit souvent que les enseignants sont privilégiés, ont trop de vacances, ne travaillent que 16h par semaine… maintenant que vous connaissez mieux ce métier, que pensez-vous de ce cliché ?

Je n’ai personnellement jamais eu ce genre de préjugés, car je suis issue d’une famille d’instits. En revanche, je ne mesurais pas la polyvalence du métier.

Cela ne me dérange pas qu’on me dise que j’ai beaucoup de vacances, c’est de bonne guerre. Quand on me demande lors des repas si je suis encore en vacances, je réponds « oui, et je me régale ! ». Je ne rentre pas dans ce genre de débats.

En revanche, j’essaye de leur faire comprendre qu’enseigner, ce n’est pas simplement ouvrir un livre de lecture et demander aux élèves de lire la page 22. C’est aussi demander un bilan psychométrique pour un enfant parce qu’on a l’impression qu’il est déficient et qu’il n’est pas à la bonne place. C’est accompagner une maman qui ne sait pas où trouver un orthophoniste parce qu’elle ne sait pas lire, c’est savoir réparer une photocopieuse… De l’extérieur, on ne voit pas tout cela. Ce n’est pas grave, on le fait, mais je pense qu’on gagnerait à rehausser la réputation de notre métier en le faisant savoir. C’était aussi un peu mon but en écrivant le blog et le livre. Tout le monde adore parler de l’école, tout le monde a son mot à dire sur ce qu’il faudrait faire, donc je voulais pouvoir dire « parlez de notre métier si vous voulez , mais sachez de quoi vous parlez ».