Hélène Frangoulis, secrétaire de la Cnarela, estime qu’il ne faut pas baisser le niveau de l’agrégation. Image : Getty

Comment est déterminé le programme de l’agrégation de lettres classiques ?

L’agrégation de lettres classiques comporte à la fois des épreuves de français, de latin et de grec.nEn français, le programme, identique à celui de l’agrégation de lettres modernes mais différent de celui du Capes de lettres classiques, change tous les ans. Les œuvres étudiées sont utilisées aussi bien à l’écrit (pour la dissertation) qu’à l’oral (pour l’explication de texte et pour la leçon, si le candidat tire au sort une leçon en littérature française).

En latin et en grec, les épreuves écrites sont des versions et des thèmes, et les épreuves orales des explications de textes, pour lesquelles il existe un programme très lourd, renouvelé par moitié tous les ans depuis une quinzaine d’années : quatre ouvrages en latin, quatre ouvrages en grec. Selon le tirage au sort, la leçon peut aussi porter sur un des ouvrages de langue ancienne.

Ces épreuves vous paraissent-elles toujours aussi pertinentes ?

Franchement, oui : ces épreuves évaluent bien le niveau des candidats. Quand j’étais membre du jury, j’ai pu vérifier que le niveau de l’agrégation n’avait pas baissé : cela explique peut-être que tous les postes ne soient pas pourvus chaque année. Mais on y rencontre d’excellents candidats, pas seulement les deux ou trois premiers, mais peut-être les vingt ou trente premiers…

Quel est le profil des candidats ?

Il y a deux types de candidats. Les premiers sont des étudiants qui suivent les cours de préparation dans les universités. Certaines d’entre elles, comme l’université de Bourgogne et l’université Clermont-Auvergne, proposent des cours à distance. Les autres candidats sont des professeurs en poste, titulaires du Capes. Ils peuvent préparer l’agrégation interne mais, souvent, ils préparent aussi l’agrégation externe afin d’optimiser leurs chances.

Certains en effet peuvent être excellents dans les épreuves techniques, ce qu’ils ne peuvent pas démontrer en passant l’agrégation interne où il n’y a pas de thème et beaucoup moins d’épreuves. Or, plus il y a d’épreuves, plus les candidats ont de chance de rattraper certaines notes. De plus, les dates des épreuves des agrégations interne et externe ne sont pas les mêmes, ce qui permet à ceux qui le désirent de se présenter aux deux concours. On a déjà vu des candidats réussir l’agrégation interne puis l’externe.

Quels conseils donneriez-vous aux candidats pour bien se préparer aux épreuves écrites ?

Il faut commencer à travailler dès l’été qui précède les épreuves. Il faut lire, avant le début des cours, tout le programme de français. Quant au programme de latin et de grec, même s’il ne concerne que l’oral, il ne faut pas attendre l’admissibilité avant de commencer à le travailler car il faut avoir traduit les huit œuvres avant de passer les épreuves. Or, cela prend du temps ! Pour l’écrit, il y a beaucoup d’épreuves techniques, c’est-à-dire de thème et de version, qui peuvent faire la différence pour l’admissibilité et permettre d’avoir des points d’avance pour l’admission. Il faut donc vraiment réviser la grammaire, la syntaxe et lire beaucoup de latin et de grec pour se familiariser avec le vocabulaire et la langue : c’est un travail de longue haleine.

Et pour les épreuves orales ?

Là aussi, il faut lire beaucoup de latin et de grec et avoir bien traduit les textes au programme. Au début des épreuves orales de latin et de grec, il y a un tirage au sort. Les candidats vont tomber soit sur le programme de latin soit sur celui de grec. Si le programme de latin est tiré au sort, ils auront un texte grec en explication improvisée, donc un texte qu’ils ne connaissent pas. Je dirais aussi qu’il ne faut pas se cantonner aux textes mais bien connaître le contexte. On ne peut pas traduire un historien grec ou latin si on ne connaît pas du tout la période historique qu’il décrit. On ne peut pas traduire des pièces de théâtre d’Euripide ou de Sophocle si on ignore les légendes qu’elles reprennent. C’est donc important de lire beaucoup de textes en traduction pour connaître l’histoire racontée dans ces pièces.

Quelles sont les qualités attendues par le jury ?

Il est important que les candidats se souviennent qu’il s’agit d’un concours de recrutement d’enseignants. On peut être très érudit sans être fait pour être enseignant. Les deux ne vont pas de pair malheureusement. Le jury va donc à la fois apprécier les connaissances des candidats mais également leur capacité à enseigner.

L’exposé doit être clair, structuré, respecter le temps de parole imparti et bien équilibrer les parties pour aborder tous les points souhaités. Il faut aussi une certaine capacité à bien réagir pendant l’entretien : savoir répondre aux questions, anticiper les attentes… L’entretien ne peut servir qu’à améliorer la note du candidat, il n’est pas fait pour le piéger.

En 2024, l’agrégation externe proposait 71 postes ouverts pour 51 admis. Cette année, le concours prévoit dix postes en moins. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cela faisait plusieurs années que 71 postes étaient publiés, mais nous avons aussi connu une époque où il n’y en avait que 40. Là ce n’était pas beaucoup. De plus, même si nous avions 71 postes ces dernières années, ils n’étaient pas pour autant pourvus. Par rapport au nombre de candidats présents aux épreuves, nous ne sommes pas dans une discipline où il est possible de se plaindre de la baisse du nombre de postes.

En 2024, il y avait 136 candidats présents. S’il y en a autant cette année, 61 postes, cela me semble correct : il ne faut surtout pas baisser le niveau de l’agrégation. Il y a d’ailleurs plus de candidats présents à l’agrégation qu’au Capes, étrangement. Peut-être est-ce dû au fait que les deux concours se passent actuellement à partir du même niveau de diplôme, le Master 2, et que les candidats préfèrent tenter tout de suite le concours le plus élevé. Un candidat passé par un Master recherche passe d’ailleurs souvent les deux concours en même temps.

N’est-ce pas problématique que tous les postes ne soient pas pourvus ?

Le jury reste souverain. Le but, c’est de fixer une barre d’admission pour valoriser le niveau des candidats. Mais celui-ci peut changer d’une année sur l’autre. S’il y avait eu 71 excellents candidats cette année, tous les postes auraient certainement été pourvus.