Votre parcours professionnel est pour le moins atypique, pouvez-vous le retracer ?
En tant que fils de paysan, j’étais destiné à reprendre la ferme, mais comme j’avais des facilités d’apprentissage, mes parents m’ont incité à poursuivre mes études. Etant enfant, j’avais envie de parcourir le monde et je vivais à travers les grands reportages. J’ai obtenu un doctorat en sciences économiques à l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales) et en parallèle, j’ai eu plusieurs expériences dans la presse, notamment régionale. Je suis ensuite retourné à Paris pour terminer mes études : j’avais choisi de me spécialiser dans l’économie de la drogue et particulièrement de la cocaïne. J’ai intégré l’Observatoire géopolitique des drogues, et je me suis rendu en tant qu’envoyé spécial dans une dizaine de pays. Ma mission était de rencontrer des correspondants, et de faire un état des lieux de l’impact de la drogue dans le pays, que ce soit au niveau de la santé, de l’économie, de la culture… C’est vraiment à ce moment-là que j’ai découvert l’écriture de terrain, qui me caractérise.
A la suite de cela, j’ai mené ma première recherche, qui a fait l’objet d’une publication : Drogue et techno. Cela a été un marchepied vers la recherche scientifique, et j’ai travaillé ensuite sur le grand banditisme et le trafic de drogue en France. Cela m’a permis de découvrir la période de la French Connection, qui a duré 50 ans, essentiellement dans les milieux corses et marseillais. J’ai eu l’opportunité d’obtenir le point de vue des acteurs du trafic, ce qui était inédit et a fait l’objet d’un ouvrage : la French Connection, les entreprises criminelles en France.
Comment êtes-vous passé de la recherche en criminalité à l’écriture de livres pour adolescents ?
Comme je souhaitais continuer à travailler sur le sujet de la criminalité, j’ai financé mes recherches grâce aux maisons d’édition privées, pour lesquelles j’écrivais des livres. Évidemment, il ne s’agissait pas de recherches hautement scientifiques, mais cela m’a permis d’approfondir mon travail sur le sujet, particulièrement sur le grand banditisme français. J’ai notamment écrit la biographie romancée de Francis le Belge, un voyou marseillais, considéré comme un parrain. A cette occasion, le producteur Thomas Langmann m’a contacté pour en faire l’adaptation au cinéma. Le film ne s’est pas fait, mais cela m’a permis de travailler sur les règles d’or de l’écriture de scénario et de poursuivre l’écriture de mes autres récits de manière plus construite. Et lorsqu’on est auteur, il arrive que des maisons d’édition nous contactent pour savoir si nous souhaitons travailler sur tel ou tel sujet, afin de nous passer une commande. C’est ce qui s’est passé pour Polar Vert, avec les éditions Milan.
Quel est le concept de cette série d’ouvrages ?
La maison d’édition a mené une réflexion pour savoir comment elle pourrait s’adresser aux adolescents sous l’angle de la protection de l’environnement, avec un auteur qui pourrait à la fois maîtriser les règles du polar, connaître le fonctionnement de la chaîne judiciaire, et de la criminalité environnementale. C’est comme cela que j’ai été contacté et que nous avons créé le concept de Polar Vert, des ouvrages qui reprennent les codes des séries que regardent les adolescents. Il y a donc une saison 1, qui se déroule principalement en Bretagne avec deux thèmes principaux : le trafic de civelles et les marées vertes. La saison 2 se passe dans les Pyrénées et l’intrigue principale tourne autour de l’ours et de la forêt. L’objectif étant de montrer quelles sont les problématiques en France en ce qui concerne la criminalité environnementale. Par exemple, le trafic de civelles, des petites anguilles, représente environ trois milliards d’euros, c’est l’un des plus importants trafics au monde. Sur le marché asiatique, une anguille se vend en effet jusqu’à 20 000 euros le kilo. Mais l’espèce étant éradiquée dans la mer de Chine, les variétés européennes y sont importées via un important marché clandestin. L’ouvrage permet de comprendre comment l’action de la police et de la justice permet de répondre à ces problématiques.
Comment les enseignants ont-ils accueilli ces ouvrages ?
Les enseignants se sont très vite emparés de l’ouvrage, avant même que je le sache. C’est un outil qui leur permet d’aborder à la fois le roman policier, mais également le développement durable et la préservation de l’environnement, qui sont des thèmes mis en avant par l’Education nationale (voir la fiche pédagogique réalisée par Annette Vernazobres, professeure de français, pour les éditions Milan). J’ai été contacté par des professeurs qui travaillaient sur Polar Vert et qui m’ont demandé de venir rencontrer les élèves. C’est comme cela que j’ai commencé à mettre sur pied des masterclass dans les établissements scolaires, par l’intermédiaire d’actions pédagogiques menées par les enseignants. Tout cela est aidé par le pass Culture et la possibilité pour les chefs d’établissements d’accéder aux ouvrages via l’application Adage.
Au fil du temps, l’offre pédagogique autour de Polar Vert s’est étoffée, à ma grande satisfaction, mais également à ma grande surprise. Je n’aurais pas imaginé que, trois ans après la sortie du livre, les établissements organisent des masterclass, des conférences, des ateliers d’écritures, et des actions pédagogiques dans sept disciplines différentes !
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