
En septembre 2024, la Depp (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) a mené une évaluation nationale des qualités physiques auprès d’un échantillon représentatif de 4 100 élèves de sixième. Pourquoi ?
La Depp, en tant que service statistiques du ministère de l’Éducation nationale, est chargée d’éclairer le système éducatif sous tous ses aspects. Concernant les acquis des élèves, nous avons développé différents programmes tels que les évaluations nationales des élèves en début d’année ou les évaluations internationales comme Pisa. Nous avons aussi des baromètres nationaux comme le baromètre CEDRE : il s’agit d’une série d’enquêtes qui évalue les compétences disciplinaires sur des échantillons de plusieurs milliers d’élèves. Depuis près de vingt ans d’existence, nous observions des disciplines comme les mathématiques, les sciences, le français, les langues vivantes, l’histoire-géographie. Nous avons décidé d’élargir le spectre des disciplines interrogées, notamment en incluant à terme l’EPS. Nous savons également qu’il y a une préoccupation concernant le manque d’activité physique des jeunes et les répercussions pour leur santé. Ce travail permet de nourrir le débat public. Cette première évaluation comprend trois épreuves (vitesse, endurance, force musculaire) définies avec l’aide d’un comité scientifique : le Professeur Carré qui a beaucoup alerté sur ces aspects, des chercheurs du CNRS, la Dgesco, l’Inspection générale (groupe EPS), l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) et l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps).
Quels constats en tirez-vous ?
Nous retrouvons des points comparables à ceux identifiés lors des évaluations sur les performances académiques. Je pense par exemple au poids de l’origine sociale des élèves. Il y a une idée reçue selon laquelle on peut être défavorisé socialement mais compenser sur les performances sportives. Or nous observons des difficultés liées à l’origine sociale sur les qualités physiques également. Nous constatons un lien très fort entre les performances scolaires et physiques : les élèves qui ont de bons résultats aux évaluations nationales ont moins de difficultés identifiées lors des tests de qualités physiques. Il y a aussi de grosses différences de résultats dans l’axe garçons-filles, à un âge où le développement physique taille-poids est assez identique. Les garçons obtiennent de meilleurs scores sur les trois dimensions mesurées. Cependant, nous avons aussi évalué la souplesse sur un sous-échantillon d’élèves et là les filles s’en sortaient mieux que les garçons.
A quoi l’attribuez-vous ?
Les filles disent dans le questionnaire associé aux tests qu’elles pratiquent moins d’activités physiques et ces trois épreuves ne les favorisent pas. Ces différences sont très certainement d’origine culturelle, liées au milieu social, aux stéréotypes de genre…
L’évaluation dévoile aussi que seulement 19 % des élèves de 6ème ont des qualités physiques jugées satisfaisantes dans ces trois épreuves…
L’endurance est sans doute l’épreuve, d’après nos critères, où il y a le plus d’élèves à besoins, c’est-à-dire avec des performances assez faibles, avec 22 % (et 29 % pour les filles spécifiquement). Sur la vitesse, il y a moins d’écart, on est aux alentours de 10 % d’élèves à besoins (8 % chez les garçons, 11 % chez les filles). Comme il s’agit d’une première évaluation, il nous est difficile d’observer si la situation s’est dégradée et, si oui, dans quelle ampleur. Nous ne sommes pas spécialistes de la question des facteurs de causalité mais ce constat de déficit physique entraîne une préoccupation croissante ces dernières années.
Le dispositif des APQ (30 minutes d’activité physique quotidienne) à l’école primaire joue-t-il pleinement son rôle ?
A la Depp, nous n’avons pas mené d’évaluation sur cette mesure. Nous ne disposons pas d’informations suffisamment précises sur sa mise en œuvre… Il est compliqué de se prononcer sur son impact sans données objectives.
La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a confirmé, jeudi 3 avril, l’entrée en vigueur dès la rentrée prochaine de tests d’aptitude physique pour les élèves de 6ème. Qu’apporteront-ils de plus ?
Il est question d’une évaluation mise à disposition des collèges volontaires. Nous nous inscrivons dans cet esprit. Dans les données associées à cette étude, nous fournirons ce que l’on appelle le décilage, c’est-à-dire des éléments statistiques plus précis pour interpréter les résultats obtenus à ces tests. Cette évaluation doit être vue comme un outil à la disposition des enseignants pour faire passer ces tests, s’ils le veulent, et comparer les résultats de leurs élèves à ceux de l’échantillon représentatif au niveau national. Bien sûr, les enseignants d’EPS n’ont pas attendu les tests de la Depp pour évaluer les qualités physiques de leurs élèves. Ils ont leurs propres outils. L’objectif n’est pas de remplacer leur perception mais de leur offrir cet outil standardisé, construit selon les mêmes règles pour tout le monde, et étalonné sur un échantillon national représentatif. C’est quand même précieux pour un enseignant s’il veut ensuite mener des actions envers ses élèves, surtout en début d’année quand il ne les connaît pas encore très bien. L’étude et ses modalités seront accessibles sur le site Eduscol du ministère.
Il n’y aura pas de collecte des résultats de tous les professeurs volontaires ?
A ce stade nous prévoyons de l’outillage avec l’accès à ce test mais pas de remontées statistiques exhaustives comme c’est le cas pour les résultats des évaluations nationales de français ou de maths.
Est-ce que cette évaluation est amenée à se développer ?
Oui, à l’avenir, nous allons aussi explorer ce qu’il se passe à d’autres niveaux, notamment au lycée en début de Seconde. Nous ferons les premières expérimentations à la rentrée 2025 pour étrenner et qualifier nos instruments, avant d’envisager éventuellement une nouvelle étude, qui s’inscrira comme la plupart de nos études dans le long terme.
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